En 2015, la présidente de France Télévisions promettait plus de « diversité » à l’antenne et moins de « mâles blancs de plus de 50 ans ». C’est fait. Mais Delphine Ernotte Cunci réfute toute orientation idéologique. Elle estime que le service public est équilibré. Et rappelle que la cancel culture n’y a pas sa place – la preuve par J’accuse et Illusions perdues, deux films diffusés récemment.
On ne devrait jamais rencontrer les personnalités dont on parle. Ainsi pourrait-on émettre confortablement des jugements péremptoires qu’aucune réalité concrète ne contrarierait. En me rendant à mon rendez-vous avec Delphine Ernotte, mes préventions étaient déjà un peu entamées. Alors que nos aimables confrères des journaux convenables nous taillent des costards à coups d’« extrême droite » et de « fachos », la présidente de France Télévisions a accepté de parler à Causeur – et à votre servante. Elle refuse de se laisser dicter ses fréquentations par le qu’en-dira-t-on. Dans le microclimat des médias, où le sectarisme est bien partagé, cela prouve sa liberté d’esprit.
Cependant, ne connaissant guère d’elle que quelques déclarations plutôt malheureuses, je m’attendais à rencontrer non pas une passionaria gauchiste, mais une femme dogmatique, se pensant missionnée pour rééduquer le populo et combattre l’extrême droite. Alors, Delphine Ernotte voudrait sans doute que France Télévisions contribue à l’émergence d’une société plus « inclusive », mais elle n’a pas la naïveté ou la forfanterie de croire qu’on change l’être humain par l’intimidation ou l’injonction. J’ai donc été un peu désarçonnée de me trouver face à une personne malicieuse et batailleuse, rendant les coups avec intelligence et humour, sans une once de méchanceté ou de ressentiment. Pendant les deux heures qu’a duré notre discussion, elle a répondu honnêtement à toutes mes interpellations. Nous ne sommes pas, loin s’en faut, tombées d’accord sur tout, mais sur l’essentiel qui est, précisément, le droit au désaccord civilisé. Humour, légèreté : si besoin était, c’est la preuve irréfutable que Delphine Ernotte n’est pas woke.
Causeur. Que vous inspirent la plainte de Reporters sans frontières contre CNews et, plus généralement, la décision du Conseil d’État ?
Delphine Ernotte Cunci. D’abord, il me semble très positif qu’on se soucie de pluralisme à la télévision. À France Télévisions, nous faisons très attention à équilibrer notre contenu et à être honnêtes. Ces règles-là ne me posent aucun problème. Donc je comprends l’esprit de la décision du Conseil d’État, mais suis plus circonspecte sur la lettre et son application. Le boulot d’un éditorialiste est de donner un point de vue ! Mais je fais entièrement confiance à l’Arcom, qui défend avant tout la liberté d’expression, pour trouver un moyen de faire cela intelligemment.
C’est-à-dire de ne pas le faire…
En tout cas, il faut concilier l’exigence de pluralisme avec un autre grand principe, qui est la liberté éditoriale. Évidemment, il est impossible de répertorier des chroniqueurs, invités et intervenants en fonction de leurs opinions supposées. Je ne le souhaite pas et je pense que cela n’arrivera pour personne.
Si quelqu’un demandait
