Moustachu, trumpiste de choc, Franco-américain, proche d’Éric Ciotti, Nicolas Conquer se présente dans la 4e circonscription de la Manche. Dans le Cotentin, fief historique de la gauche et de Bernard Cazeneuve, il a déjà obtenu plus de 30% au premier tour. De quoi attiser la fébrilité et même la violence de ses adversaires.
« Voir les sites de la bataille du 6 juin me fait toujours quelque chose, certains de mes ancêtres ont été parachutés pour participer à la liberation de la Normandie. C’est comme ça, certains parachutages apportent la liberté » développe, en « parachuté » assumé, le candidat RN-LR dans la 4e circonscription de la Manche Nicolas Conquer. Membre des LR, il fait partie des 62 candidats investis au bénéfice de l’accord entre le RN et les partisans d’Éric Ciotti.
« Républicain » de service sur nos chaînes info
C’est un habitué des grands médias, où ce responsable des Republicans Overseas (organisation rassemblant les citoyens américains membres du parti républicain et expatriés) et admirateur déclaré de Donald Trump, fait office de républicain de service lors des élections américaines. Son profil dénote un peu sur place. Trentenaire, cadre dans les cosmétiques, tignasse blonde… impossible de manquer sa moustache qui lui donne un air de sergent-chef pendant la guerre de Sécession !
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Alors que son arrivée a fait grogner quelques cadres locaux du RN[1], ses liens avec le Cotentin où il se présente sont assez ténus : « J’ai pris pour un clin d’œil du destin qu’Alexis de Tocqueville, l’auteur de la Démocratie en Amérique, ait ses attaches dans la circonscription », assure-t-il. On pourrait aussi rappeler que Cherbourg, jadis port transatlantique, fut la dernière escale du Titanic… Malgré son petit côté Stone et Charden découvrant les vaches blanches et noires sur lesquelles tombent la pluie, Nicolas Conquer est vite revenu à des enjeux locaux. Dans cette circonscription, les angles d’attaque ne manquent pas. Le nucléaire : « C’est une filière d’excellence qui fait la fierté du territoire du Nord Cotentin. Mon adversaire fait des déclarations favorables au nucléaire sur place, mais à l’Assemblée ne vote pas en faveur de cette industrie ». Avec l’usine de retraitement des déchets nucléaires de la Hague, l’EPR de Flamanville et même l’Arsenal de Cherbourg, la 4e circonscription de la Manche est une des plus nucléarisées de France. Aussi, les élus socialistes doivent sans cesse se justifier des tiédeurs de leurs dirigeants nationaux sur le sujet, comme de leur alliance avec les écologistes et les Insoumis notoirement hostiles au nucléaire.
Cherbourg Orange mécanique
En expert des campagnes électorales à l’américaine, le candidat doit aujourd’hui mener la sienne. À la fois méthodique et enthousiaste, il mitraille, localise les bureaux de vote, occupe et quadrille le terrain : « On sent un véritable enthousiasme, une véritable adhésion. C’est très porteur pour la suite des évènements ». Un enthousiasme d’autant plus remarquable qu’il est assez neuf : Cherbourg était encore il y a peu une terre de mission pour le RN. Dans l’ancien fief de Bernard Cazeneuve, l’investiture PS a longtemps été une garantie d’élection. Le socialisme cherbourgeois a toujours été hésitant, petit bourgeois à la Normande ; au diapason d’un emploi industriel atomique et militaire où les ouvriers d’Etat bien payés et qualifiés bénéficient d’un statut qui les met à l’abri de la mondialisation.
Au premier tour des législatives, Nicolas Conquer a réalisé une percée inattendue, se qualifiant pour le second tour avec 30% des voix contre 34.23% pour son adversaire socialiste, la députée sortante Anna Pic. Le politologue Christophe Boutin, résidant cherbourgeois, commentateur de la politique régionale et co-auteur des dictionnaires du conservatisme et du progressisme, analyse les résultats dans sa circonscription : « Anna Pic augmente ses voix mais passe de 13 300 à 20 000 voix. Ce n’est pas mal, mais ce n’est pas phénoménal. Elle a fait le plein de voix à gauche et ne bénéficie d’aucune réserve. Surtout, les droites progressent. Les LR passent de 4700 à 8000 voix. Et le RN gagne près de 10 000 voix, de 7 100 à 17 400 ». Comment l’expliquer ? « Il y a la vague nationale du RN qui touche Cherbourg. Plusieurs éléments locaux qui tiennent à des faits divers ont mis l’accent sur une immigration pourtant peu visible à Cherbourg. Les troubles que l’on a eu à Octeville ont pu jouer, notamment ». La mort du Sullivan Sauvey, jeune homme de 19 ans tué par le tir d’une policière, a déclenché des émeutes et dégradations dans une ville pourtant longtemps épargnée par l’insécurité ; lesquelles s’ajoutent à plusieurs coups de feu et bagarres au couteau dans le cœur de ville qui avaient été relevées par la presse locale ces derniers temps[2]. Il y eut aussi l’étrange meurtre de Jean Dussine, président de l’association humanitaire Itinérance Sud-Manche par un migrant afghan qu’il avait hébergé et qui a été déclaré depuis « irresponsable » évitant du même coup la médiatisation d’un procès[3]. Le viol barbare, l’été dernier, d’une jeune femme de 29 ans par un certain Oumar N’Niaye, 18 ans, avait horrifié la France et les résidents locaux.
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Si le candidat RN évite la surenchère, la crainte que Cherbourg s’enfonce dans l’insécurité ou ne devienne un point de fixage pour les migrants en direction pour l’Angleterre comme le sont devenues Calais ou Ouistreham donne de l’audience aux options sécuritaires de son parti.
« Madame Pic représente la nouvelle génération socialiste qui a succédé à la vieille garde issue du milieu syndical de l’Arsenal. Le système local n’a pas fait émerger de personnalité. Si l’on oublie Bernard Cazeneuve… aucune élite ne s’est imposée » ajoute M Boutin. Détachés du monde syndical et industriel, les nouveaux tenanciers du socialisme municipal ont un profil plus militant, idéologue, fonctionnaire et petits-bourgeois.
La campagne marquée par l’agression de M. Conquer
Aujourd’hui menacée, la gauche s’énerve. Les élus socialistes admonestent la droite locale qui refuse d’appeler au barrage. Le maire socialiste de Cherbourg-en-Cotentin ; Benoit Arrivé, qui a toujours entretenu un rapport délicat avec la rhétorique et la cordialité, lâche des phrases sentencieuses aux tournures emphatiques étranges. « Je combattrai jusqu’à mon dernier souffle les idées de Monsieur Conquer et de ses amis mais je condamne fermement cette agression », lâche-t-il dans un tweet acrimonieux qui visait pourtant à condamner l’agression dont a été victime M Conquer lundi.
Ce fut une scène soudaine et violente. À 19 heures, les terrasses place du théâtre de Cherbourg étaient remplies pour le match France-Belgique. Nicolas Conquer saluait ses militants après un tractage quand un groupe d’une dizaine de jeunes a bondi, jetant pierres et autres objets ramassés sur la chaussée aux cris de « Sales racistes… enculés ». Un mineur aurait été touché dans la bousculade. Le centre-ville, en perpétuels travaux de réfection, offre aux malandrins de quoi se fournir en pavés. Et il faudra attendre le milieu de la matinée le lendemain pour que ses adversaires condamnent l’agression. En attendant, une plainte a été déposée par le candidat. Signe de fébrilité et inquiétude du camp d’en face ? « L’agression de Nicolas Conquer est bien politique : elle est bien le fait non de militants réels mais de jeunes qui ont perdu leurs repères politiques » ; observe Christophe Boutin ; symptôme aussi d’un port Orange mécanique où la racaille, les marginaux et les désœuvrés du vaste monde ont pignon sur quai… Signe aussi que dans une ville où le vote RN a longtemps été un tabou, la libération de la parole devra braver quelques intimidations.
[1] https://www.lamanchelibre.fr/actualite-1120701-cherbourg-en-cotentin-ils-ne-sont-finalement-pas-candidats-aux-legislatives-anticipees
[2] https://www.francebleu.fr/infos/faits-divers-justice/mort-de-sulivan-j-ai-eu-la-peur-de-ma-vie-les-habitants-choques-par-les-violences-urbaines-cette-nuit-a-cherbourg-3463114
[3] https://www.causeur.fr/jean-dussine-tragedie-normandie-aide-aux-migrants-meurtre-177857
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