Oreillette, la vache normande, égérie du Salon de l’Agriculture 2024 se fait voler la vedette par Emmanuel Macron.
On attendait Oreillette, ce fut Narcisse. Oreillette la jolie vache normande, la star programmée mais spoliée de son heure de gloire si bien méritée.
Guerre et pets
En fait, la star fut Narcisse. Narcisse en bête à concours, bras de chemise et bagout idéal pour une autre foire, celle de Paris où le bonimenteur est roi. Narcisse qui n’eut sans doute qu’un regret, ne pas pouvoir être en même temps la vedette phare de la cérémonie des César, cette autre manifestation annuelle où sont distribués des médailles et des rubans, cette fois aux bêtes d’écran d’exception. L’an prochain, peut-être ? Les cerveaux tordus et assez féconds de l’Élysée doivent probablement se pencher sur le coup dès à présent. On voit la stratégie se profiler. L’avant-veille laisser filtrer l’info incendiaire que le très détestable Gérard Depardieu serait invité en majesté, puis s’empresser de démentir devant le tollé prévisible et prévu. D’où un grand bordel, inévitable lui aussi. Et là, Narcisse en Zorro prend l’affaire en main, s’impose à la cérémonie et ne laisse pas passer une si belle occasion de donner un cours magistral aux professionnels de la profession sur le plan de coupe, le traveling à la Fellini, l’effet spécial, la bande sonore, le prix de la place et tout le tremblement. C’est qu’il sait toujours tout sur tout, le président. Bien sûr, nous aurons droit au passage à une scène bien ficelée de colère noire pour affirmer que ceux qui ont prétendu que Gégé aurait pu être de la farce ne seraient que de gros menteurs et que cette lamentable fausse nouvelle (fake news, en français d’aujourd’hui) n’était encore une fois qu’une basse manœuvre du RN. Tout cela face caméra, sinon à quoi bon ? Bref, refaire le coup du salon de l’agriculture 2024.
Priorité au direct
Un coup magistral, il est vrai. Douze heures de monopolisation médiatique non-stop. Qui dit mieux ? J’ai suivi cela en continu. Mais si, mais si… (J’attends, moi aussi, une médaille pour tant d’abnégation). Quand je revenais devant mon écran après m’en être éloigné quelques instants, je devais bien regarder la mention « Direct » pour me convaincre que ce que j’avais devant les yeux n’était pas le rappel d’images précédentes. Absolument pas ! Du vrai direct ! Macron en un plan séquence de quasiment, oui, douze heures ! Normalement, ce sont les paysans, leurs bêtes, leurs productions qu’on met en valeur, particulièrement ce jour-là. Mais, cette année, non. Le président et que le président. L’exception agriculturelle à la française telle qu’on la conçoit au Château, certainement. Un court moment, j’ai cru que les pelotons de CRS et de gendarmes allaient le concurrencer sur ce point. Il n’en fut rien. Dans leurs journaux de 20 heures, les deux grandes chaînes très arcomisées TF1 et France 2 – mues sans aucun doute par la déférence présidentielle qui les caractérise – eurent soin de les montrer plutôt s’opposant au désordre causé par des agriculteurs-en-colère-manipulés-par-les-forces-obscures-de-qui-vous-savez, que faisant le vide – au plus large, le vide – sur le passage du chef suprême afin que sa déambulation-dégustation puisse paraître aussi débonnaire et paisible que souhaitable.
Marc Fesneau, pas bien brillant
« Il sait tout sur tout, le président » disais-je. Très impressionnant en effet. L’intégralité du spectre des productions et filières agricoles y est passé au fil de sa matinale. J’admirais. Si, si, j’admirais. Je me disais : « Qu’attend-on pour placer ce gars-là au ministère de l’Agriculture ? Enfin quelqu’un qui a l’air de savoir à peu près combien de pattes ont le dindon et le baudet du Poitou. » C’est que j’avais fini par oublier la présence du vrai ministre. Il était bien là, pourtant. Enfin, presque. Un ministre muet de chez muet. Ministre potiche, on était habitué, mais totalement muet, et sur douze heures de temps, cela aussi me semblait être une grande première. La journée de toutes les performances.
Mais le summum de la performance, nous l’avons eu lorsque le président a abordé la filière bovine, et plus spécifiquement celle du broutard. Il s’est appliqué à délivrer avec passion sa science de la bonne méthode à mettre en œuvre pour tirer le meilleur parti de ces jeunes bovidés, assurer la prospérité de leurs éleveurs, la souveraineté hexagonale en même temps que le contentement du consommateur non encore dévoyé végan. De nouveau, j’admirais. Que de connaissances, que de bon sens, quelle profondeur de vue, quelle exaltante et salutaire vision à long terme ! Le broutard avait enfin trouvé son guide. C’est exactement ce que, nous, Français, attendons : une exaltante vision d’avenir. Et un guide. Ce ne devrait pas être si difficile puisque, là-haut, on nous prend pour des veaux bons à saigner, des moutons bons à tondre, des poulets bons à plumer.
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