Nous vous parlons aujourd’hui de la série française La fièvre, et nous nous demandons si cette fiction pourrait demain devenir notre réalité. Intéressant… mais voyons aussi si c’est une bonne série !
Quand je vois une bonne série, je sais la reconnaitre. Et je dois bien dire que j’en visionne pas mal. La fièvre, je n’ai été que partiellement emballé. Je suis peut-être un peu sévère : la série de Canal + est tout de même pas mal ; en tout cas, quand on la commence, on a envie de savoir la fin, et l’on regarde assez rapidement les six épisodes qui la composent.
Inquiétudes
Quand j’ai lu dans Télérama les louanges autour de ce nouveau programme sorti en mars, j’ai d’abord été intrigué, et j’ai voulu me faire ma propre opinion. L’hebdo télé bobo écrivait que « jamais série hexagonale n’aura battu si fort à l’unisson avec nos inquiétudes »[1]. Vous allez vite comprendre quelles sont ces fameuses inquiétudes que semblent tant redouter nos confrères… Selon la journaliste Morjolaine Jarry, la série, « portée par une salvatrice liberté intellectuelle et une soif de dialectique, [est] une grande série sur la politique, qui nous percute autant qu’elle nous tire vers le haut ». Diantre !
Pourquoi ? La série présente un tableau assez juste de la France actuelle et de ses fractures identitaires. On y voit dans le premier épisode une star du foot – qui fait penser à Mbappé – traiter de « sale babtou » son entraineur, et être ensuite pris en tenaille entre une comédienne de stand-up d’extrême droite et des militants racialistes. Autour d’eux, les esprits s’échauffent.
La première (qui se fait appeler « Marie vous salue bien ») fait penser à la comédienne réelle « Marie s’infiltre », version radicalisée. La chef des seconds à Houria Bouteldja, du Parti des Indigènes de la République. L’héroïne, la gentille, c’est Samuelle Berger, une spin doctor, une communicante dépressive employée par le club de foot pour l’aider à surmonter le scandale. Bien sûr, la malheureuse a tout compris des manigances des uns et des autres, et la pauvrette sait avant tout le monde que l’incident va provoquer une véritable guerre civile dans une France à cran. On retrouve aussi dans la série Benjamin Biolay, qui est le président du grand club de foot parisien (ce « Paris Racing » de la série, en fait, on voit bien que c’est le PSG). Si vous êtes fan du chanteur, il est assez convaincant dans son rôle. Mais si vous ne l’aimez pas, vous pourrez dire qu’après son rôle de journaliste qui héberge un migrant afghan chez lui confié par Camille Cottin dans le navet « Quelques jours pas plus », c’est une nouvelle bonne action à mettre à son crédit que de nous éviter la guerre civile…
Un scénariste passé par le parti socialiste
Le créateur et scénariste de la série est Eric Benzekri. Il a du talent. Et c’est un bon observateur de la société, il a déjà réalisé Baron noir, autre série qui a rencontré un grand succès. On y voyait déjà une France à bout de souffle, minée par la corruption des gouvernements socialistes, la montée du Front national, du communautarisme et de la colère populaire. Eric Benzekri est donc un fin connaisseur de la politique française ; il vient d’ailleurs du monde de la communication[2]. Militant au parti socialiste, Eric Benzekri a été membre du cabinet de Jean-Luc Mélenchon quand celui-ci était dans le gouvernement de Lionel Jospin. Il a aussi été collaborateur de Julien Dray, qui comme chacun sait a fondé SOS Racisme. En quoi est-il pertinent de rappeler le CV du créateur de la série ? Et cette histoire de guerre civile, est-ce bien crédible ? Même sans avoir la carte d’un parti, Eric Benzekri reste un homme de gauche, et peut-être un militant de ses idéaux qu’il peut continuer de promouvoir à travers ses créations. Mais est-il vraiment sérieux de considérer comme nauséabonds tous ceux qui s’inquiètent d’une immigration de masse affaiblissant la cohésion nationale ? Car, même si la série est diffusée sur une chaine de Bolloré – que la presse de gauche aime tant détester, Mitterrand semble toujours y être aux commandes de l’esprit des puissants ! Et jamais l’immigration extra-européenne de masse et ses conséquences (le communautarisme, l’insécurité voire l’islamisme) ne sont envisagés comme tels, alors que paradoxalement, cela crève l’écran dans les séries d’Eric Benzekri comme l’observe Romain Sens dans son article[3].
La Fièvre nous décrit une France en pleine guerre culturelle, à la veille de la guerre civile voire ethnique, mais jamais elle ne remet en cause le dogme de l’immigration de masse. La haine de la maléfique Marie est assurément inquiétante ; mais la haine, d’où qu’elle vienne, ne doit-elle pas toujours nous inquiéter ? Ce que je peux donc reprocher à cette série, c’est de ne prêcher que des convaincus. Les menaces que font aussi planer l’extrême gauche ou la mouvance décoloniale sur le pays ne semblent jamais être également un véritable péril dans le scénario. Bref, c’est la fameuse logique de la tenaille identitaire, et on veut absolument nous faire croire que le péril nazi est la menace principale.
Avant de tourner la série, les dialoguistes ont bien intégré les enseignements contenus dans les livres La France périphérique de Christophe Guilluy ou L’archipel français de Jérôme Fourquet. Il est intéressant d’observer que tant pour les militants de la sphère identitaire que pour ceux de la sphère décoloniale, la série a bien identifié le vocabulaire employé par les uns et les autres. On entend ainsi parler d’ « ensauvagement », de « grand remplacement » chez les uns, de « privilège blanc », de « racisme systémique » chez les autres.
Fiction et réalités
Dans la France réelle, les incidents médiatiques autour de la question identitaire se sont multipliés ces dernières années. Très souvent, quand le show business, le foot ou la télé essayent de promouvoir le « vivre ensemble » avec une jeune figure issue de ce que l’on appelle pudiquement la « diversité », cela tourne mal. Les exemples qui peuvent faire penser à l’incident initial de la série La Fièvre sont nombreux : on se souvient qu’en 2010, Nicolas Anelka aurait dit, selon L’Equipe, à son entraineur Raymond Domenech, « Va te faire enculer sale fils de pute« . Il y a eu récemment le psychodrame ridicule autour de la comédienne banlieusarde de stand-up Inès Reg, dans DALS (elle vient, elle aussi, du Stand Up, tiens tiens…). Il y a eu la chanteuse voilée Mennel, à The Voice, dont on avait retrouvé des messages controversés après les attentats islamistes de Nice ou St-Etienne du Rouvray. Elle aimait bien aussi relayer Dieudonné ou Tariq Ramadan. Il y a eu l’affaire Mehdi Meklat, qui a longtemps parlé dans le micro de France inter et a même fait la une de Télérama ou des Inrocks. Il y a eu Yassine Bellatar, un temps promu au Conseil présidentiel des villes par Macron etc etc. On ne compte plus les tentatives progressistes consistant à nous montrer une magnifique et disruptive jeunesse issue de l’immigration qui tournent en eau de boudin.
En France, la fièvre identitaire semble depuis le 7 octobre s’être pas mal déportée sur le conflit entre Israël et le Hamas à Gaza. Mais, il y a fort à parier que nos polémiques identitaires finiront par revenir au goût du jour. Avec la LFI, Mélenchon a été à la pointe de la détestation d’Israël depuis l’automne. Quand la guerre aura pris fin au Proche-Orient, qui nous dit que ses communicants, ses spin doctors de malheur, ne lui diront pas d’embrayer sur la haine de la France ?
[1] https://www.telerama.fr/television/la-fievre-d-eric-benzekri-notre-critique_cri-7031627.php
[2] https://lincorrect.org/cinema-la-fievre-de-la-france-lincorrect/
[3] https://lincorrect.org/cinema-la-fievre-de-la-france-lincorrect/