Accueil Édition Abonné Soudain, je me suis fait soudanais

Soudain, je me suis fait soudanais

Les massacres au Soudan ont suscité un millionième de la médiatisation qu’a suscitée Gaza...


Soudain, je me suis fait soudanais
Gilles-William Goldnadel © Photo: Hannah Assouline

Le président d’Avocats sans frontières a fait un rêve.


Je rentre de Khartoum. Je me suis fait soudainement soudanais. Ça m’a coûté ce que ça m’a coûté, mais les fonctionnaires n’ont pas trop fait de difficultés, en dépit d’un dossier politique et religieux un peu compliqué. Vous me demanderez probablement pourquoi j’ai embrassé cette nationalité, alors que j’en possédais déjà deux. C’est une pure question d’opportunité ou plus exactement d’impunité. Au départ, cette nationalité ne me disait pas grand-chose. J’aurais préféré me faire italien ou brésilien, mais je choisis de le confesser, mon but était clairement intéressé.

Las d’être un Occidental cossu

C’est que je suis doublement échaudé. En tant que Français, mon président m’a expliqué que mon pays avait commis des crimes contre l’humanité en Algérie. Il paraît que les policiers français sont racistes. À Nantes, on était esclavagiste. Sans parler des partis d’extrême droite pétainistes qui se refusent à accueillir les étrangers les bras ouverts.

A lire aussi : Le Voltaire algérien

En tant qu’Israélien, c’est encore pire. Le soldat hébreu en Judée serait un authentique Juda, qui trahit une seconde fois l’idéal de paix christique. Il crucifierait le peuple palestinien comme ses ancêtres auraient crucifié Jésus. Comment ce peuple qui a, à ce qu’il paraît, connu le génocide ose-t-il perpétrer en Palestine un nouvel Holocauste, sous prétexte qu’il aurait subi quelques justes tracas exécutés par un groupe de résistants un peu énervés ?

Bref, j’étais un peu las lorsque je me promenais près des universités de Nanterre ou de Yale ou dans les rues de Manhattan, près de l’immeuble de l’ONU, de parler en français ou en hébreu et de me faire cracher dessus. Las d’être un Occidental cossu, un mâle blanc privilégié ne pouvant même hasarder un regard appuyé sur un membre du sexe opposé, si vous m’autorisez cette expression genrée autant que stéréotypée.

Immunité assurée

C’est alors que j’ai opté pour la filière soudanaise. Je vous la recommande discrètement. Un brevet d’impunité permanent. Un passe-droit pour la transgression. Je conseille aux incrédules la lecture enrichissante d’un article du Monde daté du 26 janvier et intitulé : « Au Soudan, la ville d’Al-Geneina théâtre de massacres à grande échelle : “Ce qui s’est passé est un génocide” ». Le correspondant évoque des massacres de masse de milliers de Noirs par des milices arabes, des viols, des exactions innombrables et 7 millions de déplacés !

A lire aussi : Droit du sol, de quoi ou de qui la France est-elle le pays?

L’article en question a suscité à peine trois ou quatre malheureux commentaires de ces lecteurs qui incendient Israël en permanence. J’estime que les massacres au Soudan ont suscité un millionième de la médiatisation qu’a suscitée Gaza. Et je suis bon. Voilà pourquoi c’est désormais un Soudanais qui vous écrit. Je peux tuer impunément tous les Noirs que je veux, dès l’instant où je ne suis plus un Blanc. Je peux violer les juives blanches des kibboutz, ou même les vieilles dames de 75 ans dans les provinces françaises. Aucune féministe d’extrême gauche ne m’en demandera raison.

Même sur la question esclavagiste, les associations sont super cool avec moi. Autant, s’agissant de la traite transatlantique, les Américains et les Africains sont d’une intransigeante rigueur, autant ils se font plus coulants concernant la traite arabique, plus ancienne et plus cruelle, qui perdure encore un chouia, ici ou là. Écoutez-moi, les amis un peu vifs, les copains un peu coléreux, j’ai trouvé la bonne planque : l’an prochain à Khartoum !

Journal de guerre: C'est l'Occident qu'on assassine

Price: 19,50 €

38 used & new available from 6,36 €

MANUEL DE RÉSISTANCE AU FASCISME D'EXTRÊME-GAUCHE

Price: 10,00 €

24 used & new available from 10,00 €

Février 2024 – Causeur #120

Article extrait du Magazine Causeur




Article précédent «Fabriquer une femme» de Marie Darrieussecq: portrait d’une génération désenchantée
Article suivant Ricardo Bofill, nos années béton

RÉAGISSEZ À CET ARTICLE

Pour laisser un commentaire sur un article, nous vous invitons à créer un compte Disqus ci-dessous (bouton S'identifier) ou à vous connecter avec votre compte existant.
Une tenue correcte est exigée. Soyez courtois et évitez le hors sujet.
Notre charte de modération