Au premier jour d’une importante visite d’État en Allemagne, le président Macron a fustigé une « fascination pour l’autoritarisme » en Europe (!). Le refrain des « heures sombres » lui semble apparemment toujours utile pour mobiliser ses électeurs, lesquels n’ont décidément pas les mêmes inquiétudes que la majorité des autres citoyens.
Emmanuel Macron en déplacement en Allemagne s’est fendu d’une phrase ahurissante selon laquelle il y aurait « une fascination pour l’autoritarisme en Europe ». La France en faisant partie, on voit bien, à la veille des élections, qui est visé par ce propos.
Les électeurs du RN, voilà les seuls « déséquilibrés » qui inquiètent l’exécutif !
Il faudrait demander aux derniers blessés en date – Lyon, ce week-end – s’ils ne souffriraient pas par hasard d’une « fascination pour l’autoritarisme » ? Et à tous ceux qui se prennent des coups de couteau, qui n’en meurent pas forcément mais dont on ne dit jamais les séquelles, s’ils ne souffriraient pas, eux aussi, de la même pathologie. Quant à tous ceux qui meurent quotidiennement, qui d’un règlement de compte lié au trafic de drogue, qui d’un pur hasard de s’être trouvé sur le chemin d’un « déséquilibré », qui d’un refus d’obtempérer, qui d’un ex-conjoint ne supportant pas la rupture, il aurait fallu, avant bien sûr, sonder leur âme à ce propos. Enfin, quant à ceux qui sont témoins chaque jour de cette criminalité grandissante et qui ont légitimement peur, il faudrait sans doute soigner leur fameuse « fascination » afin qu’elle ne les fasse pas mal voter.
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Car on aura compris qui est visé par cette phrase : les partis politiques qui en appellent à l’autorité régalienne et les citoyens qui voudraient donner leur voix à ceux qui les protégeraient ; la sécurité étant la base même de ce que doit assurer un État. Mais à écouter notre président, toute demande de cette chose élémentaire est renvoyée à un symptôme problématique qui devient sournoisement le problème n°1 ! Ainsi, ce ne sont pas seulement les partis politiques qui prônent l’autorité – qui jamais ne fut l’autoritarisme -, mais leurs électeurs qui sont désignés comme des névrosés qui auraient besoin d’une cure. Et parfaitement infantilisés dans la foulée, car réduits à des gens infantiles subjugués par le tyran.
Et jamais Gérald Darmanin ne propose sa démission ?
Il y a vraiment quelque chose de scandaleux à vouloir confondre autorité et autoritarisme pour mieux ne pas… exercer la première. Comme l’État s’avère impuissant à résoudre la question de l’insécurité, son représentant en chef déplace le sujet et fait porter aux citoyens une demande qui nuirait à la démocratie ! Mais ce qui nuit à la démocratie est précisément cette violence quotidienne et meurtrière dont on ne voit pas la fin. Par ailleurs, on peut se souvenir qu’au temps du Covid et de ses confinements, nombreux furent ceux qui estimèrent que l’État avait fait preuve d’autoritarisme et qu’il n’était pas justifié… Comme quoi, la fascination n’était pas exactement au rendez-vous.
La propagande commence toujours par un détournement de langage, par son dévoiement. Avec ces deux mots : « fascination » et « autoritarisme », Emmanuel Macron caricature les deux qui conviennent : « demande » et « autorité ». Caricaturer est ici une façon commode de détourner le sens des mots et la réalité qui lui correspond. Décidément, ces élections européennes n’en finissent pas de fausser le débat.