Voilà quelque temps, je suivais, un dimanche soir, le journal télévisé de France 2 lorsque, en incidente, comme si l’affaire était entendue une fois pour toutes et non discutable, le présentateur, Laurent Delahousse pour ne pas le citer, laissa tomber, navré, accablé : « …et ce populisme qui piétine la démocratie ». L’entre-soi de plateau étant ce qu’il est à France TV, on enchaîna aussitôt puisqu’il n’y avait rien, vraiment rien, à redire sur ce diagnostic. Le journaliste aurait déclaré « Il fait jour à midi », on n’aurait pas eu autour de lui davantage de réserves à émettre !
On sort le dico
Intrigué, je me suis soudain demandé ce que c’était au fond, je veux dire réellement, le populisme, ce que pouvait bien receler ce que je ne percevais finalement que comme une invective commode, un mot-valise revenant en boucle dans la bouche des bienpensants sans autre bagage rhétorique. Quels en sont les éléments constitutifs, quels sont les critères objectifs qui permettent de dire cela relève du populisme et cela non, où cela commence et où cela s’arrête ? Bref, autant de questions de bon sens, de celles qu’on se pose lorsqu’on cherche à définir un concept, quel qu’il soit. Ne trouvant pas les réponses, je m’en suis remis aux définitions du Petit Robert. Et là, tout est devenu beaucoup plus clair. Populisme : 1 – Didactique. Ecole littéraire qui cherche, dans les romans, à dépeindre avec réalisme la vie des gens du peuple. 2 – Politique (souvent péjoratif). Discours politique s’adressant aux classes populaires, fondé sur la critique du système et de ses représentants.
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Idée méprisable
Tout d’abord, il me semble que l’annotation « souvent péjoratif » aurait pu figurer aussi pour le populisme littéraire. Quelle idée méprisable et vulgaire en effet que de s’intéresser aux gens du peuple et prétendre faire de la littérature avec la sueur du labeur qui pue, du chou bouilli de la soupe qui en rajoute en remugle, le gros rouge et l’haleine tue-mouche ! Quelle horreur, ma chère. La littérature, aujourd’hui, celle qui vaut d’être encensée, porte sur la libido germanopratine multi facettes, sur les angoissants questionnements existentiels consistant à démêler si ce qui est le plus traumatisant est d’avoir été sodomisé à dix ans par papa ou tonton ou ne pas l’avoir été, ou encore si avoir un truc qui pend entre les jambes est davantage débilitant que de ne pas l’avoir.
Pas nouveau !
J’en étais là de mes cogitations lorsque je me suis penché sur la définition 2, celle du populisme politique : discours fondé sur la critique du système et de ses représentants. Alors là, mon sang n’a fait qu’un tour, le vertige m’a saisi. Je suis au bord de l’apoplexie. À l’instant, je réalise que, depuis très longtemps, depuis toujours en fait, je vis entouré, cerné de populistes. Je lève les yeux de mon écran, je porte le regard autour de moi. Ils sont là, bien rangés, telle une armée m’assiégeant, et tous plus populistes les uns que les autres, tous plus ardents critiques du système et de ses représentants, les Karl Marx, les Voltaire, les Rousseau, les Beaumarchais, les Molière, les Coluche, les Audiard, les Céline, les Orwell, les Erasme, les Chamfort, les Hannah Arendt, les Simone Weil, les Mary Wollstonecraft (mère et fille), les Nietzsche… les… les… Il y en a tant ! Elle est là, sous mes yeux, la belle engeance populiste, l’honneur du genre humain. Esprits sublimes, ceux-là s’adressent à tous. Du moins l’ambitionnent-ils. À tous, y compris, et peut-être même d’abord, aux classes populaires, ce qui serait pourtant l’autre élément constitutif du crime « populiste » si l’on se réfère à la définition même du dictionnaire…
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