La pensée manichéenne est le fléau du siècle. Elle est partout à l’œuvre.
L’intelligentsia elle-même est contaminée par cette régression mentale, quand de beaux esprits préfèrent encore se réfugier dans le camp du Bien et ses anathèmes qui interdisent le débat. Il y a quatre ans, avec le premier confinement contre le Covid (17 mars 2020), la pensée obligée jurait vouloir « préserver des vies ». Ceux qui alertaient contre les atteintes aux libertés individuelles et dénonçaient la fabrication d’une propagande apocalyptique étaient qualifiés de « complotistes » et d’« obscurantistes ». Des penseurs médiatiques, prétendument défenseurs de la nuance, étaient parmi la meute. Sur ce sujet votre serviteur, qui fut une cible du discours sanitaire officiel, a bien des noms en tête. Or le bilan de ces intolérances intellectuelles n’a visiblement pas été tiré. En l’occurrence, la pensée binaire cherche à nouveau à s’imposer, cette fois à propos de l’Ukraine. Ceux qui hier sanctifiaient la vie nue sont prêts à soutenir, dans un même fanatisme hémiplégique, la guerre et ses morts. Le mécanisme de l’exclusion morale a repris du service. Qui s’oppose à l’engrenage insensé mené par Emmanuel Macron contre la Russie de Vlamimir Poutine, réélu ce lundi pour un 5 e mandat avec 87,5% des voix et une participation de 73%, est qualifié d’« extrême droite », de « munichois », de « pétainiste », voire de « poutiniste ». Est-il envisageable de pouvoir sortir enfin d’une opinion en noir et blanc ?
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Mon aversion pour la pensée totalitaire me fait voir, depuis toujours, tous les défauts répulsifs du régime despotique poutinien. Pour autant je conteste les préalables de Macron pour justifier sa « guerre existentielle » contre la Russie, alors même que l’Etat français montre sa faiblesse intérieure face aux offensives conjuguées de l’islamisme et du wokisme. En Seine-Saint-Denis, La Courneuve et son commissariat ont été visés par de nouvelles émeutes. « La guerre existentielle est sur notre sol », a estimé avec raison Eric Zemmour, ce lundi sur Europe 1. Quand le chef de l’État, jeudi dernier, parle d’une guerre en cours « sur le sol européen », lancée par la Russie « depuis dix ans », il énonce des faits contestables pour justifier sa position de matamore. En effet, l’Ukraine n’est pas en Europe, mais à ses marches. Et si la Russie a certes repris la Crimée en 2014, c’est le nouveau régime ukrainien qui a commencé dans le même temps à bombarder le Donbass russophone. La guerre que veut Macron contre la Russie est la sienne, pas la nôtre. Elle est aussi celle de l’Otan américanisé. On a appris que douze bases de la CIA étaient déjà en Ukraine. C’est l’Otan qui, dès 1999 et sans l’accord de l’ONU, avait bombardé Belgrade durant trois mois, symbole de notre allié serbe durant la Grande Guerre, pour lui faire lâcher le berceau historique serbe du Kosovo conquis par l’islam.
Ces humiliations occidentales du peuple slave sont de celles qu’un Russe n’oublie pas. La pensée manichéenne attise une guerre absurde.
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