Notre chroniqueur, jadis gauchiste soixante-huitard, rêveur invétéré, quêteur de bouleversements, voit dans la situation qui pourrait émerger de ces élections voulues par le Grand Semeur de Désordre (i.e. Macron, visiblement) l’occasion d’une révolution qui bouleversera en profondeur la France moisie d’aujourd’hui. Bien entendu, Causeur, qui s’arrange confortablement d’un balancement gauche / droite — comme on dit en boxe — n’en souhaite pas autant.
Jean-Paul Brighelli vient de publier Soleil noir, un roman de 300 pages chez L’Archipel NDLR • |
Vous vous souvenez sans doute que dans Le Désert des Tartares (Dino Buzzati, 1940 — une année fertile en événements), le héros, Giovanni Drogo, jeune et fringant lieutenant, a été muté dans un poste avancé de l’empire, à la limite des terres inconnues où habitent les barbares.
Et il va les attendre, trente ans, jusqu’à ce que, vieux et malade, il se résigne à partir — au moment où l’ennemi enfin attaque. Il ne connaîtra jamais la gloire des combats.
Depuis cinquante ans, nous attendons le Grand Soir qui bouleversera nos habitudes, et redonnera un souffle de vie au cadavre frémissant de ce cher vieux pays suicidé par des gouvernements successifs irresponsables.
Et nous avons vu nos espoirs s’amenuiser : le libéralisme a su inventer tous les gadgets susceptibles d’amuser les foules.
Les membres des élites mondialisées n’avaient pas prévu le confinement, ni les gilets jaunes. Ils ont cru au rétablissement du business as usual, et parce qu’ils ne sortent pas de cette capitale qui n’est plus qu’une bulle factice, ils n’ont pas senti monter l’émeute. Les médias ont glosé l’année dernière sur les exactions des racailles, sans voir que ce déchaînement très limité de violence — limité par les chefs de gang pour qui toute révolte est un manque à gagner — traduisait une exaspération puissante. Ce ne seront plus de jeunes exaltés qui seront prochainement à la manœuvre, mais le peuple, que l’on peut tromper un temps, mais pas tout le temps.
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Les élections voulues par le mirliflore de l’Elysée pour sauver sa fonction et sa place dans l’Histoire accoucheront dans quelques jours d’une Assemblée impuissante à surmonter ses divisions : jamais la haine n’a été à un si haut étiage. C’est dans la rue que l’ultra-gauche, les Frères musulmans (qui ont fait voter massivement LFI dans les « quartiers », regardez les chiffres) et le peuple de droite (qui n’est de droite que parce que les intellectuels fourbes et fourbus, les élites parisiennes (oxymore !) et autres agents infiltrés de la CIA et de la CEE, main dans la main, ne lui ont pas laissé le choix, après lui avoir confisqué son vote en 2005) règleront finalement le sort de la nation. Ce sera violent, injuste si l’on veut, mais il se passera enfin quelque chose.
Pas pour tous ceux qui l’ont tellement aimée, la révolution. Ils n’en verront pas grand-chose, du fond de leur lit d’hôpital ou de leur cabane de retraités. Mais l’Histoire s’en fiche : ce qui va se passer entre le 8 juillet et surtout la rentrée sera l’une de ces pages splendides, rouge sang, auxquelles notre destin français nous a habitués — et que l’on a prétendu nous interdire à jamais. Ce sera la revanche posthume de Giovanni Drogo.