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Donald Trump: vous reprendrez bien une autre casserole judiciaire…

Procès de Donald Trump à Manhattan, les dérives d'une justice politique ?


Donald Trump: vous reprendrez bien une autre casserole judiciaire…
Donald Trump arrive au tribunal, New York, 30 avril 2024 © Justin LanePool via USA TODAY NETWORK/Sipa USA/SIPA

Même s’il était condamné dans le cadre de l’affaire Stormy Daniels à New York, ce qui demeure le plus probable, Donald Trump fera appel et les démocrates vont échouer à se débarrasser de lui de la sorte. Il faudra qu’ils passent par les électeurs pour cela ! Le point complet sur les procédures en cours contre le candidat républicain à l’élection présidentielle américaine.


Depuis plusieurs semaines se tient à Manhattan, arrondissement de New York, le deuxième procès contre Donald Trump. L’ancien président est accusé d’un crime qui pourrait lui valoir 136 ans de prison. Quel est ce crime ? Personne n’est capable de le dire. Pas même le procureur du parquet de Manhattan, Alvin Bragg, qui a pourtant décidé de porter le dossier devant la justice. Car le crime en question n’est pas mentionné dans l’acte d’accusation. C’est l’une des nombreuses incongruités de cette affaire.

Une autre de ces incongruités est que les grands médias américains, très majoritairement anti-Trump, qui avaient juré, promis, et juré encore, de ne jamais, mais vraiment jamais, faire de la publicité à Trump en parlant de lui, même en mal, couvrent chaque péripétie du procès et ce depuis la première minute de sélection des jurés. Toutes les grandes chaines de télévision, ABC, CBS, CNN, et MSNBC ainsi que les grands quotidiens comme le New York Times et le Washington Post couvrent le procès dans ses moindres détails, utilisant chaque témoignage pour condamner à l’avance et humilier au passage l’homme qu’ils détestent par-dessus tout, Donald Trump.  

Une autre de ces incongruités est que ce procès et ces attaques incessantes n’ont (pour l’instant) aucune incidence sur les intentons de votes des Américains pour la présidentielle du 5 novembre prochain. Au contraire. Elles renforceraient plutôt le soutien des électeurs à l’ancien président. Trump devance Biden dans tous les sondages, au plan national ainsi que dans les Etats clés, avec une avance de un à neuf points. Dans ces mêmes sondages, Trump gagne aussi du terrain chez tous les groupes d’électeurs, y compris les femmes, les jeunes, les hispaniques et les Noirs, quatre piliers de la coalition Démocrate.

Trump adore se victimiser

Trump, pour l’instant, encaisse les coups sans trop broncher. Tenu d’assister au procès in extenso, il passe ses journées à se morfondre sur le banc des accusés au lieu de sillonner le pays comme le demande une campagne présidentielle. Il crie à une persécution politique et râle contre le juge, qui, au passage, lui a imposé plusieurs  baillons  (« gag orders »), c’est-à-dire lui a intimé l’ordre de ne pas s’exprimer, ni oralement, ni par écrit, sur le procès sous peine d’incarcération. Tous les soirs, à la sortie du tribunal, Trump dénonce devant les caméras, une parodie de justice orchestrée par le pouvoir démocrate et les apparences ne lui donnent pas forcément tort…

Point positif, ces poursuites sont, sans doute, les dernières qui pourront se tenir avant l’élection. Autre petit point positif, Trump a parfois réussi à retourner les circonstances à son avantage. Il a  profité de sa présence forcée à New York pour faire des apparitions publiques à Harlem ou ailleurs, et recevant à chaque fois un accueil plus que chaleureux. Dès qu’il retrouve sa liberté de mouvement, il reprend ses grands meetings de campagne et il profite de gros événements, pas forcément politiques, pour tester sa popularité. Le dimanche 5 mai, il a ainsi fait une apparition remarquée lors du Grand Prix de Formule 1 de Miami, recevant une ovation du public qui chantait « U.S.A , U.S.A.», et visitant le stand McLaren, juste avant que cette équipe ne remporte la course…

Dès le lendemain il était de retour à New York pour un procès qui en dit beaucoup plus sur la politisation de la justice aux Etats-Unis, et sur la tactique des Démocrates pour faire réélire Joe Biden, que sur les comptes de campagnes de Donald Trump en 2016.

Retour sur le cirque médiatico-judiciaire en efflorescence aux Etats-Unis

Le procès de Manhattan est le deuxième procès de Trump à New York.

A l’automne 2023, la « Trump organisation » a été poursuivie par l’Etat de New York et son procureur (« Attorney General ») Letitia James pour avoir surévalué les valeurs de ses sociétés pendant des années et ainsi obtenu des prêts bancaires plus favorables. Il n’y avait eu aucune victime, ni aucun détournement de fonds,  dans les fautes imputées à Donald Trump mais le juge lui avait néanmoins infligé une amende sans précédent de 355 millions de dollars. Amende rapidement réduite à 175 millions de dollars, ce qui reste néanmoins un record, mais a permis à Donald Trump de faire appel du jugement.

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Cette fois Donald Trump est accusé d’avoir falsifié les comptes de sa campagne présidentielle de 2016 pour masquer un paiement de cent trente mille dollars à une certaine Stephanie Clifford, alias Stormy Daniels, ancienne star du cinéma pornographique américain. Cet argent a servi à acheter son silence quant à une supposée liaison sexuelle qu’elle aurait eue avec Donald Trump en 2006. Trump a toujours nié cette liaison. Daniels… pas toujours. Mais l’important n’est pas là. Car avoir une liaison sexuelle hors mariage n’est pas un crime. Même aux Etats-Unis. C’est une affaire privée. Les affaires de cœur, ou de sexe, de Donald Trump étaient connues avant 2016 et ont été copieusement exploitées par les médias pour le décrédibiliser. Sans succès. Ce n’est donc pas ce possible adultère qui vaut à Trump d’être poursuivi ici. Acheter le silence d’une personne n’est pas non plus un crime. Ni même un délit. D’autres présidents, en leurs temps, ont cherché à acheter le silence de femmes encombrantes.  Un certain Bill Clinton l’a fait avec une dénommée Paula Jones en 1992. Sans succès au passage. Et il en payé le prix politique. Mais il n’a jamais été poursuivi en justice pour cela, et encore moins accusé de crime. Payer pour le silence de ses employés et associés est même une chose courante aux Etats-Unis. De nombreuses sociétés font signer à leurs dirigeants des « accords de non-divulgation »  (« Non Disclosure Agreements »  ou NDAs en anglais), leur interdisant de divulguer à l’extérieur et parfois même à l’intérieur de la compagnie, les termes de leurs contrats ou d’autres informations propres à la société… Ce qu’on reproche à Donald Trump est d’avoir dissimulé ce paiement en le faisant passer pour des « frais d’avocats » répartis en une dizaine de versements de dix mille à quinze mille dollars à son avocat d’alors Michael Cohen. Cohen avait avancé les cent trente mille dollars prévus pour Miss Clifford et Donald Trump l’a remboursé progressivement.

Conspirations

Cela n’est cependant pas un crime. C’est tout au plus un délit. La différence étant qu’un crime est passible de prison, pas un délit. C’est même un délit mineur. Il aurait été plus grave de laisser sa campagne rembourser Michael Cohen car Trump aurait alors utilisé de l’argent de sa campagne pour résoudre une affaire strictement privée, ce qui est interdit par les règles électorales. Trump était donc coincé. Il n’avait pas de bonne solution. Mais surtout, la somme est dérisoire. Dans un budget de campagne présidentielle, qui dépasse le milliard de dollars, elle représente 0,00013%. D’ailleurs l’ancien procureur de Manhattan avait renoncé à poursuivre Trump pour ce délit. Au point de laisser expirer le délai de prescription, qui est de deux ans. Ce délit ayant eu lieu en 2016, il a cessé d’être sanctionnable à partir de 2019. Son successeur Alvin Bragg, élu en 2021, n’en a eu cure. Il a littéralement ressuscité ce délit quatre ans après sa date d’expiration. Comment a-t-il fait ? En liant le délit à un crime plus important. Quel crime ? Encore une fois, il est  impossible de le dire précisément car Alvin Bragg ne l’a pas indiqué dans son acte d’accusation. Mais le procès a permis de supposer que le crime en question était d’avoir interféré avec la campagne présidentielle de 2016. Selon Alvin Bragg, en dissimulant son paiement à Stormy Daniels, Trump a dissimulé des informations aux électeurs Américains ce qui constitue une interférence dans la campagne électorale.

C’est ce qu’a affirmé le parquet en ouverture du procès. « Ce procès est celui d’une conspiration et d’une campagne de dissimulation » a lancé le 22 avril 2024 Matthew Delangelo, premier conseiller du procureur. « Donald Trump a orchestré un complot criminel pour corrompre le scrutin présidentiel de 2016. Ensuite il a caché ce complot criminel en falsifiant à plusieurs reprises ses comptes d’affaires à New York» a poursuivi ce même Delangelo, sans apporter la moindre preuve de ce qu’il avançait. Car de toute façon il n’a pas à le faire. La loi de New York précise qu’en l’occurrence il suffit à un accusé d’avoir eu « l’intention » de commettre un crime pour être tenu pénalement responsable de ce qu’il a fait en lien avec ce crime…

Au passage, avant de rejoindre l’équipe du procureur Alvin Bragg, en décembre 2022, Delangelo était le numéro trois du département de la Justice américain. Il avait été nommé à ce poste par le président Joe Biden. Il l’a quitté pour prendre en main les poursuites engagées contre le probable adversaire de Joe Biden à la présidentielle de 2024. Pour quiconque veut encore croire à l’indépendance de la justice américaine et prétendre que le procès en cours à Manhattan n’est pas une affaire politique gérée en ultime instance par l’administration Biden, la mutation de Delangelo est problématique…

Quant à la théorie du complot avancée par l’accusation, elle est carrément tirée par les cheveux. La preuve en est que les faits avaient fait l’objet d’une enquête menée par le bureau fédéral de district sud de New York en 2018, et qu’à l’issue de l’enquête ses agents avaient renoncé à poursuivre Donald Trump. D’abord parce qu’il était alors président en exercice, mais aussi parce que le principal témoin de l’affaire Michael Cohen, l’ancien avocat de Donald Trump,  n’était pas considéré comme fiable. Cohen venait de plaider coupable à des accusations d’évasion fiscale et se trouvait alors en prison !

Get Trump !

Alvin Bragg a fait fi de telles carences. A peine élu procureur de Manhattan en novembre 2021, il s’est lancé à tombeau ouvert dans le dossier Trump avec un objectif, le faire tomber ! Il faut dire qu’il s’y était engagé auprès des électeurs. Comme Letitia James, la procureure générale de l’Etat de New York, Bragg a construit sa campagne électorale autour d’une promesse unique : « get Trump », se faire Trump. Peu importait le motif. Comme le disait Lavrenti Béria, chef de la police secrète de Staline, « montrez-moi le coupable, je vous fournirai le crime… »

Et c’est ainsi que depuis le 15 avril Donald Trump passe ses journées dans un tribunal de Manhattan au lieu de faire campagne à travers le pays. Sa présence est requise. Imposée par le juge, un certain Juan Merchan qui a même refusé à Donald Trump le droit de s’absenter pour assister à la remise de diplôme de son fils Baron, bientôt bachelier.

La fille du juge Merchan, Loren Merchan, âgée de 35 ans,  est présidente de « Authentic Campaign », une firme spécialisée dans le markéting politique digital. Elle compte parmi ses clients la vice-président Kamala Harris pour qui elle a travaillé en 2020, lors de la campagne présidentielle contre Trump, ainsi que nombre d’élus démocrates, dont Ilhan Omar représentante du Minnesota, Adam Schiff de Californie, et Hakeem Jeffries de New York, tous les trois des acteurs politiques de premier plan viscéralement anti-Trump. Quand Trump a soulevé la question mettant en doute l’impartialité du Juge Merchan, ce dernier lui a imposé le premier de ses nombreux « ordres de bâillon » (gag order) lui interdisant, de parler, entre autres, de l’activisme de sa fille en faveur du parti Démocrate…

L’ancien président américain et principal candidat d’opposition de l’élection présidentielle à venir, est donc accusé d’un crime qui ne lui a pas été spécifié, retenu de force devant un tribunal, et n’ayant pas le droit de parler pour sa propre défense. Les autres participants au procès pouvant eux l’attaquer et le vilipender à tout va. Tout cela dans le pays qui se prétend toujours la première démocratie dans le monde… Chacun jugera !

Les Américains, eux, semblent avoir déjà tiré leurs conclusions et suivent avec une bonne dose d’incrédulité, les péripéties de ce procès hors norme. Ce qui n’empêche pas les principaux médias d’en rajouter, convaincus que montrer Trump en accusé et faire écho à toutes les histoires salaces le concernant, est essentiel pour décourager les électeurs de voter pour lui le 5 novembre.  

Détails croustillants

Cela s’est vérifié avec le long témoignage et contre-interrogatoire de Stormy Daniels, elle-même ! L’ancienne star du X, aujourd’hui âgé de 45 ans, est venue à la barre raconter dans le détail sa rencontre avec Trump en 2006. Les journaux ne se sont pas privés de reproduire les détails les plus croustillants de son récit. Jusqu’au pyjama de Trump ! Le très réputé New York Times (qui, certes, n’est plus ce qu’il était) livrant même les propos de la star « sans filtre », histoire de reproduire tel quel son vocabulaire coloré… Le problème est que ce témoignage, outre son côté salace, ce que même le juge Merchan a concédé –  « certains détails n’étaient pas nécessaires » a-t-il fait remarqué au procureur interrogeant Daniels – était largement hors-sujet. Les détails de l’entrevue entre Trump et Daniels en 2006, ne sont pas le sujet du procès. Loin de là. Ils ne sont même pas reconnus comme crédibles. Encore moins comme véridiques. Daniels ayant changé plusieurs fois son récit des faits alors que Trump les a toujours niés en bloc.

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Si le témoignage a souligné que les médias américains étaient toujours aussi racoleurs et friands de commérages sexuels, il a souligné surtout la fragilité et la faiblesse du dossier présenté par l’accusation. Connaître la couleur du pyjama de Trump en 2006 n’aide pas à convaincre un juré que ce même Trump a conspiré pour détourner l’élection présidentielle de 2016… Du coup, après quatre semaines de procès, ceux qui croyaient à une condamnation automatique de Trump à l’issue de la procédure, en viennent à s’interroger sur la possibilité d’un jury divisé et même d’un procès annulé pour vice de forme. Un acquittement semble hors de portée. Le district de Manhattan a voté à 88% contre Trump en 2020 et les jurés du procès sont tous issus de ce district. Mais une telle issue serait une victoire exceptionnelle pour Trump et un désaveu cinglant de la stratégie Démocrate de passer par les cours de justice pour disqualifier Donald Trump de la présidentielle 2024. Quel que soit le verdict, Donald Trump fera appel. La procédure prendra des mois, voire des années. Peu de chances donc que de ce procès, résulte l’incarcération de Trump. Par contre la possibilité d’une condamnation demeure, même si elle ne serait pas définitive. C’est bien sûr l’objectif initial du procureur Bragg et de tous les Démocrates qui le soutiennent : pouvoir accoler au nom de Donald Trump les qualificatifs de « criminel condamné » et de le faire ad nauseam, tout au long de la campagne électorale à venir. Ce procès est leur dernière chance d’y parvenir. Donald Trump est visé par trois autres poursuites mais ces trois affaires sont en train de filer en quenouille.

En Géorgie, les poursuites engagées contre Donald Trump et dix-sept de ses collaborateurs pour association de malfaiteurs dans le cadre de la contestation des résultats de l’élection de 2020 sont suspendues en l’attente d’une décision sur le maintien de la procureur Fani Willis. Celle-ci s’est fait officiellement réprimander pour sa mauvaise conduite du dossier – notamment pour avoir engagé son amant aux frais de l’Etat pour conduire l’instruction, ce qui constitue un conflit d’intérêt et potentiellement un détournement de fonds publics -. Elle a perdu sa crédibilité et pourrait se voir disqualifiée.  

Un camion de déménagement devant la résidence de Donald Trump de Mar-A-Lago, le 18 janvier 2021, Palm Beach en Floride © Terry Renna/AP/SIPA Numéro de reportage : AP22531435_000003.

En Floride, les poursuites contre Donald Trump dans le cadre de sa rétention de documents classifiés ont été également suspendues sine-die par la juge en charge du dossier après la découverte que l’accusation avait manipulé certaines pièces à convictions, notamment lors du raid du FBI sur Mar a Lago, la résidence de Donald Trump en Floride, en août 2022. Le procureur en charge de ce dossier est Jack Smith, procureur spécial, nommé par le ministre de la Justice de Joe Biden, Merrick Garland. Il comptait beaucoup sur cette affaire pour amener Trump devant les tribunaux cet été et c’est lui qui se retrouve sous le coup de soupçons publics.

A Washington D.C., l’enquête menée par ce même procureur spécial Jack Smith sur les événements du 6 janvier 2021, et sur la responsabilité de Donald Trump dans l’assaut contre le Capitole, est suspendue à une décision de la Cour suprême des Etats-Unis concernant l’étendue de l’immunité présidentielle. Si une majorité des neuf juges reconnaît cette immunité au président, l’enquête s’arrêtera définitivement.  Et même si la cour suprême ne reconnaît pas totalement cette immunité, la question sera renvoyée à une cour d’appel pour des précisions. Avec pour conséquence immédiate de rendre tout procès contre Trump impossible avant l’élection.

Le calvaire que Donald Trump endure donc à New York est très vraisemblablement le dernier de cette saison électorale. Malgré leur détournement des institutions judiciaires et leur politisation de la justice, les Démocrates vont échouer à se débarrasser de Trump. Il faudra qu’ils passent par les électeurs pour cela. Comme il se doit dans toute démocratie digne de ce nom.

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est un journaliste franco-américain, éditeur du blog "France-Amérique, le blog de Gérald Olivier" et auteur en 2013 de "Kennedy le Temps de l'Amérique" aux éditions Jean Picollec

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