À l’Oriental était la plus ancienne boutique du Palais-Royal. Ouverte depuis 1818, cette caverne d’Ali Baba vendait des articles pour fumeurs. Le Conseil constitutionnel s’apprête à la raser pour créer une salle d’attente…
Avec précipitation et discrétion, le Centre des Monuments Nationaux (CMN) a expulsé en janvier 2024 la plus ancienne boutique du Palais-Royal encore en activité. À l’Oriental avait ouvert ses portes en 1818 et vendait, depuis, des pipes et des tabatières, des fume-cigarettes et quantité d’objets précieux ou fantaisistes en lien avec le tabac. Cette institution de quelques mètres carrés, connue dans le monde entier, comptait parmi ses clients les rois d’Espagne et du Maroc, des capitaines d’industrie, de hauts magistrats et des artistes, chanteurs, comédiens, réalisateurs, mais aussi une foultitude d’anonymes qui, en entrant dans cette caverne d’Ali Baba, accomplissaient un petit rituel, venaient y respirer le parfum du Paris d’autrefois. Ses volumes intacts témoignaient de la vie au cœur de la capitale au début du XIXe siècle : local étroit et haut de plafond, escalier à vis, entresol… Le parfait exemple du « patrimoine du quotidien ».
Raison d’État !
Le CMN, garant de notre patrimoine en général et du Paris-Royal en particulier, n’est pas à l’initiative de cette expulsion scandaleuse. Il a été le funeste exécuteur des volontés du Conseil constitutionnel.
Depuis sa nomination, son président ne cesse de pousser les murs de son palais, annexant là une cave de la Comédie-Française, là une échoppe… et lorgnait sur À l’Oriental, son voisin immédiat, afin de le raser pour agrandir sa boutique de souvenirs et créer une salle d’attente. Raison d’État. C’est ainsi que le CMN n’a même pas cherché à sauver le condamné face à d’aussi grotesques convoitises. Pour complaire au président des Sages, il a livré sur un plateau ce morceau du patrimoine des Parisiens.
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Et dans cette affaire, la honte se mêle à l’abjection. Pressé, très pressé de vendre des mugs estampillés CC et de faire assoir ses nobles visiteurs, le Conseil a réussi à faire expulser la gérante des lieux en un temps record. Les pires squatters à chiens sont traités avec plus d’égards. Rakel van Kote tenait boutique depuis près de trente ans et avait payé d’avance ses loyers pour l’année en cours. En quelques jours, ses serrures ont été changées, des scellés ont été posés et un échafaudage dressé devant ses vitrines pour camoufler le déménagement auquel elle n’a pas eu le droit d’assister. Sans inventaire préalable, et à l’abri des regards, quelque 250 cartons ont été remplis puis envoyés dans un garde-meubles loin de Paris – à ses frais. Durant cette opération, l’association SOS Paris a pu voler quelques images, à l’aide d’une caméra fixée sur une perche. Dès le lendemain de leur diffusion sur X, l’échafaudage était rehaussé ! Raison d’État.
Signez la pétition !
C’est ainsi que le garant de notre patrimoine peut nous en priver, le plus légalement du monde.
Il est toujours possible de soutenir À l’Oriental en signant cette pétition. C’est désormais une question de morale, un principe d’honneur, cette valeur que certains ont abandonnée depuis longtemps.
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