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Ça balance pas mal dans la comédie!

« Rire est une fête » de Jean-Marie Poiré – Préface de Christian Clavier (Michel Lafon, 2024)


Ça balance pas mal dans la comédie!
De gauche à droite, Jean-Marie Poiré, Christian Clavier, Gérard Depardieu, Eva Grimaldi et Jennifer Herrera, première du film "Les Anges Gardiens", Paris, 9 octobre 1995 © ROUSSIER/SIPA

Jean-Marie Poiré, le roi du gag, réalisateur des Visiteurs, du Père Noël et de Papy raconte, sans langue de bois, l’univers impitoyable des comédies à succès.


C’est un fils de qui s’est fait un prénom. Robert Dalban était l’ami de sa famille. Il porte une casquette des 49ers de San Francisco et les cheveux longs. Il a travaillé avec Audiard et Lamoureux. Il est le cinquième homme du Splendid. Jean-Claude Brialy lui mettait la main aux fesses. Il a réalisé une centaine de publicités. Face à l’ogre Depardieu, droit dans les yeux, il lui a demandé de perdre 20 kg et de ne pas être saoul durant le tournage des Anges gardiens, et le castelroussin a été sobre comme un chameau. Il a révélé Christian Clavier ou c’est le contraire, avec ce duo-là, « complémentaire », la synergie a fonctionné à merveille. À ce sujet, tous les critiques littéraires de France attendent un essai romancé sur Clavier signé par le plus grand spécialiste de son œuvre, l’écrivain Jean-Pierre Montal, sosie de Cock Robin.

Populaire n’est pas un gros mot

Poiré a failli être rock-star, il est devenu le réalisateur des Visiteurs et d’un « Okayyyy » qui a longtemps retenti dans les cours d’école. Les cinéphiles ont dans le cœur « Les Petits Câlins » et le visage de Dominique Laffin. Les rieurs imitent encore Adolfo Ramirez. Hop hop hop hop ! Les communistes non repentis ne peuvent toujours pas regarder « Twist again à Moscou ». Et « Mes meilleurs copains » prend le même chemin que « Stavisky » de Resnais, d’un bide le film est désormais « culte » et a les honneurs de Télérama. Dans Rire est une fête préfacé par Clavier, Jean-Marie Poiré évoque ses souvenirs, ses succès et ses fours, ses inlassables batailles pour monter des castings et obtenir des financements à la hauteur de son ambition artistique. Il est l’héritier de Gérard Oury. Il a fait de la comédie grand public un art majeur, mariant le gag à l’aventure, le fantastique au divertissement familial, s’appuyant sur des binômes d’acteurs populaires (Clavier/Reno). Comme chez Philippe de Broca, « populaire » n’est pas un gros mot dans sa bouche. Ça voulait dire offrir aux téléspectateurs un spectacle de qualité, lui garantir des rires, l’embarquer dans une histoire dingue, par exemple, au Moyen Âge quand personne n’y croyait.

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La grande famille du cinéma français en prend pour son grade

C’est suivre ses intuitions et ne jamais perdre espoir. Faire marrer les gens demande de l’énergie, de l’ordre et de la ténacité. Dans ses mémoires, Poiré ne retient aucun coup. Son ball-trap est jouissif. Sous le sceau de la sincérité, il balance sur les us et coutumes d’un milieu qui ne reconnaît que le succès comme monnaie d’échange. Les producteurs, Terzian et Berri, mais aussi dans une moindre mesure Danièle Delorme et Yves Robert « ils avaient (un peu) des oursins dans la poche », en prennent pour leur grade. « Alain (Terzian) était balèze pour le financement, mais sans véritable ambition artistique. Il fallait que ce soit pépère, sans risque. Son beurre : l’addition de petits bénéfices. Films moyens mais regardables, que des télés apprécient parce qu’il y a des vedettes. Tout le contraire d’un Robert Dorfmann, grand producteur cinglé prêt à produire un autre cinglé comme Gérard Oury » écrit-il. Sur quatre cents pages, les balles fusent. C’est du brutal balancé avec une forme d’ingénuité taquine ! L’effet comique est là. L’image de la grande famille du cinéma en ressort passablement écornée mais drôle et finalement attachante. Le cinéma décuple les égos et les névroses de chacun, il entretient une concurrence folle et fausse presque tous les rapports humains. Jalousie, pingrerie, affaires de boutiquiers en mal d’amour, tout y est pour rendre l’atmosphère invivable.

Jacqueline Maillan : « Je raffole de ce genre de soirées »

Poiré allume l’intouchable Coluche le trouvant « odieux » notamment dans ses relations avec Josiane Balasko et Claude Berri. « Un goujat » entouré d’une « petite cour qui pouffait de rire, ça rajoutait au côté déplaisant » ajoute-t-il. Il faut lire les pages consacrées à un voyage épique dans le jet privé piloté par Bourgoin avec un Gégé méchamment éméché mais toujours debout. Mieux que la 7ème Compagnie au clair de lune. Poiré épingle gentiment Lucchini, recadre Jacqueline Maillan irritée par le numéro de Villeret dans « Papy fait de la résistance » ; en la poussant dans ses retranchements, il obtiendra d’elle une interprétation magistrale. Dans ce livre-confession, il y a des moments tendres également, sur les raisons de sa brouille avec Bacri et de leur réconciliation. Poiré encense, à juste titre, Jacques François, Philippe Noiret, Pierre Mondy ou Marina Vlady. Et puis, il revient longuement, dès le premier chapitre, sur son opération de séduction avortée avec Valérie Lemercier pour qu’elle signe la suite des Visiteurs. Une affaire nationale !

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Les affiches de quelques succès de Jean-Marie Poiré…




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Journaliste et écrivain. À paraître : "Tendre est la province", Éditions Equateurs, 2024

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