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Ces paysans qu’on abat

Bois mort de l’humanité, l’agriculteur n’a plus sa place dans les campagnes... Le Salon de l'Agriculture ouvre samedi


Ces paysans qu’on abat
Le Premier ministre Gabriel Attal échange avec des agriculteurs mécontents lors de sa visite dans une exploitation agricole à Montastruc-de-Salies, en Haute-Garonne, 26 janvier 2024 © Morgan Fache/SIPA

Ce n’est pas une révolution, mais c’est plus qu’une révolte. La colère de nos agriculteurs sous-payés, croulant sous les normes et fliqués comme personne, témoigne d’un bouleversement civilisationnel, voire anthropologique. Dans la France de Bruxelles, les travailleurs de la terre n’ont plus leur place.


« En France, on a le droit d’être en colère, mais faut demander gentiment ! » Dépassée, la fameuse saillie de Coluche… Témoin, la récente évolution de ce que d’aucuns nomment – avec une pudeur qu’on ne leur connaissait pas – la « grogne des agriculteurs » : la mise sens dessus dessous, initiée dans le Tarn dès novembre dernier, de centaines de panneaux d’entrée de villages et de petites agglomérations à travers cette France « qui fume des clopes et roule au diesel ». À première vue, un judicieux mode d’action : d’abord, par la puissance du symbole, destiné à matérialiser l’idée selon laquelle « nous marchons sur la tête » ; ensuite, par sa dimension pacifique. Judicieux, donc ; mais inefficace. Sourde, silencieuse, la sphère politico-médiatique avait alors, en effet, bien d’autres chats à fouetter – un remaniement ministériel, la nomination du plus jeune Premier ministre de l’histoire de la Ve République… Ah, cette France « d’en bas », celle des « culs-terreux », c’est loin, si loin de Paris… Lassitude ? Exaspération ? Nos agriculteurs sont, depuis, passés à la vitesse supérieure. Barrages, blocages d’autoroutes, déversements de lisier et autres tas de fumier sur les grilles des préfectures…À l’expression civilisée du mécontentement s’est substitué le rapport de force brut. « Demander gentiment » n’a décidément plus la cote.

Séditieux retourneurs de signalétique

À quelques mois des élections européennes, l’affaire risque de laisser des traces. La Macronie espère secrètement qu’il ne s’agit là que d’une énième jacquerie comme la France en connut tant, telle celle de 1358 dans le Beauvaisis, où des paysans semèrent la terreur, ou celle de juillet 1953, appelée la « journée des barricades », au cours de laquelle de jeunes agriculteurs dressèrent jusqu’à quatre cents barrages… En ce mois de janvier 2024, est-ce plus grave ? Peut-être.

A lire aussi, François-Xavier Bellamy : «La crise rurale est liée à une idéologie de la décroissance» 

Les revendications de ces séditieux retourneurs de signalétique sont connues : d’une part, pouvoir tous vivre dignement du fruit de leur travail (un agriculteur sur cinq se situe sous le seuil de pauvreté) ; d’autre part, continuer à bénéficier du remboursement partiel de la TICPE pour l’achat de GNR (gazole non routier), tandis que Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et de la Souveraineté industrielle, plaide à l’inverse pour le passage d’une « fiscalité brune » à « une fiscalité qui valorise les investissements verts » ; enfin, ne plus avoir à subir la multiplication exponentielle de normes et règlements tous plus ubuesques les uns que les


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Février 2024 – Causeur #120

Article extrait du Magazine Causeur




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Humbert Rambaud est rédacteur en chef de "Jours de Chasse". Vincent Piednoir est rédacteur en chef adjoint du même magazine. "L'ouverture de la chasse, une philosophie, une culture" (Presses de la Cité, 2023).

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