Le Premier ministre a brisé un tabou sémantique en dénonçant la charia comme l’origine de nombreuses violences en France, notamment à l’école. À la presse désormais de s’emparer de ce mot, qui a le mérite de la justesse et de la précision.
Comme à l’accoutumée, il a éludé le sujet. Le 9 avril dernier à l’Assemblée, Éric Dupond-Moretti répondait à une question sur le décès de Shemseddine, un collégien de Viry-Châtillon (91) lynché à mort une semaine plus tôt par une bande de jeunes qui voulaient le punir d’avoir eu des échanges avec la sœur de deux d’entre eux. Aux yeux de ses agresseurs, l’adolescent méritait d’être roué de coups car il avait enfreint un interdit sexuel prescrit par l’islam.
Le garde des Sceaux a un train de retard
Mais pas question pour le garde des Sceaux d’évoquer cette dimension de l’affaire. « Il n’y a pas de crime d’honneur, que des crimes d’horreur » a-t-il préféré lancer, croyant sans doute qu’un effet de manche suffisait. Notons quand même que, dans ce dossier, “Aquitator” a renoncé au vocabulaire froidement juridique dont il se prévaut d’habitude. Lui qui, dès sa prise de fonction Place-Vendôme en 2020, invitait les Français à ne pas céder au « sentiment » d’insécurité s’est pourtant épanché sur « l’horreur » – c’est-à-dire un sentiment – que lui a inspiré ce terrible fait divers. Comme quoi il n’est jamais trop tard pour comprendre et partager les émotions de ses concitoyens.
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Soigneusement contourné par le ministre de la Justice, le problème n’en reste pas moins posé: de quoi un tel homicide est-il le nom ? Le système médiatico-politique éprouve un certain malaise à parler des agressions entre musulmans dans notre pays quand elles sont liées à la religion. Une autre actualité récente illustre cette difficulté à nommer les choses : la mort à Bordeaux, le 10 avril, d’un Algérien suite à des coups de couteau assénés par un Afghan furieux de le voir boire de la bière au sortir du ramadan.
Dans cette affaire comme dans celle de Viry-Châtillon, les termes “terrorisme” ou “islamisme”, qui désignent des entreprises criminelles dont les auteurs revendiquent la visée politique, ne sont pas adaptés. La notion de violences “intra-ethnique” ou “intra-communautaires” n’est pas davantage satisfaisante, car elle élude en revanche le mobile religieux, pourtant essentiel si l’on veut comprendre le phénomène.
Gabriel Attal, bien dans son époque !
Aussi Gabriel Attal a-t-il visé juste quand, interrogé par Apolline de Malherbe le 18 avril sur BFMTV au sujet de la violence à l’école, il a évoqué, avec plus de courage que les autres membres de son gouvernement, « des groupes plus ou moins organisés qui cherchent à faire un entrisme islamiste », qui prônent « les préceptes de la charia ». Découlant du Coran et de la Sunna (paroles et actes de Mahomet), la charia définit les droits et devoirs, individuels et collectifs, des musulmans. Comme tout système moral, elle varie dans le temps et l’espace, fait l’objet de débats d’interprétation, et ne saurait donc être vue comme un code figé.
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Une chose est pourtant certaine: un grand nombre des règles chariatiques, telles qu’elles sont appliquées par plusieurs États musulmans, sont incompatibles avec les lois françaises. Or ce sont ces règles anti-républicaines, notamment relatives à la liberté sexuelle, à la consommation d’alcool ou à la tenue vestimentaires, que certains essaient d’imposer dans notre pays par l’intimidation, le passage à tabac, voire l’assassinat.
Dans l’affaire de Bordeaux, Le Monde a titré : “Un meurtre lié à la consommation d’alcool des victimes le soir de l’Aïd”. Il aurait été plus honnête et pertinent d’écrire: “un meurtre chariatique”. Car à force d’éviter des mots qui fâchent, le journal du soir en devient presque complaisant. Aurait-il osé évoquer, au sujet d’une agression sexuelle, “un viol lié au port de la minijupe de la victime” ?
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