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Diplomatie de matamores

"Beaucoup de diplomates espagnols ne font pas mystère de leur malaise à servir un pouvoir marqué par la pensée décoloniale"


Diplomatie de matamores
© Oscar Gonzalez/Sipa USA

Seuls quelques pays ont une ambassade à Ramallah. Et si Madrid, Oslo et Dublin ont reconnu en mai la Palestine comme un État à part entière, ces capitales ne semblent pas décidées à ouvrir une mission diplomatique dans la ville.


Nicaragua, Oman, Uruguay, Venezuela… Seule une poignée de pays ont une ambassade à Ramallah, la capitale de fait de l’Autorité palestinienne. Car c’est à Tel-Aviv, au Caire ou à Amman que sont basés la quasi-totalité des diplomates de rang plénipotentiaires chargés de représenter leur gouvernement auprès du régime de Mahmoud Abbas, le plus souvent dans le cadre d’une résidence « régionale » englobant plusieurs pays. On a cru toutefois que les choses allaient changer quand, le 22 mai dernier, Oslo, Dublin et Madrid ont annoncé reconnaître officiellement la Palestine comme un État-nation à part entière, brisant là la règle tacite appliquée par la plupart des pays occidentaux en vertu de laquelle la reconnaissance bilatérale entre Israël et Palestine devait être un préalable. Dans les chancelleries, il se murmurait alors que, pour marquer le coup, l’Espagne ouvrirait dans la foulée une mission diplomatique à Ramallah.

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À la tête d’une coalition de gauche assez comparable au Nouveau Front populaire français, le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez mène en effet une stratégie très offensive vis-à-vis de Benyamin Nétanyahou. Le 8 mai, son ministre des droits sociaux, Pablo Bustinduy, avait ainsi envoyé une lettre aux entreprises espagnoles installées dans l’État hébreu pour les prier de ne pas contribuer au « génocide en cours en Palestine ». Au même moment, le ministre des Affaires étrangères, José Manuel Albares, essayait de convaincre, en vain, la Belgique, le Portugal et le Luxembourg de reconnaître eux aussi l’État de Palestine. On s’attendait donc à ce que Madrid installe dès le mois de juin un ambassadeur à Ramallah. Il n’en fut rien ! Invoquant des raisons de « niveau de vie et de sécurité », le personnel du consulat général d’Espagne à Jérusalem, pressenti pour créer la nouvelle représentation diplomatique, a refusé de quitter la ville sainte, pourtant située à seulement 15 kilomètres. Piquante ironie. Alors qu’en France de nombreux fonctionnaires du Quai d’Orsay n’hésitent pas à critiquer Emmanuel Macron, pas assez pro-arabe à leur goût, la situation est inversée au sud des Pyrénées, où beaucoup de diplomates espagnols ne font pas mystère de leurs idées néoconservatrices et de leur malaise à servir un pouvoir marqué par la pensée décoloniale. Vous avez dit « État profond » ?

Été 2024 - Causeur #125

Article extrait du Magazine Causeur




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est journaliste.

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