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Droite populiste : comment concilier souverainisme et assainissement des finances publiques ?

L'exemple italien de Giorgia Meloni.


Droite populiste : comment concilier souverainisme et assainissement des finances publiques ?
Georgia Meloni et Ursula von der Leyen au sommet G7 à Borgo Egnazia, Puglia, Bari, Italie le 13 juin 2024. Aleksy Witwicki/Sipa USA/SIPA

La droite radicale, qu’elle soit française, italienne ou autre, a réussi à s’imposer lors des européennes mais se trouve maintenant face à un dilemme. D’un côté, elle doit réaffirmer l’identité nationale et renforcer les frontières de l’UE face à l’immigration. De l’autre, elle a promis d’améliorer le sort économique des citoyens qui ont voté pour elle sans pour autant aggraver les finances publiques. L’analyse d’Edoardo Secchi.


La nouvelle de la victoire aux européennes du Rassemblement National a été très bien accueillie par la droite italienne qui y voit une opportunité pour s’imposer sur la scène européenne à travers une grande coalition franco-italienne de droite. Pour Giorgia Meloni, cette perspective s’ajoute à sa propre victoire en Italie où son parti Fratelli d’Italia a dépassé son score des élections nationales de 2022 et se confirme comme la première formation politique avec 6,7 millions de voix et presque 29 % des voix exprimées. Ce succès a servi aussi à affaiblir la position de son allié Matteo Salvini, qui représente la plus grande menace interne à sa coalition.

Et l’économie dans tout ça ?

Pour Giorgia Meloni cette réussite est d’autant plus remarquable que ses résultats sur les plans de l’économie et de l’immigration sont modestes, voire décevants. Une chose est sûre : le gouvernement de Giorgia Meloni jouit d’un degré de soutien électoral rare dans l’UE et fera bien entendre sa voix dans la nomination des futurs commissaires européens. La première ministre italienne a désormais un choix : elle peut soit appuyer la candidature d’Ursula von der Leyen en échange de concessions sur ses propres dossiers prioritaires, soit devenir le chef de file de la droite populiste européenne et œuvrer à un changement radical de la politique de l’UE.

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La droite populiste, en Italie comme en France, a astucieusement exploité les craintes des citoyens. Non seulement celles provoquées par l’immigration incontrôlée, mais aussi celles, d’ordre économique, résultant de la série noire du Covid, de la guerre russo-ukrainienne, de l’explosion des coûts de l’énergie et de l’inflation. C’est ainsi que la droite populiste, en plus de ses objectifs concernant le contrôle des frontières, s’est donné aussi des buts importants dans le domaine économique. A cet égard, l’expérience italienne nous montre les obstacles auxquels un gouvernement populiste – y compris un éventuel gouvernement du RN en France – doit faire face.  

Réduire la dette publique, baisser les impôts… et maîtriser l’immigration ?

Le premier obstacle concerne la réduction de la dette publique. Avec une faible croissance et un déficit bien au-dessus de 3%, il n’existe pas d’autres solutions que de réduire les dépenses publiques et privatiser des actifs comme les biens immobiliers, les routes ou vendre les participations de l’État aux grandes entreprises comme Airbus, EDF, GDF Suez ou Thales. En Italie cette phase a déjà commencé avec un programme de privatisation d’actifs qui, de 2024 à 2026, devrait apporter 20 milliards dans les caisses de l’État. Vendre un actif qui génère un revenu et devoir ensuite payer plus cher les services ou produits en question, peut-être en enrichissant un propriétaire étranger, est-ce un choix intelligent dans l’intérêt de la nation ? Et comment concilier les intérêts des industriels qui demandent plus d’ouverture à l’immigration pour soutenir leur activité avec le refus des citoyens à accueillir davantage de travailleurs immigrés ?

Le deuxième obstacle concerne la baisse des impôts. Leur réduction est directement liée à la dépense publique et à la croissance. L’imposition actuelle, trop élevée, tue la consommation interne et la compétitivité des entreprises. Quelles solutions la droite populiste proposera-t-elle pour réduire la pression fiscale sur les ménages et les entreprises sans augmenter la dette publique ?

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Les marchés financiers sont confrontés à une vague d’incertitude et de volatilité. Ce n’est pas tant la perspective d’une victoire de Le Pen qui les inquiète, que l’imprévisibilité du changement et la nécessité désormais de prendre en compte des facteurs géopolitiques jusqu’ici sous-estimés. Rassurer les marchés deviendra fondamental pour éviter une fuite des investisseurs et une éventuelle dégradation par les agences de notation. 

Quant à maîtriser l’immigration, l’expérience italienne est révélatrice. Depuis l’arrivée au pouvoir de Giorgia Meloni, et malgré ses promesses, l’immigration clandestine continue à augmenter. Conclusion : l’immigration est un sujet trop compliqué pour être géré par un État-membre tout seul.  C’est donc à Bruxelles, de concert avec d’autres États-membres, que cette question doit être traitée. Pour ce faire, il faut que la droite radicale compose avec la coalition majoritaire plutôt centriste qui domine l’UE.

La politique est un jeu de compromis et la droite populiste en devient consciente. Une fois au pouvoir, elle sera obligée de trouver un équilibre entre une aggravation des finances publiques, le retour de l’austérité, le contrôle exercé par Bruxelles, et la volonté des électeurs de maîtriser l’immigration.



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Edoardo Secchi est entrepreneur et conseiller économique France-Italie

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