José Bové subit la cabale de ses petits camarades écologistes depuis la diffusion de son entretien avec les journalistes de KTO. Non content de transgresser l’antifranchouillardise de son parti en passant sur cette chaîne de télé honnie, l’ancien candidat à la présidentielle a poussé l’outrecuidance jusqu’à se déclarer opposé à la PMA. Cris et chuchotements à EELV ! La sénatrice écolo – de fraîche date – Esther Benbassa sort immédiatement son flingue pour défendre l’extension de la Procréation Médicalement Assistée aux couples de lesbiennes, telle qu’elle le recommandera dans une prochaine proposition de loi déposée conjointement avec son collègue député vert Sergio Coronado. « José Bové confond PMA et OGM et s’oppose à toute PMA (y compris légale) : un nouvel adhérent de La Manif pour tous ? » réplique-t-elle sur Twitter en traitant à demi-mots l’ex-syndicaliste paysan d’âne bâté ne sachant pas séparer le bon grain procréateur de l’ivraie artificialiste.
Pourtant, si l’on s’en tient au verbatim de ses propos, José Bové s’est borné à déclarer : « Je suis contre toute manipulation sur le vivant, que ce soit pour des couples homosexuels ou des couples hétérosexuels. Je pense qu’à un moment le droit à la vie et le droit à l’enfance sont deux choses différentes. Je ne crois pas que le droit à l’enfant soit un droit. Je vais me faire plein d’ennemis. » Le pauvre bougre ne croyait pas si bien dire… Cloué au pilori par Benbassa, experte du procès en sorcellerie, qui le condamne sans même tenter de l’exorciser, Bové se voit comparé aux heures les plus sombres du printemps 2013.
Mais pourquoi tant de haine ? Telle l’épée de Damoclès, l’opprobre menace inexorablement qui ose déraciner l’imaginaire progressiste des Verts en les mettant en face de leurs contradictions. Bové n’a absolument pas confondu manipulation génétique et PMA, mais s’est souvenu de son maître personnaliste chrétien Jacques Ellul, pourfendeur du « bluff technologique » à l’origine d’un homme et d’une société nouvelles ayant l’illusion d’être autogénérées. Qu’on le veuille ou non, une même logique déconstructive préside à l’élaboration d’un bébé par don de sperme et à la création d’espèces de maïs transgénique par bidouillage génétique : voilà ce que Bové a mis en évidence, au grand dam des écolos borgnes ou aveugles. Plutôt que de relayer la bonne parole benbassienne, les journalistes scrupuleux devraient s’interroger sur la cohérence d’un Noël Mamère, autre disciple avoué d’Ellul, qui se fait l’avocat indéfectible du mariage gay et de la PMA tout en vomissant OGM, nucléaire, nanotechnologies et autres joyeusetés de notre société néo-industrielle.
Il faut croire que l’écolo intégral marche sur des œufs, si l’on en croit la prose affutée d’un Vincent Cheynet, directeur du journal La Décroissance, dont le dernier essai, d’ailleurs passionnant, décortique avec bonheur les débats autour du mariage pour tous. Dans la galaxie verte, pas question de passer pour un vieux con, remarque Cheynet : « Il est paradoxal d’observer certains objecteurs de croissance hurler à la reconnaissance des limites de la nature quand il s’agit de la croissance et parallèlement qualifier de « réacs » ceux qui rappellent ces limites quand il s’agit de procréation. Les mêmes de s’insurger contre le prométhéisme scientifique quand il s’agit d’OGM et en appeler au progrès sans frein pour l’enfantement »[1. Décroissance ou décadence, Vincent Cheynet, Le Pas de côté, 2014.] Tout est dit.
À quelques semaines des européennes, les Verts ont le trouillomètre au sommet à l’idée de ne pas rééditer leur exploit de 2009 (16% au coude à coude avec le PS) en désespérant Oberkampf. Il est certain que les bobos adeptes du Vélib’ le dimanche préfèrent voter en toute conscience pour un ami de la question queer que de renoncer à leur prochain safari-photo à l’ombre du Kilimandjaro.
Moralité, José, on a les ennemis que l’on mérite. Mais, crois-moi, tes nouveaux amis valent leur pesant de maïs naturel…
*Photo : David McHugh/REX/REX/SIPA. REX40318268_000003.
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