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Le Finkielkraut du pauvre

Le billet politique de Philippe Bilger


Le Finkielkraut du pauvre
Le magistrat et essayiste français Philippe Bilger © Pierre Olivier

À LR, on recherche la personnalité susceptible d’imposer un nouvel élan.


Après la lecture du très beau livre d’Alain Finkielkraut, Pêcheur de perles, j’ai eu envie de faire comme lui et de commencer à remplir un cahier avec toutes les citations que, lecteur compulsif, j’aurais le désir de noter. Et d’en élire une pour ce billet. Parmi toutes celles que j’ai déjà retenues, un propos de Patrick Buisson a particulièrement attiré mon attention et donc suscité cet écrit. Même mort, Patrick Buisson est aussi honni aujourd’hui par certains qu’il a été sollicité par beaucoup de son vivant pour ses conseils politiques. Il est évident que ses fulgurances, ses intuitions, ses paradoxes stimulants et sa pensée conservatrice structurée et brillamment assumée ont été d’un grand secours intellectuel, stratégique et tactique pour des personnalités qui avaient besoin d’un éclaireur, d’un débroussailleur pour élucider le maquis du réel. Patrick Buisson a déclaré un jour : « À droite il n’y a plus que des metteurs en scène ». J’interprète immédiatement ce triste constat comme le fait que dans le passé nous avons été mieux pourvus sur le plan de la plénitude et de la qualité partisanes mais que de nos jours nous ne disposons plus que d’artisans, de réalisateurs qui mettent en lumière une représentation sans fond, sans sens parce qu’ils seraient eux-mêmes incapables d’en écrire le texte.

Patrick Buisson (1949-2023) © Hannah ASSOULINE

Mauvais films

On peut comme moi ne pas désespérer des Républicains, même s’il est éloigné de mes rêves sur ce qu’il devrait être, libre, inventif et courageux, et considérer cependant que ce prétendu moribond toujours en forme n’a en effet à sa tête que des « metteurs en scène ». Pour continuer cette métaphore, il y a des réalisateurs qui sont en même temps de formidables scénaristes, notamment aux États-Unis, même si là-bas on a moins de scrupules à confier à d’autres le soin d’inventer des histoires et d’écrire les dialogues. Il y a aussi des metteurs en scène tellement doués et créatifs que leur réalisation constitue un apport capital pour le scénariste. Elle amplifie et sublime l’élaboration de la fiction. Il y a eu des organisateurs tellement remarquables pour les campagnes et les débats publics qu’ils mettaient quasiment l’esprit et la main dans la substance des discours eux-mêmes et des programmes.

A lire aussi, du même auteur: Droite: Bellamy, tête de liste et tête de turc

Il y a malheureusement aussi des réalisateurs tellement imbus d’eux-mêmes qu’ils se croient aptes à écrire leur propre scénario et force est de constater qu’assez souvent cette posture aboutit à de mauvais films. N’est pas scénariste qui veut et les immenses metteurs en scène ne courent pas les rues ni l’univers artistique.

LR : quel casting !

Les metteurs en scène, selon le principe énoncé par Patrick Buisson pour la droite, sont assez nombreux à LR. Il n’y a pas que les trois qu’on mentionne officiellement et médiatiquement : Éric Ciotti, Bruno Retailleau et Olivier Marleix. Il y en a d’autres qui tirent les ficelles ou sont tirés eux-mêmes, c’est selon. Dans l’entre-deux, Laurent Wauquiez se montre de plus en plus, Xavier Bertrand est plus discret et Valérie Pécresse n’a pas désarmé.

Mais qui, pour l’instant, écrit l’histoire chez LR, qui invente le scénario, qui impose le style, qui prévoit la configuration de demain, qui offre de la matière aux trois metteurs en scène principaux ? Quelqu’un qui se piquait d’être un réalisateur-scénariste a trahi pour un plat de lentilles macronistes et lâché ses amis politiques de toute une vie : Nicolas Sarkozy n’est même plus dans les coulisses ! Je songe à David Lisnard qui ne paraît pas pressé, qui bénéficie du formidable avantage d’être sous-estimé et qui est en train d’écrire son propre scénario en aspirant à en faire un jour celui de la droite tout entière. Loin d’être un metteur en scène, il se construit hors de la vanité des apparences, dans une forme de sérénité à la fois ambitieuse et réfléchie. Si LR ne meurt pas, contre tous les oiseaux de mauvais augure, qui sera, en 2027 et pour la suite, son metteur en scène et à la fois son scénariste ? Cette question est centrale. Des réalisateurs, on en trouvera toujours mais des personnalités capables d’avoir des pensées pragmatiques, des ruptures opératoires, des courages productifs, du futur et de l’imagination plein leur tête, quelle denrée humaine rare ! Il n’y a aucune raison pour que la droite soit condamnée à perpétuité à faire de mauvais films, au mieux inachevés !

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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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