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Impossible n’est pas français!

Avec la Renault 5 tout électrique qui sera assemblée à Douai, notre patriotisme reprend des couleurs


Impossible n’est pas français!
© Renault

La Renault 5E- TECH 100 % électrique a été dévoilée hier au salon de Genève et tout le monde en veut déjà une !


Oh la belle bleue ! Oh la belle jaune ! Oh la belle verte ! Renault a lancé son feu d’artifice en plein hiver dans le ciel brumeux de Genève. On nous avait prédit la fin de l’automobile, de l’objet et de son empreinte civilisationnelle. Au garage, les vieilles lunes des Trente Glorieuses, chauffeur si tu es champion, les nationales bordées de platanes, les ouvriers et l’emploi français, le virilisme décadent et les chromos de grand-papa en Dauphine, la souveraineté et le réarmement industriel, les agents de campagne au losange et le lancement en grande pompe sous les sunlights des tropiques. Depuis quelques années, la voiture se faisait « toute petite » ; même dans les publicités des constructeurs généralistes, penauds et fébriles devant la doxa dominante, on préférait vanter la marche à pied et la pratique du vélo que les vertus hier du moteur à explosion, aujourd’hui des saintes batteries. Un comble pour des fabricants de « bagnoles », dénigrer, dénaturer, délégitimer sa propre production. Ce mea culpa, génuflexion permanente, avait fini par indisposer les amoureux de la chose automobile et désintéresser les plus jeunes générations. Le monde d’après serait pédestre et urbain. La mobilité entravée des provinces ne suscitait guère d’émotion chez nos dirigeants politiques et dans les classes médiatiques. Le vélo-cargo était la solution à tous nos déplacements quotidiens et au litre de super au tarif indécent. Tais-toi et marche ! Ce mouvement de désintégration s’accompagna d’un lessivage des gammes, c’est-à-dire d’un nivellement esthétique et d’une automobile strictement limitée à sa seule fonction utilitaire. C’était oublier toute la lyre, plus d’un siècle de locomotions, l’émancipation des terres arides, le voyage, la performance, la vitesse, les échanges amoureux et la beauté d’un produit sorti d’usine. À l’arrière des berlines, jadis, le réarmement démographique battait son plein. Les nostalgiques furent donc bannis des cénacles, on raillait leur passéisme nauséabond et leurs élans mécaniques puérils. Ils furent déconsidérés publiquement et renvoyés à la casse des idées. Nous n’étions pas des gens sérieux, on s’accrochait à un moyen de transport « individuel » dont la mort était programmée et salutaire. Contre toute attente, l’automobile vient de renaître en pays neutre, elle était donc plus enracinée dans nos disques durs que le prétendaient les destructeurs de mémoire vive. La nouvelle « R5 » contredit tous les discours ambiants sur une production banalisée, rabotée et dépourvue d’une humanité rieuse. Car, cette « R5 » est nostalgique et populaire dans son esprit, pimpante et sensuelle dans son approche stylistique. Elle fait habilement le pont entre le glorieux passé de Renault et ses ambitions futures sur le marché de l’électrification. Ouvertement bravache et décomplexée, elle s’inscrit dans la tradition « des voitures à vivre », elle ose même reprendre les codes de ses illustres aînées. Elle ne fait pas table rase du passé, au contraire, elle s’en nourrit dans un design néo-vintage ou rétrofuturiste. Elle nous dit en substance : « Regardez-moi, je suis moderne, j’ai tous les attributs d’un monde connecté et efficient, et pourtant je ne renie pas mes origines ». Cette R5 électrique impulse la même joie de vivre que sa devancière de 1972, personnage semblant sortir d’une bande-dessinée qui déversa sur les routes de France, durant de très longues années, sa bonne humeur, sa fiabilité et sa croyance en une société optimiste. Et puis un jour, ces R5 sous le coup des Balladurettes et autres Jupettes, disparurent de la circulation. Lorsque l’on en croise une dans un rassemblement d’anciennes, les souvenirs se ramassent à la pelle, et notre cœur se serre devant cette petite Renault qui avait tout d’une grande. Oui, n’en déplaise aux sécateurs d’émotion, aux briseurs de rêve, la R5 rendait fière la France, sa main d’œuvre et ses concepteurs, elle était un indicateur de confiance et d’espoir, de notre puissance économique et de notre génie à inventer un objet de désir. Quand les R5 sillonnaient notre hexagone, avant la crise du pétrole, elles incarnaient le panache français, construire une auto abordable, pratique avec son hayon et capable d’avaler des kilomètres. En ville ou hors des murs, cette R5 était partout chez elle. C’est peut-être un détail pour vous, mais quel sentiment de plénitude enfin retrouvée, de voir une « belle auto », originale et colorée, reprendre le flambeau. Tous les journalistes présents sur le salon ont eu immédiatement le béguin pour elle. Chacun y voyait les traces de son enfance, les couleurs « pop », un air de Super Cinq pour certains, de R5 Turbo pour d’autres, des rondeurs désirables et la coquille d’un jouet tellement tentateur. Ce bonbon acidulé a redonné le sourire dans une actualité déplorable. En fait, peu importe qu’elle se pare des technologies actuelles, une motorisation 100 % électrique, une autonomie allant jusqu’à 400 km ou qu’elle accueille cinq passagers ; peu importe que son couple délivre 245 Nm, elle réactive surtout nos sens en hibernation. Et puis on apprend qu’elle sera assemblée à Douai alors notre patriotisme reprend des couleurs.

Monsieur Nostalgie

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Journaliste et écrivain. À paraître : "Tendre est la province", Éditions Equateurs, 2024

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