Tout le monde en convient : de nos jours, pour les délinquants de tout acabit, pour les terroristes et apprentis terroristes, la vie humaine ne pèse pas plus qu’une cacahuète desséchée. Autrement dit rien. On égorge, on viole, on flingue, on massacre à coups de poings, à coups de pieds, à coups de manche de pioche et de batte de base-ball, on défigure, on cogne à tout-va pour un oui, pour un non. Pour un refus de clope, pour un regard mal interprété, une jupe trop courte, une chevelure trop libre, un rouge à lèvres trop rouge, un cabas de vieille dame, le fond de poche du petit vieux qui passe par là, etc, etc. On se déchaîne sur la compagne, l’ex-compagne, ou encore celle qui ne le sera jamais parce qu’elle ose dire non. Et on la tabasse à mort. Pour la punir. La punir de quoi ? D’être une femme. Et de ne pas se résigner à n’être que ce que ces monstres voudraient qu’elle soit, une chose, un élément de cheptel ? Car, oui, nous en sommes arrivés à ce point de régression barbare. Et puis retentit ici et là, de plus en plus souvent, le concerto pour kalachnikov et Glock 42, agrémenté d’entractes barbecue où l’on crame le pourri du clan d’en face, le gêneur dans le jeu de la grande distribution, genre came à tous les étages.
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La vie, donc, ne vaut plus rien. (Si ce n’est d’être vécue, voulons-nous croire encore.) Il est donc temps de la re-sacraliser. Ni plus ni moins. Re-sacraliser l’intégrité physique de tout individu. On prêchera lâchement que c’est affaire d’éducation, que c’est à l’école d’y pourvoir. Soit, ce n’est pas faux. Mais le résultat risque de se faire attendre. Au moins une ou deux bonnes générations si ce n’est davantage. Il y a, me semble-t-il, une manière de s’y prendre beaucoup plus efficace et surtout plus rapide. Il s’agit tout bonnement de dissocier toute atteinte à l’intégrité physique des autres formes de délits et de crimes. En clair, dès qu’il y a coups, plaies et bosses, sang versé, atteinte sexuelle ou autre, bref dès que l’intégrité physique aura été, si peu que ce soit, menacée, altérée, le coupable devra être bien certain qu’il aura à purger sa peine non pas, comme aujourd’hui, dans un établissement où se mêle le tout-venant, mais dans une prison spécifique, régie par des règlements disciplinaires – draconiens – eux aussi spécifiques, une taule tenue par un personnel pénitentiaire spécialement formé. Histoire de bien montrer à tous et à chacun – je dis bien à tous et à chacun, à chaque citoyen, turbulent, paisible ou potentiellement délinquant – que s’en prendre physiquement à une personne, ou pire encore attenter à sa vie, n’est absolument pas de même nature que tout autre délit. Et c’est bien cette différence de nature qui, selon moi, doit fonder, justifier, légitimer la différence de traitement pénitentiaire. Cela, dès la première violence physique. Il faut en effet impérativement que notre société se donne les moyens de faire bien comprendre au citoyen qu’écoper, même à durée égale, d’une peine de prison pour vol de bijoux à l’étalage n’a rien à voir avec une incarcération pour coups et blessures. Encore une fois, il s’agit d’une différence de nature. Or, aujourd’hui, rien n’est fait pour matérialiser cette différence pourtant abyssale dans l’esprit du public. Commençons donc par ce chantier-là. Ce serait déjà un premier pas considérable. Le président de la République a trois ans devant lui pour s’y coller. Voilà bien une réforme qui lui permettrait d’entrer pour de bon dans l’histoire, lui qui, nous dit-on, en rêve à longueur de nuits. Et de jours.
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