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La difficile victoire des mots

"Coup de rouge", la chronique d'Olivier Dartigolles


La difficile victoire des mots
L'écrivain Salman Rushdie photographié le 18 avril 2024. © Andres Kudacki/AP/SIPA

Habitué aux joutes médiatiques, hier comme dirigeant communiste, aujourd’hui comme chroniqueur politique, Olivier Dartigolles a des tripes et du cœur quand il s’agit de défendre ses idées. «J’aime qu’on me contredise !» pourrait être sa devise.


La menace était ancienne. Le 12 août 2022, à Chautauqua (État de New York), quand le couteau transperce Salman Rushdie, la condamnation à mort prononcée par l’ayatollah Khomeini a plus de trente-trois ans. « C’est donc toi, te voilà », pense alors l’auteur des Versets sataniques. En lisant le dernier livre de Rushdie (Le Couteau, Gallimard), vous aurez la description clinique des vingt-sept secondes de cette attaque, de cette « intimité d’étrangers » entre « l’aspirant assassin » et celui dont une part de lui-même continue à murmurer : « Vivre. Vivre. »

Trop de couteaux dans l’actualité

Quand mon libraire de la rue Mathurin-Moreau a sorti le livre de son carton, un jour avant la parution officielle, je n’ai pas vraiment ressenti la jubilation qui accompagne habituellement ce moment si particulier. Je suis un lecteur de Rushdie depuis longtemps. Je n’ai pas terminé Les Versets, mais j’ai dévoré Les Enfants de minuit et, plus récemment, La Cité de la victoire. Alors pourquoi ce soudain manque de plaisir au contact physique du livre ?

Je n’ai pas su répondre à cette question lors des premières minutes de ma promenade dans les allées des Buttes-Chaumont. Tout y était pourtant propice à la réflexion, pour faire une pause enchantée et savourer le retour de Rushdie en littérature. J’ai alors saisi l’origine de mon trouble. Trop de couteaux dans l’actualité ces dernières années et plus encore ces dernières semaines. « Les mots sont les seuls vainqueurs », comme le proclame l’écrivain ? Je commence sérieusement à en douter. D’autant que nous commençons à les perdre quand des plumes chastes n’arrivent pas à écrire « islamisme » pour ne pas stigmatiser l’islam, et quand d’autres répondent à la terreur par l’ignorance dont la haine se nourrit. Si la distinction entre les deux continuait de s’amenuiser, ce serait une victoire idéologique pour les islamistes.

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Alors que faire ?

Rushdie écrit sur le bonheur de son amour pour Rachel Eliza Griffiths. Le premier sourire dans le salon vert. « J’ai toujours voulu écrire sur le bonheur, en grande partie parce que c’est extrêmement difficile. “Le bonheur écrit à l’encre blanche sur des pages blanches.” (Henry de Montherlant) » C’est infiniment beau, tout comme l’hommage de l’écrivain aux soignants qui l’ont sauvé, mais rien n’y fait. Au fil des pages et jusqu’au dernier paragraphe, mon imaginaire est resté en panne, lesté par les corps lourds et douloureux des dernières victimes du fanatisme. 

Face au couteau, « les mots sont les seuls vainqueurs » ? Quand les plus jeunes ont très peu de mots, ils s’expriment par d’autres moyens et notamment par des actes violents. De plus en plus violents. C’est un constat. C’est une faillite. Nous n’avons en rien besoin d’une nouvelle « consultation » pour un « diagnostic partagé », mais d’une action résolue : agir en amont (éducation/ prévention/ accompagnement) et fermement, dès les premiers délits, avec des réponses judiciaires aussi rapides qu’effectives.

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Article extrait du Magazine Causeur




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Olivier Dartigolles est chroniqueur politique. Il intervient sur Cnews, Sud Radio et La Terre.

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