Hier, le Premier ministre a célébré son centième jour à la tête du gouvernement français. De son discours de Vauvert, restent quelques sentences, dont les accents grandiloquents rappellent ses talents de tribun. Mais, malgré sa popularité dans les sondages, les résultats du tournant annoncé se font attendre.
Dans son élan, Valls a salué Mitterrand en reprenant à son compte son vieil adage : « Ne pas bouger, c’est commencer à perdre », une manière d’imposer sa posture d’électron libre du parti, histoire aussi de poser en président bis. En orchestrant le bilan de ses cent jours à Matignon, Valls n’a sûrement pas essayé d’évoquer Napoléon, une référence qu’il s’est « défendu de faire sienne ». Reste alors le rapprochement symbolique avec d’ autres « Cent jours », un parallèle plus pertinent, ceux du début de la présidence de Franklin Roosevelt, lorsque fut lancé le New-Deal, un moment important où s’amorça le changement d’état d’esprit de toute une société. Sauf que, malgré lui, les Cent jours de Valls, au moins par leur issue, ressemblent davantage à ceux de Napoléon qu’au départ en fanfare de Roosevelt…
Valls a beau déclaré que les « Cent jours, ce n’est qu’un début pour remettre notre pays en marche », le nouveau chef n’a pas su galvaniser les députés et militants PS, et encore moins le grand public. Or, précisément les « Cent jours » auxquels il fait référence ne devaient servir qu’à frapper les esprits, personne n’étant suffisamment dupe pour espérer vaincre le chômage et combler les déficits en trois mois.
Valls s’est ensuite livré à un exercice d’autocongratulation, reprenant à son compte les comparaisons que certains éditorialistes établissent entre Mateo Renzi et lui-même. D’emblée, la comparaison est biaisée car Renzi dirige l’Italie, tandis que Valls n’est, malgré les apparences, que l’exécutant du président Hollande. À cela, il faut ajouter une différence de fond. Si le volontarisme affiché des deux côtés des Alpes est comparable, Renzi a pu marquer les esprits et insuffler un vent nouveau. Il a trouvé le bon mélange de politique du verbe et des réformes de fond. En cela, Renzi se montre un bon disciple de Roosevelt tandis que Valls a perdu sa seule opportunité de faire une bonne première impression…
Si Renzi comme Valls poursuivent le même objectif – moderniser la gauche, façon Tony Blair – leurs méthodes diffèrent. Le courage politique de Renzi se retrouve aussi dans l’abolition des provinces, équivalent des départements français, décrétée il y a quelques semaines. Dans le même temps, Manuel Valls se fixait un horizon assez lointain pour supprimer les conseils départementaux : 2021 ! Rien ne sert de courir, il faut partir à point. Bénéficiant d’un système politique plus stable, la France ne montre pas le même empressement que l’Italie dans ses réformes, au point de montrer un certain retard à l’allumage. N’est pas Tony Blair qui veut : étant donné les rapports de force internes au PS, dans lequel Valls ne représente que 6% des votes, le parti d’Epinay n’est pas près de muter en New Labour social-libéral. Preuve en est, la réticence d’une grande partie des députés socialistes à voter le fameux « pacte de compétitivité », que la gauche du PS assimile à un cadeau du gouvernement au Medef.
Mais enfin, il est aisé de comprendre pourquoi Valls se flatte de la comparaison avec l’ancien maire de Florence. L’échec de Valls aux européennes a coïncidé avec l’effondrement de la droite berlusconienne (17%) et le reflux du mouvement Cinq étoiles de Beppe Grillo (25%) tandis que le Parti démocrate de Renzi signait un tonitruant 40%. De quoi faire saliver le PS et Manuel Valls, alors que le FN a réalisé un score historique dans l’hexagone, notamment dans les anciens viviers du PS (jeunes et ouvriers).
Entre le courage politique de l’un et les gesticulations de l’autre, on peut donc se demander la comparaison ne vaut pas que pour leur volonté et leur ambition communes. En fin de compte, que restera-t-il de l’allocution d’hier après-midi ? Pas grand-chose, hormis un exercice d’autopromotion finement ciselée. L’électeur las des maximes sentencieuses en sera pour ses frais. Quant au populo tenté par le vote FN et l’abstention, il pourra toujours se consoler par un « au diable, Vauvert ! »
*Photo : Luigi Mistrulli/SIPA. 00682328_000001.
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