Accueil Édition Abonné Un fonctionnaire qui trouve (des excuses), un intellectuel qui cherche (la vérité)

Un fonctionnaire qui trouve (des excuses), un intellectuel qui cherche (la vérité)

François Burgat affirme avoir "infiniment plus de respect pour les dirigeants du Hamas que pour les dirigeants d'Israël"


Un fonctionnaire qui trouve (des excuses), un intellectuel qui cherche (la vérité)
L'islamologue Francois Burgat, Doha, mars 2022 © AMMAR ABD RABBO / MOFA / DOHA FORUM

« Des chercheurs qui trouvent, on en cherche, des chercheurs qui cherchent, on en trouve », disait le Général de Gaulle. Cela n’a pas changé : les influenceurs les plus recherchés sont ceux qui ont avec le réel une relation intermittente…


CNRS, un sigle si prestigieux qu’il est déposé à l’INPI[1]

C’est l’acronyme de « centre national de la recherche scientifique ». De ce dernier terme provient l’attente du public pour des chercheurs à la rigueur scientifique.

Las… François Burgat, qui se présente toujours sous cette AOC, bien qu’il soit à la retraite, y était directeur de recherches, chercheur de chercheurs, en quelque sorte. Ses recherches l’ont amené à l’IREMAM, qui se concentre sur le MAM, le monde arabe et musulman. Au nombre de ses distinctions académiques figure aussi la présidence du Conseil scientifique et administratif du Centre arabe de recherches et d’études politiques.

Burgat est à la même distance de la rigueur scientifique que le rap des ballades médiévales.

Sa dernière trouvaille originale est le respect et la considération pour le meurtre et la barbarie : « J’ai infiniment, je dis bien infiniment plus de respect et de considération pour les dirigeants du Hamas que pour ceux de l’État d’Israël[2] ». Cette précision, au cas où on le créditerait d’un sens moral, celui des ploucs binaires, qui ne distinguent que le bien et le mal.

Las et re-las ! Burgat a fait de la charia sa Bible et du Monde et du New York Times, la boussole de ses jugements : tout ce que dit ou fait un musulman est au zénith, tout ce que dit ou fait un Juif ou l’État juif est à l’ouest. À défaut de science, il y a là de la rigueur.

Il n’est pas interdit de préférer Céline à Chateaubriand

La sagesse populaire estime que chacun est libre de ses goûts et de ses couleurs. Pour autant, cela ne rend pas libre d’infliger des coups et des douleurs à autrui.

Ce n’est pas l’amour de Burgat pour l’islam qui est aveugle, c’est sa haine d’Israël. Ci-gît la raison qui lui fait citer Sulaiman Ahmed, un cyber-militant du Hamas, qui se définit sur X comme « Journaliste d’investigation, titulaire d’une maîtrise de philosophie, d’un CAPES de maths et d’une licence en droit » et qui transforme l’auto-glorification du Hamas pour les crimes commis et filmés par ses troupes contre des hommes, des femmes et des enfants en « allégations », voire en  « une tentative sioniste de diaboliser la résistance et de justifier les crimes de guerre, le génocide et le nettoyage ethnique[3] ».

A lire aussi, Gil Mihaely: Frappe à Beyrouth: «L’absence de réaction officielle israélienne permet au Hezbollah de « modérer » son discours»

Traduction : les 1 200 victimes se sont suicidées, auto-mutilées, auto-violées et auto-torturées afin de donner prétexte à « Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom » (Voldemort ou l’entité sioniste, au choix) de perpétrer un génocide contre une population ontologiquement  innocente.

François Burgat n’a aucun respect pour un État de droit qui considère la protection de sa population comme une priorité. En revanche, des leaders qui vivent dans le luxe au Qatar et qui envoient leurs séides tuer des civils en se protégeant derrière un bouclier humain composé de leur propre population ont droit à toute sa considération pour « la virilité et l’honneur » du pogrome du 7 octobre.

Aymenn Jawad Al-Tamimi est l’anti François Burgat

Irakien vivant en Grande-Bretagne, traducteur et rédacteur en arabe, il est aussi contributeur du Middle East Forum et fondateur d’une lettre d’information indépendante[4].

M. Al-Tamimi sur Al Jazzera (image d’archives).

Al-Tamimi ne se sent pas obligé d’absoudre systématiquement ses coreligionnaires, pas plus qu’il ne donne raison au plus fort ou au plus sadique. À preuve, au lieu de reprendre in extenso les propos du porte-parole de l’État islamique, Abu Hudhayfa al-Ansari, au sujet de la guerre de représailles israélienne contre le pogrome du 7 octobre, il l’analyse à la lumière de la sourate 2:191, « Et tuez-les où que vous les trouviez ».

Fort de cet éclairage, explique-t-il, on voit que l’État islamique considère le conflit opposant le Hamas à Tsahal comme « une guerre religieuse contre les Juifs, et non une guerre de libération visant à établir une patrie nationale[5] ». D’ailleurs, les mouvements nationalistes alignés « sur l’axe plus large de la « résistance » utilisé par l’Iran comme un projet expansionniste chiite, n’est pas moins dangereux, sinon plus, pour l’islam et les musulmans que l’État d’Israël ». Et last but not least, « les divers gouvernements arabes sunnites sont des « apostats » qui font partie de l’alliance juive « croisée » contre l’islam », que l’on n’a pas encore réussi à vaincre parce que pour y parvenir,« la forme correcte du djihad est celle que l’État islamique poursuit pour établir le règne de la loi de Dieu et combattre tous les mécréants. »

Aymenn Jawad Al-Tamimi a trouvé ridicule d’accuser Israël de l’attentat qui a fait une centaine de morts lors de la célébration du quatrième anniversaire de l’assassinat par les États-Unis du commandant de la Force Quds (Corps des gardiens iraniens de la révolution islamique), Qasim Sulaymani. Ce n’est pas le modus operandi des forces israéliennes, qui procèdent plutôt « à des assassinats soigneusement ciblés pour atteindre des objectifs spécifiques tels que l’affaiblissement du programme nucléaire iranien ». Alors que ces deux attentats-suicide s’inscrivent plutôt, d’après lui, dans l’Intrafada, cette guerre civile intracommunautaire, qui s’attaque à tous ceux qui ne partagent pas le « programme politique rigide » de l’État islamique, visant à reconstruire un califat et à l’étendre à la Terre entière.

Le Hamas est plus malin que Daech: il joint l’agréable à l’utile

Le 7 octobre, le « Mouvement de résistance islamique » avait en effet donné à ses troupes des ordres précis, comme l’ont avoué les terroristes interrogés par l’armée israélienne : « Le plan consistait à aller de maison en maison, de pièce en pièce, à lancer des grenades et à tuer tout le monde, y compris les femmes et les enfants. Le Hamas nous a ordonné d’écraser leurs têtes et de les couper, [et] de couper leurs jambes.[6] »

Le plaisir de se comporter avec un sadisme poussé aux extrêmes a mieux réussi que l’utile, consistant à instiller chez l’ennemi une terreur maximale. La terreur, elle, a été renvoyée en boomerang à l’expéditeur, qui a compris le message, si l’on en juge par la fuite éperdue d’Ismail Haniyeh, Mousa Abu Marzook et Khaled Mashal du Qatar vers l’Algérie dont nous avons parlé ici même[7].


[1] Institut national de la propriété industrielle.

[2] www.lefigaro.fr/international/le-chercheur-du-cnrs-francois-burgat-affirme-avoir-du-respect-et-de-la-consideration-pour-les-dirigeants-du-hamas-20240104

[3] https://twitter.com/ShaykhSulaiman/status/1741554155259347169

[4] aymennaltamimi.substack.com

[5] www.meforum.org/65416/the-islamic-state-claims-suicide-bombings-in-iran

[6] www.timesofisrael.com/kill-behead-rape-interrogated-hamas-members-detail-atrocities-against-civilians/

[7]  www.causeur.fr/quelle-nouvelle-villegiature-pour-les-grands-chefs-du-hamas-271989




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essayiste, conférencière, traductrice, auteur de plus de 30 ouvrages, dont plusieurs sur les conflits du Moyen-Orient

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