Judith Magre a tout donné au théâtre et au cinéma. Elle a travaillé avec Julien Duvivier et Sacha Guitry, Jean Vilar et Gaby Morlay, Fernandel et Jean Poiret, jusqu’à François Ozon et Paul Verhoeven. Et à 97 ans, elle continue de brûler les planches ! Rencontre avec une actrice qui ne se prive de rien.
Judith Magre est une reine des planches. Un monstre de théâtre. À 97 ans, elle est l’histoire du théâtre. Des aventures et des époques, elle en a traversé. Jean-Louis Barrault, Claude Régy, Jean Le Poulain, Jacques Charon, Jean Vilar, Jorge Lavelli ou encore Georges Wilson l’ont mise en scène. Au cinéma aussi ! On l’a vue tourner sous la direction de Sacha Guitry, Julien Duvivier, Louis Malle, René Clair, Claude Lelouch ou plus récemment François Ozon et Paul Verhoeven. Elle a partagé la scène avec Jacqueline Maillan, Madeleine Renaud, Laurent Terzieff, Denise Grey, Suzanne Flon, Charles Denner, Jean-Louis Trintignant, Jean Poiret, Michel Serrault et Gaby Morlay. Depuis ses débuts, à la fin des années 1940, elle n’a jamais arrêté un seul instant. Jouer, jouer et jouer encore. Quand elle n’est pas sur scène, elle a l’impression d’être « un tas inutile ». Mais Judith Magre est avant tout une curiosité, une créature. Une apparition ! Elle intrigue, elle fascine. Elle distille le mystère. Son visage est un masque antique. On ne sait ce qui se cache derrière. On s’interroge. C’est un masque de théâtre. Judith Magre n’est pas une actrice, c’est l’Actrice. Elle est là, sur les planches, elle profère. Elle prête son corps, sa voix et sa musique aux personnages et aux textes qu’elle incarne. La psychologie des personnages, ce n’est pas son truc. Elle croit aux mots. À une journaliste qui lui demandait comment elle s’était préparée pour jouer au théâtre le rôle de la sublime putain et écrivain Grisélidis Réal, en 2014, elle avait répondu : « On m’a donné un texte à dire. Vous savez, les mots, ce n’est pas innocent. » Elle est une femme d’instinct. Elle apprend son texte laborieusement, elle déteste cela. Et lorsqu’enfin il a imprimé sa mémoire, c’est le miracle. Le miracle des acteurs, des grands. Elle est. C’est fait. D’ailleurs, elle a très peu suivi de cours de théâtre. Seulement trois mois au cours Simon ! C’est sur scène qu’elle a tout appris, en jouant. Et, peut-être, en regardant les autres.
La première fois que j’ai vu Judith Magre, c’était en 2013, dans Dramuscules de Thomas Bernhard. Je me souviens d’un grand frisson parcourant mon corps lors de son entrée en scène et de ses premières répliques. Elle possède cette chose inexplicable : la présence. Il suffit qu’elle soit sur une scène pour que la magie opère, pour que théâtre il y ait. C’est une sorcière. Elle envoûte le spectateur. Comme si elle lui jetait un sort. Sa voix grave et profonde, si particulière, et la cadence mécanique de
