La social-démocratie n’a plus la cote, à tel point que plusieurs auteurs en prédisent bientôt la fin. Sans doute subit-elle les assauts de ses ennemis intérieurs et extérieurs – Gafam ou États voyous – mais plus probablement se meurt-elle d’avoir organisé sa propre chute.
Lorsqu’Henry Ford monte les marches de l’Élysée en décembre 1964 pour y rencontrer le général de Gaulle, c’est bien sûr le roi de l’automobile qui se montre impressionné par son interlocuteur. Quand Elon Musk ou Mark Zuckerberg rendent visite à Emmanuel Macron, on les sent plus bravaches. En soixante ans, le rapport de forces entre l’élite économique mondiale et notre président social-démocrate, bien que maître du feu nucléaire, s’est inversé. Ainsi, en 1965, le chiffre d’affaires cumulé des cinq plus grandes sociétés de l’époque totalisait 102 milliards d’euros d’aujourd’hui. En comparaison, celui des cinq Gafam affiche 1 350 milliards, treize fois plus – des montants comparables à ceux de pays développés. Ces 1 350 milliards représentent ainsi l’ensemble des recettes de l’État français – les Gafam et notre république bénéficient donc de revenus équivalents. La comparaison s’arrête malheureusement aux encaissements, car si l’on s’intéresse aux résultats, là où la France enregistre un déficit de 125 milliards, Bill Gates et ses homologues dégagent un excédent de… 800 milliards. Quand le Trésor public dispose à un instant t de 100 milliards, les Google et consorts peuvent signer immédiatement un chèque de 900 ! De quoi détendre Mark Zuckerberg à l’idée d’échanger avec notre sympathique président (dont l’assistante a dû sans doute lui rappeler le nom, avant son rendez-vous).
Cette incroyable puissance aux mains de quelques entrepreneurs non élus justifie, au demeurant pleinement les espoirs qui ont pu être mis dans l’Union européenne. Si la France ne fait pas le poids face à eux, l’Europe aurait dû redonner du pouvoir aux social-démocraties qu’elle était censée unir. Sans avoir eu besoin du traité de Lisbonne, l’Europe a su développer les programmes Ariane et Airbus. Depuis cette époque pionnière, particulièrement sur la thématique digitale, c’est le néant ou presque. Il n’existe pas de Google européen, mais Bruxelles s’entiche de la loi RGPD pour limiter le pillage de nos données. Fidèle à sa ligne courtelinesque, l’Union ne semble présente sur le champ de bataille de l’IA que pour en exiger la réglementation urgente – sans la maîtriser. Champion du monde de la bureaucratie, voilà l’avenir radieux que nous propose Thierry Breton – pas plus élu qu’Elon Musk. Xi Jinping, Joe Biden et
