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Emmanuel Macron paie la note…

Le billet politique de Philippe Bilger


Emmanuel Macron paie la note…
Valérie Hayer et Emmanuel Macron, Bruxelles, 17 avril 2024 © Arnaud Andrieu/SIPA

Le soir du résultat des élections européennes, le président de la République a sévèrement reçu la monnaie de sa pièce. Avec la décision de dissoudre l’Assemblée nationale, il plonge le pays dans l’inconnu, et somme désormais les Français d’avoir peur…


Depuis la déroute des élections européennes et la décision de dissoudre qu’a prise le président de la République, j’éprouve un double sentiment contrasté. Que je pourrais résumer de la manière suivante : c’est à la fois bien fait – familièrement dit – et triste !

Bien fait. Tout ce qui s’est accumulé depuis sa réélection à la fois légitime mais si mal acquise, avec une implication présidentielle minimaliste qui a frustré beaucoup de citoyens, semble avoir fait mousse, danger et délitement. Ses phrases provocatrices, des attitudes frôlant l’arrogance, sa politique catastrophique du « en même temps » interdisant toute véritable action, ses insupportables fluctuations, son omniprésence avec une parole tellement offerte qu’elle s’est démonétisée, sa manière de prendre toute la place de son Premier ministre et de lui reprocher ensuite ses faiblesses ou ses abstentions, sa médiocre capacité à choisir les meilleurs pour ses conseillers comme pour ses ministres, cette étrange atmosphère de cour à l’Élysée où une solitude impérieuse dissimule ses desseins et ne se penche jamais sur elle pour se questionner, cette hostilité dont, quoi qu’il en ait, il n’arrive pas à se défaire parce qu’elle tient plus à ce qu’il est qu’à ce qu’il accomplit ou non.

Le résultat des élections européennes, après la majorité relative qui déjà avait entraîné un court fléchissement du président, selon des proches, a soldé toutes ces blessures, ces déceptions, ces rancœurs citoyennes, ce malaise d’une France qu’il regardait de haut parce que ses peurs, ses misères et ses attentes n’étaient pas les siennes qui étaient infiniment plus élevées !

C’est bien fait. Il a reçu sévèrement la monnaie de sa pièce.

Mais je ne peux m’empêcher aussi d’être troublé par cette atmosphère d’apocalypse depuis le soir du 9 juin, par ce climat shakespearien où, d’un coup, un vent de désastre soufflait, où Jupiter égaré, incertain, disposé à la politique du pire, au pire de la politique, avait perdu de sa superbe, devenait, en tout cas à mes yeux, presque pitoyable. Comme une sorte de roi Lear sur sa lande élyséenne. Comme s’il avait fallu ces intenses et dramatiques péripéties politiques pour que, enfin, il se dégonflât de lui-même, étonné de n’être plus qu’un président ordinaire, conscient d’un futur qui allait rétrécir encore davantage son champ d’action.

A relire: Qui est réellement Raphaël Glucksmann?

Quand Raphaël Glucksmann déclare que « nous sommes présidés par un adolescent qui s’amuse à faire craquer des allumettes dans une station à essence sous les vivats énamourés de trois conseillers obscurs » (Le Point), je trouve que son appréciation caustique traite à la légère ce qu’a dû être le tourment présidentiel. Même si Emmanuel Macron a cherché à théoriser politiquement l’absolue nécessité de la dissolution en une période pourtant si peu propice, elle a représenté pour lui un saut dans l’inconnu et ce serait le moquer que de croire à une fantaisie de gamin. Faut-il ajouter foi au fait qu’il serait absolument « ravi » par la dissolution qu’il aurait eue dans la tête depuis plusieurs mois ?

Les réactions très négatives de son propre camp, manifestant une défiance à son égard et une préférence électorale pour l’implication de son Premier ministre, ne l’ont pas empêché de continuer à espérer pour le 30 juin et le 7 juillet en accablant le Nouveau Front Populaire sous le reproche d’être « totalement immigrationniste » et de permettre le changement de sexe en mairie, ce qui lui a valu le grief « de se vautrer dans une transphobie crasse ». La conséquence saumâtre de son désaveu au sein de son propre camp est qu’on ne veut plus l’entendre parler même lorsqu’il dit des choses justes et cinglantes !

Derrière cette lutte politique qu’il doit mener, je ne doute pas que dans son for intérieur il s’interroge sur ce qu’il adviendra de lui si le RN a la majorité absolue – ce qui est peu probable – ou si l’Assemblée nationale se retrouve éclatée en trois groupes, donc ingouvernable.

Cette personnalité qui avait tant de dons, à qui tout souriait, commence un début de la fin sous d’autres auspices.

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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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