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Jérôme Fourquet: par ici, la sortie de l’Histoire!

Le regard libre d’Elisabeth Lévy


Jérôme Fourquet: par ici, la sortie de l’Histoire!
Jérôme Fourquet © Hannah Assouline

Dans une note intitulée « L’État-guichet, un modèle à bout de souffle dans une France qui a cessé de produire », Jérôme Fourquet dressait hier un tableau accablant de notre économie dans Le Figaro. Les analyses du sondeur vedette de l’IFOP sur l’état du pays plongent notre directrice de la rédaction dans une sévère dépression.


À la fin de la lecture de cette note[1], on a tendance à se dire que c’est mort. Depuis 40 ans, on se raconte des histoires !
Le titre de l’étude est « L’État-guichet, un modèle à bout de souffle dans une France qui a cessé de produire », mais cela aurait aussi bien pu être « La France soviétisée ». Nous vivons dans une réalité parallèle, dans un monde presque aussi fantasmé que celui du plan quinquennal de Staline. Dans cette réalité parallèle, la production de richesses ne dépend pas de capacités individuelles et collectives concrètes mais d’une décision venue d’en haut. À la fin, il suffit toujours d’ajouter des zéros à la dette pour être à l’équilibre. La différence avec l’URSS, c’est que « Big Brother » est gentil. Il prend soin de nous. Et il peut vivre à crédit.

Deux tendances lourdes et mortifères

Ce modèle, assumé par tous les gouvernements de gauche comme de droite depuis 50 ans, et que Jérôme Fourquet qualifie de « stato-consumériste », articule deux tendances :
– La croyance séculaire dans la toute-puissance de l’État, qui, il est vrai, a construit la nation en France;
– Le choix d’une économie plutôt fondée sur la consommation que sur la production.
Comme nous ne produisons pas assez de valeur ajoutée par rapport à que nous consommons, nous subventionnons à tour de bras. C’est la logique du chèque, du guichet. Avec à la clé de multiples usines à gaz qui s’empilent les unes sur les autres, et un enfer bureaucratique pour tous. À ce titre, je renvoie le lecteur à l’impayable paragraphe sur le bonus de réparation textile dernièrement mis en place par le gouvernement dans le texte publié par Le Figaro. Oui, des énarques ont travaillé là-dessus ! Et désormais en France, si vous faites réparer votre jean, vous avez droit à 4,32€, sûrement après avoir rempli un formulaire de dix pages.

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Le résultat de cette mécanique implacable est inévitable : puisqu’on consomme plus que ce qu’on produit, il faut emprunter. Et à la fin, on vend les bijoux de famille (40% du CAC40 est ainsi détenu par des non-résidents). Toute l’arnaque de la communication autour de « Choose France » est là. Dans ce cadre, notre attractivité signifie en réalité : « Venez chez nous, il y a des affaires à faire. On brade, et vous pourrez toujours délocaliser plus tard ».

Pourquoi la France a-t-elle fait pareils choix ?

Parce que c’était facile, pardi ! Et surtout, parce que nous citoyens le demandions. Il est trop simple de tout mettre sur le dos des gouvernants, lesquels n’ont fait que céder à nos demandes en permanence. Dorénavant, nous passons notre temps à leur présenter l’interminable liste de nos droits acquis. Il ne s’agit plus seulement des droits fondamentaux comme la sécurité, la liberté d’aller et venir ou la liberté de s’exprimer, mais le droit au logement, au bonheur, au diplôme, et au travail mais pas trop. Voilà la grande affaire des Français depuis 40 ans: travailler moins. Rappelons qu’à partir de 1981, les trois gouvernements de Pierre Mauroy avaient mis en place un ministère du Temps libre.
Nous sommes drogués à la dépense publique. Comme l’écrit Jérôme Fourquet, « le métabolisme profond de la société française ne sait plus fonctionner sans cet apport ». Evidemment, cela a eu des effets anthropologiques : cela nous a fait perdre collectivement le goût de l’effort et nous a transformés en récriminateurs à qui la société doit toujours quelque chose. Nous hurlons à la mort pour six mois de travail en plus (souvenez-vous de la dernière réforme des retraites, en 2023) ou dix euros d’alloc’ en moins (souvenez-vous du psychodrame des APL, en 2021). Et nous habillons nos ressentiments de considérations sur l’égalité, véritable obsession française.
Ce mensonge orwellien d’un pays qui peut s’affranchir des pesanteurs et rapports de forces de l’économie n’a pas été imposé d’en haut, mais il est célébré par la gauche triomphante et est accepté par tous.
Si nous sommes en train de sortir de l’Histoire, c’est parce que depuis 40 ans, nous avons tous préféré nous raconter des histoires.

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Elisabeth Lévy : « Depuis 40 ans, on se raconte des histoires »

Cette chronique a d’abord été diffusée sur Sud Radio dans la matinale


[1] https://www.lefigaro.fr/vox/economie/jerome-fourquet-l-etat-guichet-un-modele-a-bout-de-souffle-dans-une-france-qui-a-cesse-de-produire-20240512




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Fondatrice et directrice de la rédaction de Causeur. Journaliste, elle est chroniqueuse sur CNews, Sud Radio... Auparavant, Elisabeth Lévy a notamment collaboré à Marianne, au Figaro Magazine, à France Culture et aux émissions de télévision de Franz-Olivier Giesbert (France 2). Elle est l’auteur de plusieurs essais, dont le dernier "Les rien-pensants" (Cerf), est sorti en 2017.

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