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Emmanuel Macron: c’est sa faute, sa très grande faute…

L’analyse politique de Philippe Bilger


Emmanuel Macron: c’est sa faute, sa très grande faute…
Le président Macron à Oradour-sur-Glane (87), aujourd'hui © Eliot Blondet-POOL/SIPA

Dissolution. Alors qu’on nous dit que le président de la République ne supportait plus son absence de majorité claire au parlement, et sa situation, notre chroniqueur s’étonne qu’il n’ait pas plutôt décidé de démissionner après la déroute de la liste « Renaissance » aux élections européennes. Analyses.


La liste conduite par Jordan Bardella voulait faire des élections européennes un test national, une machine de guerre contre Emmanuel Macron. La victoire écrasante du RN est la preuve implacable de la justesse de ce dessein. Qui a été renforcé tout au long, lors de la déconfiture programmée de la liste Hayer, par l’incroyable et indécente implication du couple exécutif dans une campagne qui, parce qu’elle était prétendue seulement européenne, aurait dû le laisser sur la réserve. Est-ce alors porter atteinte à la dignité du président de la République que de suggérer qu’il y avait une solution, plus que toute autre conforme à un choix gaullien, pour dénouer cette crise politique ? La démission du président de la République désavoué comme jamais et contraint d’ordonner une dissolution de l’Assemblée avec des élections législatives précipitées le 30 juin et le 7 juillet.

9 juin 2024 : une date historique

Ainsi ce président qui n’avait cessé de se vanter d’être l’unique rempart contre le RN, avec déjà un premier accroc capital tenant aux 89 députés de ce parti, englué dans une impasse au soir du 9 juin, alors qu’il avait toujours affirmé détester agir sous la contrainte des événements, décidait de dissoudre, cédant apparemment à l’injonction de Jordan Bardella qui l’avait évoquée comme une conséquence inéluctable si sa liste l’emportait !
Je considère que « c’est sa faute, sa très grande faute » que d’avoir permis et facilité ce triomphe du RN même si son discours dans la soirée du 9 montrait qu’il continuait à se défausser de toute responsabilité dans cette configuration démocratique révélatrice, selon Jean-François Copé, du désir des Français « d’avoir de l’ordre dans la rue, dans l’école, dans les comptes ».
Jordan Bardella a annoncé qu’il ne se présenterait pas aux élections législatives mais était prêt à assumer la charge de Premier ministre.
Pour que le président le 8 juillet prenne la décision de le nommer à Matignon, il faudrait que le RN disposât d’une majorité d’au moins 289 députés, ce qui est peu probable compte tenu du saut parlementaire que cet accroissement représenterait et de la différence entre les modalités des élections européennes et celles des élections législatives. Le RN, dans celles-ci, sera moins assuré de pouvoir tirer dans leur plénitude les conséquences des résultats du 9 juin.

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Si demain le RN, comme c’est probable, a davantage de députés et que l’Assemblée nationale verra sa composition bouleversée avec, je l’espère, une représentation forte à gauche d’une social-démocratie authentique et un échec de LFI, le président de la République sera forcément conduit à nommer un Premier ministre qui ne sera pas récusé par le nouveau groupe majoritaire, les députés macronistes étant probablement réduits dans leur nombre. Il devra tenir compte d’un certain nombre de données et on retrouve alors là la critique de la présidente de l’Assemblée nationale déplorant la dissolution et suggérant « un pacte de gouvernement, de coalition, un autre chemin ». Mais avec qui ?

Le temps des grandes manœuvres et des outrances

Eric Ciotti (qui est coupable du faible score du remarquable François-Xavier Bellamy pour l’avoir désigné trop tard tête de liste) a déclaré refuser toute alliance avec le macronisme. Marion Maréchal a tendu la main à Jordan Bardella et à quelques personnalités « patriotes ». Après avoir craché comme elle l’a fait sur LR – à l’évidence son ennemi exclusif -, qu’elle n’attende pas, de la part de ceux-ci, la moindre envie de pactiser avec « Reconquête ! ». Il serait dramatique que ces élections législatives ne consacrent pas en effet la disparition totale de la Nupes, l’exclusion de LFI de toute entreprise d’unité à gauche (après la campagne et les propos honteux de certains sur sa liste ou dans le groupe parlementaire), le retour d’une gauche inspirée par une « éthique démocratique » selon la formule de Raphaël Glucksmann et une vision susceptible de lui redonner son honneur et son influence.
J’ai conscience qu’en amont des élections à venir, au sein des partis devraient avoir lieu des remises en cause, des contritions, des repentances et de nouvelles hiérarchisations dans les appareils. On ne peut plus laisser les mêmes aux commandes et à droite plus qu’ailleurs, sauf à considérer que les jeux politiciens demeurent dominants. Si on n’adhère pas au RN, deux disqualifications incontestables pour le futur : le macronisme et l’extrême gauche. François Ruffin – je souhaite qu’il soit un jour aussi courageux à l’égard de Jean-Luc Mélenchon qu’il est grossier à l’encontre du président – a formulé sur ce dernier cette appréciation : « Nous avons un taré à la tête de l’Etat, il n’a rien écouté en gouvernant avec brutalité et arrogance ». C’est la faute, la très grande faute du président si le RN n’est pas loin du pouvoir. Avec son humanisme verbeux, il l’a fait progresser. Hors de question donc qu’il démissionne mais au moins qu’il ne reste pas pour rien !




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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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