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Faye, dernière reine de la Croisette

Faye Dunaway attendue à Cannes


Faye, dernière reine de la Croisette
Faye Dunaway "Bonnie é Clyde" (1967) © REX FEATURES/SIPA

Le film documentaire « Faye » de Laurent Bouzereau sera présenté dans la sélection Cannes Classics qui fête ses 20 ans en présence de l’actrice américaine.


Dans un monde qui confond vedette et star, homme d’État et technocrate, artiste et pleurnicheur, qui attribue le qualificatif d’« icone » au premier quidam venu, qui fait d’une actrice de série télé l’égérie d’une marque de luxe, le public a perdu le sens des référencements naturels. Des ordres de préséance. Il crie au chef d’œuvre devant un manuscrit épileptique, il encense la nouveauté comme si elle était seule garante du talent, il s’enthousiasme devant le souillon orchestré et perd ses moyens devant le premier paltoquet des studios.

Les gobeurs ne se reposent jamais

À force d’ingurgiter des produits calibrés, un peu fades et spongieux, notre vue s’est collectivement brouillée. Nous avalons sans regarder. Nous absorbons sans réfléchir. Qu’il est doux aussi de s’abandonner au gavage et de laisser son libre-arbitre au vestiaire. D’être le réceptacle innocent heureux de ce grand lessivage. Les esprits les plus vigilants désespèrent de cet abandon généralisé mais à quoi bon se révolter, à quoi bon braquer sa plume encore sur des vieilleries, à s’enkyster dans le passé, à faire miroiter les reines d’antan pour quelques nostalgiques émotifs réfractaires au cinéma-déclamatoire ? Seulement, parfois, rarement, dans cette société si prévisible, si sectaire, il y a comme des sursauts imprévisibles, comme des illuminations qu’aucun esprit chagrin ne peut rater. Des évidences. La certitude d’être là, précisément, en présence de quelque chose d’unique par sa portée, de dramatique par sa beauté et d’ensorceleur par son mystère. Il ne suffit pas de posséder un physique avantageux, des traits réguliers et une gueule d’ange pour terrasser l’Homme moderne, le troubler au plus profond de son cœur, le faire vaciller dans ses rêveries les plus intimes. Faye Dunaway entre dans ces exceptions-là, son visage reconnu planétairement n’a pas encore dévoilé tout son décalque. Son attraction est sujette aux troubles et aux emballements. Son irréalité a sédimenté notre imaginaire. Elle est d’ailleurs. Elle sera même à Cannes durant le festival afin d’accompagner Laurent Bouzereau qui a réalisé « FAYE ».

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Il s’agit du « premier long métrage documentaire sur l’icône du cinéma Faye Dunaway, l’actrice à l’Oscar parle avec sincérité des triomphes de son illustre carrière, avec des rôles marquants dans Bonnie & Clyde, Chinatown et Network, tout en reflétant sur le film qu’elle regarde même aujourd’hui comme sa chute, Maman Très Chère. À travers ces réflexions, elle explore courageusement de nouvelles découvertes personnelles : ses luttes contre le trouble bipolaire, l’historique de sa famille et comment l’intensité des personnages qu’elle incarne a toujours un impact sur qui elle est dans sa vraie vie. Se joignent à Faye, son fils Liam, collègues et amis tels que Sharon Stone, Mickey Rourke, James Gray et bien d’autres ». Ces quelques lignes de présentation officielle aussi brumeuses qu’ennuyeuses ne valent pas l’affiche de Cannes Classics 2024 du photographe anglais Terry O’ Neill (père de son fils unique) où l’on voit Faye sur le bord d’une piscine, son oscar sur une table, pensive dans une robe de chambre en soie fendue laissant découvrir les plus belles jambes du Nouvel Hollywood.

Une star. Une vraie

Lorsque l’on croise une véritable star, Faye en est l’incarnation la plus complète, la plus totale, la plus viscérale, on dévisse carrément. Il faut la revoir répondre en français au journaliste d’Antenne 2 en 1987 pour la sortie de « Barfly », film de Barbet Schroeder avec Mickey Rourke. Dans la puissance érotique de sa quarantaine et un sourire qui annihile tous les emmerdements, elle dit sobrement : « J’aime beaucoup la poésie de Bukowski ». Nous savons que ces mots-là vont s’implanter dans notre cortex pour de longues années. S’y fossiliser même. Je me souviens du jour où sa beauté apnéique m’est apparue. C’était sur une plage, dans un buggy rouge à moteur Corvair conduit par Steve, elle portait cet après-midi-là un pantalon blanc, un col roulé couleur crème aux manches retroussées et un carré à pois blancs sur la tête. Depuis, je ne peux me défaire de cette image…

FAYE – Festival de Cannes (festival-cannes.com)

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Journaliste et écrivain. A paraître : "Et maintenant, voici venir un long hiver...", Éditions Héliopoles, 2022

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