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«Oh jolie poupée!», futur hymne des JO?

Les Français ne sont pas convaincus par Aya Nakamura, alors...


«Oh jolie poupée!», futur hymne des JO?
Le champion Florent Manaudou et le chanteur Jul, Marseille, 8 mai 2024 © DOMINIQUE JACOVIDES -POOL/SIPA

« Pour que Bernard Menez chante à l’ouverture des JO 2024 » enflamme la toile


C’est une vague qui vient des profondeurs du pays. Inarrêtable. Déjà, les réseaux sociaux ne peuvent plus taire cette secousse sismique qui dit tout de notre vieille nation abîmée et malgré tout, sauvagement insoumise. Elle n’abdiquera pas. Elle ne renoncera pas à sa mission première : c’est-à-dire montrer qu’un autre chemin est possible. Une forme de résistance, une clameur des terres abandonnées, un appel à retrouver cet esprit français qui faisait de nous, jadis, un phare de la civilisation. L’alliance contre-nature entre le cinéma d’auteur et la gaudriole assumée, le fil étroit de nos incertitudes où l’on s’émouvait d’un second degré, aujourd’hui trop altier pour nos contemporains avides de procès et l’attirance pour cette poésie ébréchée d’une variété boulevardière. Entre la cinéphilie propédeutique et le sillon troupier. Entre « La Nuit américaine » et « Les Lolos de Lola ». Entre l’érotico-comique et la fugue buissonnière. 

Les oubliés de la flamme olympique

Cet élan populaire, si longtemps reflué, si longtemps combattu par la sphère médiatique, explose sur la toile. La fronde des oubliés des cérémonies ne fait que commencer.  Croyez-moi, elle va enfler et déborder les lignes. Attendez-vous bientôt, dans les rues de Paris, à voir des jeunes femmes porter des tee-shirts à l’effigie de Bernard Menez et, toutes générations confondues, des enfants et des vieillards qui montreront ostensiblement devant les caméras du monde entier leur doigt meurtri, enrubanné dans un pansement, en signe de rébellion festive, en signe de contestation rieuse. Chaque jour, des centaines d’adhésions affluent sur le groupe Facebook récemment créé. Des communautés disparates se consolident, un arc lumineux et improbable s’anime entre les admirateurs de Jacques Rozier et ceux de Pascal Thomas. 

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Tout un monde englouti refait surface, on évoque la mémoire de Daniel Ceccaldi et sa voix de technocrate endimanché, on se souvient d’un nanar avec Christopher Lee et certains demandent solennellement à l’administration française que notre nouvelle Marianne affiche le visage d’Élisa Servier dans toutes les salles de mariage de France. Nous sommes à l’aube d’un grand mouvement de libération et d’émancipation qu’aucun politicien ne pourra stopper et qu’aucun politologue n’a vu advenir. C’est mal connaître les entrailles de notre pays que de toujours sous-estimer cette ferveur populaire, le goût du pas-chassé, de l’irruption du réel cabossé, et de la franche rigolade. Salutaire et chevaleresque. Comme l’insurrection des « gilets jaunes » stupéfia les plus fins analystes, « Jolie poupée » est un nouveau cri de ralliement, une manière de s’affranchir des postures dogmatiques et de refuser le sérieux courroucé de nos élites. 

Sursaut tricolore

Des milliers d’hommes et de femmes, sans carcan, sans œillères, le cœur vif et le sourire au coin des lèvres, se réunissent virtuellement en ce moment-même et s’engagent derrière un seul homme. Les Marseillais ont eu Jul le 8 mai, la France réclame Bernard Menez le soir du vendredi 26 juillet. Cette dissidence-là est un sursaut, un courant d’air, une suspension dans le tunnel des jérémiades continuelles, une bifurcation blagueuse et potache, à la confluence de Sacha Guitry et de Max Pécas, l’horizon enfin débarrassé de toutes les génuflexions, un retour aux sources d’une France qui s’amuse de son image de fille aînée de l’intelligentsia. Bernard est du côté de Pierre Dac et du Petit Rapporteur, « Oh jolie poupée » propagera son onde comme « La pêche aux moules » s’empara des cours de récréation au milieu des années 1970. Bernard né quelques jours avant la Libération de Paris en 1944 est l’interprète idéal pour cet événement planétaire. Il porte admirablement le smoking avec cet air détaché et naïf dans la même lignée que Bourvil. Il a la maturité et l’expérience, 79 ans, pour ne pas chavirer devant une foule en transe. Il bouge de façon fort peu académique, ce qui accentuera l’étrangeté et la stupeur de son apparition. 

Imaginez la tête des petits Indiens, Coréens ou Finistériens quand Bernard entamera le premier couplet de « Jolie Poupée », cette ode aux travaux manuels. De cette incompréhension délicieuse, naîtra un art nouveau qui viendra tordre les temps obséquieux. Les anneaux s’enorgueilliraient à intégrer Bernard dans leur dispositif scénique. Au plus haut sommet de l’État, on ne pourra pas rester sourd à cette demande populaire. 

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Journaliste et écrivain. À paraître : "Tendre est la province", Éditions Equateurs, 2024

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