L’éditorial d’avril d’Elisabeth Lévy
Alors que vous vous apprêtez à déguster votre Causeur, vous ignorez sans doute que le progrès a encore frappé. Si le calendrier parlementaire a été tenu, la France s’apprête à mettre fin à une injustice millénaire en instaurant le congé menstruel[1]. Des esprits chagrins objecteront que les femmes n’ont pas toutes envie de claironner qu’elles ont leurs règles et qu’elles pouvaient parfaitement, jusque-là, obtenir un arrêt-maladie sans en préciser la raison. C’est se méprendre sur l’objectif, qui n’est pas de remédier à une situation concrète (que la médecine prend heureusement en charge), mais de lutter contre la scandaleuse invisibilité des règles douloureuses qui prévalait jusque-là. Certes, elles n’étaient pas invisibles pour tout le monde, la plupart des hommes sachant très bien qu’il y a des jours où il vaut mieux faire profil bas. Mais le partage intime de la souffrance ne suffit pas. Il faut que celle-ci, dûment intégrée à la panoplie des malheurs féminins, bénéficie d’une reconnaissance publique et des
