Quand les Français ont découvert Emmanuel Macron en noir et blanc en boxeur, ils ont d’abord cru à une image générée par l’intelligence artificielle. Qu’est-ce qui lui arrive ? Le président a peur du vide. Ces derniers jours, la parole présidentielle est partout et tout le temps, sur tous les sujets… TF1, France 2, Le Parisien, Le Figaro, Le Journal du Dimanche… Et ça, ce n’est que pour les dix derniers jours! Notre infaillible président craint-il qu’un autre lui vole la vedette? Quant au Premier ministre, il est attendu ce soir sur le plateau de TF1 où il devrait annoncer face à Gilles Bouleau, Marie Chantrait, François Lenglet et Adrien Gindre durcir les conditions d’accès aux largesses que la France offre à des «assistés»: les «chômeurs volontaires».
Emmanuel Macron parle pour faire taire Gabriel Attal! Mon affirmation est provocatrice, mais en réalité elle ne l’est pas tant que cela. L’excellent article de Mathilde Siraud dans le Point a attiré mon attention mais tout citoyen passionné par la chose politique n’a pu que remarquer la dérive présidentielle qui depuis une dizaine de jours a vu Emmanuel Macron multiplier en tous lieux, en France comme à l’étranger, dans tous les moyens de transport, les entretiens, les vraies-fausses confidences, nous offrant ainsi l’extrême volubilité de sa parole sur tout et n’importe quoi, effaçant toute hiérarchie des sujets et, en prime, nous gratifiant d’une photographie de lui en boxeur, plus ridicule qu’intimidante.
Surabondance verbale
Ce président qui, il n’y a pas si longtemps, nous avait promis une parole rare pour redonner à la charge suprême tenue, distance et sérénité, a dépassé ses prédécesseurs dans l’exercice d’une oralité profuse qui, mêlant l’essentiel à l’accessoire, donne du prix à ce dernier et dégrade celui-là. La conséquence immédiate de cette logorrhée, qui ne date pas d’aujourd’hui mais s’est amplifiée avec l’épée de Damoclès inéluctable du départ présidentiel en 2027, est que même ses soutiens les plus fidèles ne comprennent plus sa stratégie. Son verbe n’est plus écouté au point de devenir quasiment démonétisé, en vertu de ce principe que la surabondance verbale, de la part d’un homme dont on espère au contraire économie et densité, manque sa cible et ne convainc plus personne.
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Bien sûr, quand on a affaire à une personnalité à la fois brillante, sûre de soi et à forte tonalité narcissique malgré ses efforts démagogiques pour faire croire l’inverse, il est facile de deviner comme elle doit souffrir à l’idée de devoir nous priver de sa présence en 2027, bien au-delà de sa crainte de voir Marine Le Pen lui succéder.
Cette peur du vide qu’il nous laissera puisqu’il est persuadé que ceux qui ne l’ont pas choisi en 2017 et en 2022 sont des aveugles – absurde polémique contre François-Xavier Bellamy qui est attaqué par beaucoup parce qu’il n’a jamais voté « Macron » alors qu’on devrait le féliciter d’avoir eu l’intuition anticipée de la double déception à venir – explique son omniprésence d’aujourd’hui. Il convient qu’aucun radar ne le manque et qu’il sature l’espace politique et médiatique. Il a vocation à s’occuper de tout et à traiter de tout.
Faites taire Gabriel !
Au risque de tomber dans une approche psychologique, qui avec lui est pourtant nécessaire, je suis persuadé que derrière cet impérieux investissement de tous les instants sur le dérisoire comme sur le grave, se trouve une lutte de velours, mais nette, entre un président qui parle trop et un Premier ministre qui parle trop peu. Parce que le premier n’a de cesse que de faire taire le second. Emmanuel Macron est traversé par des sentiments et des pulsions intimes qui viennent s’interposer entre la mesure et la raison dont il espère être le vecteur et le réel, par exemple les tempéraments et les pratiques de ses Premiers ministres. Trop présents, ils l’exaspèrent. Effacés, ils l’énervent. Il aspire à ce qu’ils demeurent dans une grisaille loyale, pas ostentatoire, ni pour les ombres ni pour les lumières.
Avec Gabriel Attal, est-il déjà convaincu d’avoir introduit un jeune loup ambitieux dans sa bergerie présidentielle où l’inconditionnalité est obligatoire ? Quoi qu’on pense de ce Premier ministre dont la liberté politique est entravée, qui se permet cependant à côté d’attaques et de polémiques convenues, de subtiles dissidences, de légers décalages.
Reste qu’il respire le talent et l’alacrité. Qu’on doute de sa profondeur, de la vigueur et de la constance de son système d’idées, pourquoi pas ? Mais le président, s’il se trompe implacablement sur le choix de ses ministres et de ses conseillers – rares sont les heureuses surprises -, a en revanche un flair infaillible pour déceler qui va projeter de l’ombre sur lui. Ce n’est pas le décrochage net dans un dernier sondage en faveur du Premier ministre qui va apaiser le président !
Dans l’incroyable dilapidation du verbe présidentiel, ces derniers jours, avec cette exhibition viriliste, Poutine n’est pas le seul visé. Emmanuel Macron a trouvé le meilleur moyen pour faire taire son Premier ministre et lui montrer qui il est : parler tout le temps et souvent à sa place.