La disparition de la bibliothèque de Drieu la Rochelle a mobilisé les admirateurs de l’écrivain. L’État a brillé par sa prudence et n’a pas préempté certains documents majeurs, tel le manuscrit de Feu follet. L’héritage de Drieu – son talent littéraire et son passé de collabo – est encore lourd d’ambiguïtés.
Drieu la Rochelle se suicide le 15 mars 1945. André Malraux et Colette Jéramec, première femme de Drieu, admirable personnalité, se précipitent dans son appartement, afin de dérober aux pilleurs l’essentiel de sa bibliothèque et de ses archives. Une partie trouve place chez Malraux, Colette et quelques autres, une autre dans un garde-meuble, dont le contenu entier sera détruit peu après par un incendie (volontaire ou criminel ?). Par la suite, tout ce qui fut sauvé sera déposé chez Jean Drieu la Rochelle, son frère. Brigitte, l’épouse de Jean, meurt en juin 2023.
Les ombres convoquées
14 décembre 2023, hôtel Drouot, Paris : l’étude Tessier-Sarrou met donc en vente cette prodigieuse collection (expert, l’excellent Éric Fosse). Le catalogue seul (préfacé par Julien Hervier) est un trésor : il reproduit des choses rares ou jamais vues, comme dérobées à l’histoire et à l’oubli (voir sur le site de Causeur : Drieu la Rochelle, des archives pour la littérature et pour l’Histoire)
On attendait les collectionneurs privés, les lecteurs, nombreux, toujours renouvelés du Feu follet, hantés par la poignante dérive d’un garçon voué au malheur d’être né1. Ils vinrent. On attendait l’État, toujours présent et actif dans ce genre d’événement.
Or, il se montra d’une grande discrétion. Que s’est-il passé ? Un retour en arrière s’impose.
Drieu : l’une contre, l’autre tout contre
Aude Lancelin
