Déjouant toutes les prédictions, les visiteurs se pressent toujours plus nombreux au musée. Que viennent ils chercher ? Peut-être une consolation à l’instabilité du monde, admirer des œuvres à leur guise, leurs formes et couleurs qui sont source de plaisir. On aurait tort de s’en priver, d’autant que les expos de ce mois de juin méritent le déplacement.
Les expositions de ce printemps sont belles : la forêt au Petit Palais, la mer à Giverny, Hockney et Whistler à Rouen, Van Eyck au Louvre, l’impressionnisme ici et là, un peu partout en France. Certains choisiront de se promener parmi les arbres de Théodore Rousseau (1812-1876), avec leurs troncs frappés de la lumière d’un ciel s’aventurant dans le vert des houppiers, leur écorce ajourée de lichens et de mousses. D’autres iront, avec les peintres impressionnistes, saisir le miroitement polychrome de la mer, le reflet des voiles et des nuages à la surface irisée de l’eau ou l’écume des conversations de pêcheurs et de bourgeois sur les plages. Les mêmes, ou d’autres encore, iront admirer La Vierge du chancelier Rolin de Van Eyck (1390-1441) dans l’éclat de ses couleurs recouvrées, se perdront dans les délicats arrangements sensoriels de James Abbott McNeill Whistler (1834-1903) ou bien s’étonneront de sentir la douce fraîcheur du printemps éclore dans les fleurs de pommier peintes sur iPad par David Hockney (né en 1937), dans sa Normandie d’adoption.
À l’heure où Le Petit Larousse s’enorgueillit de faire entrer « écogeste », « empouvoirement », « visibiliser », « désanonymiser », « permittent » ou encore « polluant éternel » dans son édition de 2025, la peinture nous ramène avec bonheur à un monde où le geste est créateur, où les artistes ont des noms que l’on retient et où le regard qu’ils ont posé sur les choses continue à attirer le nôtre dans un rapport au temps qui n’a pas de prétention à l’éternité, mais s’enrichit de conjuguer notre présent et le leur. On pensait la peinture inaccessible ; on croyait ne rien y voir. On se rend compte qu’elle parle le langage clair des formes, des couleurs, celui des sensations, des impressions et des sentiments que notre langue commune se voit sommée de contourner pour lui préférer tout un fatras de mots-valises
