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Tour de France: et trois «premières fois» de plus!


Tour de France: et trois «premières fois» de plus!
Le cycliste érythréen Biniam Girmay à droite) savoure sa victoire à la troisième étape du Tour de France, Turin, Italie, 1 juillet 2024 © Shutterstock/SIPA

En remportant l’étape de lundi, Biniam Girmay est le premier Africain de couleur noire à avoir levé le bras de la victoire sur le Tour. La compétition s’est progressivement internationalisée. Petit historique.


Avec la victoire lundi dans la plus longue étape (231 km) de l’Érythréen Biniam Girmay, la prise ce même jour du maillot jaune par l’Équatorien Richard Carapaz, et sa perte dès le lendemain, cette 111ème édition du Tour restera certainement dans les annales comme celle des « premières fois » (relire mon précédent papier ici). Si la troisième est anecdotique, les deux premières sont, en revanche très symptomatiques. Elles confirment son universalisation.

Le Tour de France est à tout le monde

Dans le peloton de 176 coureurs qui s’est élancé samedi dernier de Florence en Italie, 27 nationalités y étaient représentées, cinq avec un seul compétiteur dont l’Érythrée, petit pays de la Corne de l’Afrique, sur la Mer rouge, mais grande puissance cycliste africaine, et l’Équateur, petit pays sud-américain sur la côte pacifique où le vélo est un sport très marginal, à la différence de son voisin, la Colombie.

Le plus gros contingent est toujours fourni par l’Europe et plus particulièrement par les pays à tradition vélocipédique, France en tête avec 32, suivie de la Belgique 28, de l’Espagne 15 dont six Basques, et des Pays Bas 14. En revanche, l’Italie et le Portugal qui faisaient il n’y a pas encore longtemps partie de ce club de grands pédaleurs sont réduits à la portion congrue avec respectivement 8 et 3 coureurs (voir encadré en fin d’article).

L’Asie y est absente. Ce ne fut pas le cas dans un passé récent. En 2014, un Chinois, Ji Cheng prit le départ et le termina « lanterne rouge », à savoir dernier du général. Il courut aussi dans sa brève carrière européenne deux Giro et une Vuelta qu’il termina encore bon dernier. Deux Japonais s’alignèrent aussi sur le Tour, Fumiyuki Peppu, une seule fois en 2009, et Yukiya Arashiro, lui qui y participa sept fois, de cette année-là à 2016.

Cette universalisation a été amorcée en 1975 avec la première participation d’un Colombien, Martin Emilio Rodriguez, dit Cochise. Il le termina à la 26ème place. Mais la grande vague de participants non européens se produira dans les années 80. Les Colombiens, qu’on surnomma les scarabées en raison de leur qualité de grimpeurs, arrivèrent dans la roue de Lucho Herrera, dit El Jardinero (le jardinier, son métier) qui remporta deux titres de meilleur grimpeur, fit trois tops dix en trois participations dont une 5ème place en 87. Et en 2019, Egan Bernal sera le premier de ses compatriotes à gagner la Grande boucle. Les Américains, eux, débarqueront dans les bagages de Greg LeMond qui monta sur la première marche du podium à deux reprises, en 86 et 89.

Plus tard un de ses compatriotes, Lance Armstrong, gagnera à sept reprises, un record. Jusqu’alors, le plus grand nombre de victoires était de cinq, partagées par Jacques Anquetil, Eddy Merckx, Bernard Hinault et Miguel Indurain (le seul à les avoir consécutives).  Armstrong sera déclassé, après avoir avoué s’être dopé à l’EPO. Une énigme demeure à ce sujet : comment a-t-il pu déjouer les contrôles en principe très stricts ?

C’est nous les Africains, qui revenons de loin

Par la suite, fin des années 90 début 2000, arriveront les Australiens puis les Sud-africains. Bien que premier Érythréen à gagner une étape, en devançant tous les cadors du sprint, Girmay n’est pas cependant le premier Africain à en inscrire une à son palmarès. Deux Sud-africains l’ont devancé, Daryl Impey en 2019 et Robert Hunter en 2007. Mais à la différence de lui, eux étaient des blancs, des Afrikaners. Lui est donc le premier Africain noir à avoir levé le bras de la victoire sur le Tour. Il y a aussi le cas particulier Chris Froome, quatre fois vainqueur. Bien que de nationalité britannique, il est né au Kenya et a résidé une grande partie de sa vie en Afrique du Sud. Dès lors, il peut être considéré comme Africain.

La victoire au sprint de Grimay, 24 ans, 1,84 m pour 70kg, vainqueur en 2022 de la semi-classique belge, Gand-Wevelgen, est une sorte de pied-de-nez à l’histoire : il a gagné une étape du Tour de France… en Italie, l’ancien pays colonisateur du sien, et le cyclisme qu’y est le sport roi est un héritage du fascisme. Indépendante de l’Éthiopie depuis 1993, au prix d’une guerre de 30 ans, l’Érythrée cumule en particulier les titres de champion d’Afrique sur route (sept fois chez les hommes, deux fois chez les femmes).  Pays à régime de parti unique, vaguement communisant, ayant à sa tête le même président depuis l’indépendance, soit depuis deux décennies, Isaias Afwerki, ingénieur de formation, l’Érythrée a été mise au ban de ce qu’on appelle sans qu’on en définisse ses contours « la communauté internationale » par les pays occidentaux : son principal lien avec eux se résume grosso modo au cyclisme.

Quant à Richard Carapaz, 31 ans, morphologie du grimpeur, 1,70 m pour 62 kg, il vient lui aussi d’un petit pays de 18 millions d’habitants, à la géographie volcanique, en proie à une instabilité politique chronique, dont la principale ressource est la banane et qui a adopté le dollar américain comme devise nationale. La pratique du cyclisme y est une incongruité. Cela ne l’a empêché de gagner un Giro et de décrocher en 2020 la médaille d’or sur route aux JO de Tokyo. Depuis, il roule sur un vélo doré. Le maillot jaune qu’il avait revêtu à Turin, il en a été dépouillé le lendemain même par le grand favori, Tadej Pogacar, qui s’est imposé avec insolence et aisance mardi sur les pentes du col du Galibier.

C’est encore une des « premières fois » de cette édition : la valse de la tunique jaune. En quatre jours, elle a changé quatre fois d’épaule, en fait deux puisque Pogacar l’a enfilée à deux reprises, à l’issue de la seconde étape et de la quatrième. Jusqu’alors, le moins longtemps qu’elle a été portée a été de deux jours. Mais la porter ne serait-ce qu’un jour est un rêve inaccessible pour la grande majorité des coureurs…

Par ailleurs, une étape de montagne avec le Galibier au menu, après seulement quatre étapes de plat, suivi d’une longue séquence de plat jusqu’aux Pyrénées qui seront attaquées le 14 juillet, est aussi une singularité de ce Tour. Est-ce que le Tour s’est joué sur le dernier kilomètre de cette montée au col du Galibier où Pogacar a pris 7 secondes sur son rival Wingegaard, et qui se sont traduites à l’arrivée au bas de la descente par un débours de 50 secondes ? Si c’est le cas, ce col culminant à 2642 m, le plus haut qu’auront à franchir les coureurs, s’inscrira lui aussi dans le registre des « premières fois »…

Le contre-la-montre vendredi, de 25,3 km, le dira peut-être en mettant les pendules à l’heure. L’an dernier Wingegaard, le Modeste, avait explosé Pogacar, le Flamboyant. Ce dernier a certes pris un ascendant dans le Galibier mais n’a pas écrasé le Tour. Aléas et péripéties désignent souvent le vainqueur final…

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Zoom sur le nombre de coureurs par nation
France : 32 ;
Belgique : 28 ;
Espagne : 15 (dont 6 Basques !) ;
Pays Bas : 14 ;
Grande Bretagne : 11 ;
Allemagne, Danemark, Italie : 8 ;
Norvège 7 ;
Australie : 6 ;
Colombie : 4 ;
Autriche, Canada, Etats unis, Irlande, Kazakhstan, Lettonie, Luxembourg, Suisse : 2 ;
Equateur, Erythrée, Pologne, République Tchèque, Russie : 1.
La moyenne d’âge est de 29 ans et 3 mois.
Le cadet est le Norvégien Johannes Kulset, 20 ans et 2 mois, le vétéran Jacob Fuglsang, 39 ans et 3 mois.
L’équipe la plus jeune, Lotto Dstny a une moyenne d’âge de ses coureurs de 26 ans, mais est la plus ancienne en tant qu’équipe, fondée en 1985.
L’équipe la plus âgée en âge moyen de ses coureurs est l’autralienne Jayco AlUla, 31 ans, mais 12 ans d’existence en tant qu’équipe seulement, fondée en 2012 • RU



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écrivain et journaliste français.

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