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La liberté sexuelle et la différence générationnelle

À propos du «retour de bâton»


La liberté sexuelle et la différence générationnelle
Jean-Paul Rouve et Kim Higelin, "Le Consentement" de Vanessa Filho © Moana Films / Windy Production

Le numéro de février de Causeur est une charge virulente contre les enfants de post-soixante-huitards «intraitables sur les bonnes mœurs». Mais s’il s’agissait finalement moins d’un retour de bâton légaliste, que du rappel d’un ordre symbolique passablement jeté aux orties ? Ce qui n’empêche absolument pas un puritanisme très protestant de faire, lui aussi, retour, par la même occasion, certes. Tentative de trier le bon grain de l’ivraie…


On incrimine volontiers aujourd’hui la liberté sexuelle induite par 1968 en en faisant la cause des maux de notre époque. Cette liberté était à priori pour des adultes consentants et les dérives qui ont pu en découler ne tiennent pas tant à la liberté en question qu’à la confusion des générations qui a mis sur le même plan les adultes et les enfants.

À la lecture des livres de Vanessa Springora, de Camille Kouchner et à l’écoute des propos d’Adèle Haenel ou, plus récemment, de Judith Godrèche, ce qui frappe est soit la présence de parents ou d’adultes se comportant avec les enfants comme si ces derniers étaient au même niveau qu’eux, soit leur absence radicale du paysage. « Mes parents n’avaient pas de place, ils ont été effacés. S’ils auraient pu se battre ? Oui, sûrement, moi, je l’aurais fait… » Judith Godrèche à France-inter.

L’époque des chaperons étant révolue, on peut tout de même s’interroger sur l’extraordinaire passivité de parents face à des situations réclamant, pour le bien de tous, un minimum de vigilance. Ainsi, Adèle Haenel se rendait seule chez son metteur en scène, entre l’âge de 12 et 15 ans, pour y passer le week-end. Quand on sait qu’une actrice est forcément un objet de désir pour celui qui la filme, c’est protéger toutes les parties, et en priorité les plus jeunes, que de mettre un tiers entre eux. Cela s’appelle prévoir. De la même façon, Vanessa Springora ne semble pas avoir bénéficié d’une protection parentale quelconque ; il semblerait même qu’il y ait eu une sorte d’accord tacite de la part des adultes alentour. Faut-il, enfin, rappeler que ces adolescentes étaient mineures et que la loi n’autorise pas une relation sexuelle entre un adulte et un mineur. Tout simplement. Sans doute parce que la loi n’imagine pas qu’il puisse y avoir réellement consentement entre un majeur et quelqu’un qui ne l’est pas.

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Quant au livre de Camille Kouchner, par-delà le geste incestueux d’un beau-père à l’encontre de son beau-fils, c’est surtout une génération d’intellectuels qui est ici évoquée, où la confusion règne entre les générations ; où on se balade nu devant tout un chacun, où les enfants sont témoins d’une intimité qui devient intrusive, où on leur parle comme à des adultes, y compris pour faire des allusions sexuelles à leur endroit, voire demander à une fille pas encore pubère de mimer l’acte sexuel avec ses doigts devant tout le monde. Et où l’on n’hésite pas à photographier les fesses de la fille en question et à en faire un poster pour le salon. Sans compter qu’on n’en finit pas d’exiger d’eux qu’ils soient libres… mais à la façon des grands ! Injonction terriblement paradoxale. Sois libre ma fille, et fais comme maman !

Et c’est là que le bât blesse. La liberté sexuelle n’implique pas la confusion des générations. Et si cette dernière n’entraîne pas nécessairement des actes incestueux, elle est, par définition, incestuelle et suffit à brouiller les esprits. Il n’y a pas de synchronie entre les parents et les enfants ; une génération les sépare et cette séparation est fondamentale. Et peu me chaut que des adultes éprouvent du goût pour des pratiques sexuelles en tous genres. En revanche, les enfants n’ont tout simplement pas à y être mêlés. C’est le déni de la différence générationnelle qui est profondément destructeur, et pas la liberté que des parents respectueux de leur propre intimité comme de celle de leurs enfants s’octroient. Il ne faut pas, pour le coup, confondre les deux. Mais c’est bien parce qu’il y a eu, pour certains, confusion entre les deux qu’il y a retour de bâton de la part des enfants en question.

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Professeur de lettres modernes à la retraite, ayant enseigné dans le 93.

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