Quelques jours après l’attaque du 7 octobre, le président de Reconquête s’est rendu en Israël où il a constaté, bouleversé, l’étendue des massacres. Quels sont les devoirs, mais aussi les intérêts de la France dans cette épreuve? Éric Zemmour en est convaincu : elle doit être à la pointe du réarmement de l’Occident.
Relire la première partie.
Causeur. L’un des piliers de la civilisation judéo-chrétienne, l’Église catholique, se range aussi dans le camp de nos adversaires. Sans même parler des positions du pape François, les évêques de France viennent de se prononcer pour la création d’un État palestinien. On sent d’ailleurs dans certains milieux cathos un certain tropisme arabe.
Éric Zemmour. Depuis longtemps, les positions du pape sur la question migratoire montrent qu’il a pris acte de l’islamisation de l’Europe. Et ça n’a pas l’air de le déranger, comme si c’était le prix à payer pour la déchristianisation de l’Europe. Cela dit, ni le pape ni l’Église de France ne représentent les catholiques. Ces institutions sont encore marquées par les débats des années 1960-1970 quand l’Église voulait absolument être plus à gauche que le Parti communiste. Ces gens-là ont toute leur place dans la gauche et dans le peuple islamo-gauchiste qui suit Mélenchon. Ce qui est nouveau en revanche, c’est qu’il y a un jeune peuple catholique qui a conscience d’être devenu une minorité en France et en Europe, qui se situe politiquement aux antipodes de ses aînés soixante-huitards et du pape et qui veut se battre pour son pays. La preuve, beaucoup ont voté pour moi en 2022.
Quoi qu’il en soit, on ne peut pas obliger les autres à adopter nos valeurs et nos mœurs même si nous les jugeons meilleures.
L’Occident est faible, parce qu’il croit garder l’ancien discours mondialiste et universaliste tout en ayant perdu les attributs de sa puissance qui lui avaient permis de dominer le monde. Je note d’ailleurs que l’Occident s’ouvre à un multiculturalisme destructeur quand les autres civilisations, et en particulier, l’arabo-musulmane, se ferment à toutes les populations qui vivaient jadis sur leur sol : il n’y a quasiment plus de juifs et de chrétiens dans le monde arabe. Comme Dominique de Villepin, je refuse l’« occidentalisme » ; je ne crois pas que l’Occident puisse ou doive imposer savision du monde et la démocratie au monde entier. Je me contente de dire, et c’est déjà énorme, que l’Occident doit redevenir l’Occident et faire comme les autres civilisations : renouer avec sa propre identité – notamment le culte du savoir, du mérite, de l’intelligence, de la famille, le rapport à la femme. Ce qui suppose de se battre sur deux fronts : contre les autres civilisations qui veulent l’écraser pour se venger, et contre les woke qui veulent détruire la civilisation occidentale de l’intérieur. Je penseque la France doit être l’avant-garde de la ré-occidentalisation de l’Occident. Qu’est-ce que c’est, la France ? Les croisés et les soldats de l’An II, répondait Malraux.
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Sauf qu’il y a chez les souverainistes français un réflexe anti-américain qui s’oppose à votre rêve occidental…
Mais je suis un souverainiste français ! La civilisation occidentale n’est pas un rêve : elle a mille cinq cents ans d’histoire et elle a eu des patrons différents selon les époques – l’Espagne de Charles Quint, la France de Louis XIV et de Napoléon, l’Angleterre, puis aujourd’hui les États-Unis. Napoléon se voulait l’empereur d’Occident : était-il soumis aux États-Unis ? Être occidental ne veut pas dire se soumettre en tout aux patrons du jour. J’en veux aux Américains de l’extraterritorialité de leur droit, de leur ingérence, de leurs leçons de morale, je vais même vous dire : j’en veux encore aux Anglais d’avoir battu Napoléon, mais ça ne m’empêche pas de comprendre qu’aujourd’hui, nous avons les mêmes ennemis et sommes confrontés au même danger de disparition.
Peut-être, mais nombre de vos partisans admirent surtout Poutine…
Parce que pendant des années, Poutine a voulu parler aux Occidentaux qui déploraient la décadence de l’Occident. Dans la sphère orthodoxe aussi, nous voyons ressurgir la vieille grammaire des civilisations, le conflit entre Rome et Byzance qui avait été recouvert, mais pas effacé, par l’opposition idéologique de la guerre froide. Depuis des siècles, la Russie se considère agressée par l’Occident, et l’Occident se considère agressé par la Russie. En vérité, les deux ont raison. Je n’approuve pas Poutine, je dis simplement que pour lui, il s’agit d’un conflit inexpiable : il n’acceptera jamais l’occidentalisation de l’Ukraine, qui a le malheur d’être à l’épicentre de la frontière civilisationnelle.
Résumons : contrairement à ceux qui pensent que nous devons défendre l’Occident de Kiev à Sdérot, vous pensez que se joue en Ukraine un conflit de civilisations qui se superpose au conflit principal Islam/Occident sans se confondre avec lui.
Il y a plusieurs civilisations et donc plusieurs conflits. Je ne crois ni à l’opposition entre les régimes, démocratique et autoritaire, ni à celui qui opposerait le Sud global au seul Occident. En tout cas, les Occidentaux doivent tout faire pour séparer les autres civilisations, et même tout faire pour trouver, au sein de chacune des civilisations, des pays qui pourraient être nos alliés. Le conflit de civilisations n’efface nullement les stratégies, les intérêts des nations qui les composent. La France est bien placée pour jouer ce rôle-là.
Quel rôle doit-elle jouer dans la ré-occidentalisation de l’Occident ?
Le même que depuis mille ans : « La France, hier soldat de Dieu sera toujours le soldat de l’idéal », comme disait Clemenceau. La France, machine à réfléchir, à penser, manieuse de mots et d’idées peut parfaitement réarmer l’Occident moralement. Vous allez me dire que la France n’est plus ce qu’elle était, que l’école s’est effondrée. Tout se refait. C’est mon objectif politique fondamental : refaire des Français. Pour refaire la France.
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Pour l’instant, on a surtout fabriqué des légions de Français qui n’aiment pas la France. Ce qui nous amène à Crépol. La mort de Thomas, assassiné par des racailles qui voulaient « planter du Blanc », est-elle aussi une manifestation de la guerre de civilisations ? Peut-on tirer un trait de Kfar Aza à Crépol ?
Oui. C’est la même guerre de civilisations qui brûle Kfar Aza et Crépol, Marseille et Stockholm, Londres et Berlin, qui arme les terroristes du Hamas ou du Bataclan, comme les innombrables attaques au couteau, viols, meurtres, ce « continuum de violences », pour parler comme les féministes, qui est l’essence même du « djihad du quotidien » qui embrase toute l’Europe.
Le bien le plus précieux de la France des villages, c’était ce doux sentiment de sécurité. Comme le 7 octobre en Israël, Crépol marque-t-il un basculement en France ?
Depuis des décennies, les Français croient qu’ils pourront échapper aux ravages de l’islamisation en fuyant les terres envahies par l’immigration arabo-musulmane. Ils ont quitté les banlieues, puis se sont enfoncés dans des terres de plus en plus éloignées des métropoles, quitte à faire des dizaines de kilomètres par jour pour aller travailler. Le déferlement migratoire, mais aussi les conséquences de la loi SRU – qui oblige tous les maires à construire des logements sociaux dans leur commune et dont j’étais le seul candidat à la présidentielle à réclamer l’abolition – les ont rattrapés. Je le dis solennellement aux Français : il n’y aura pas de solution individuelle ; ils pourront partir au fin fond de la France, ils ne sont pas tranquilles tant que nous ne renversons pas la table. La solution est politique.
Que la gauche et les médias tentent de camoufler la réalité, c’est habituel. Mais là, il y a eu en plus une incroyable mobilisation du pouvoir pour nous empêcher de savoir ce que nous savions déjà (en censurant les noms des suspects). Pourquoi cet acharnement dérisoire ?
L’idéologie totalitaire de la diversité repose sur le mensonge et l’intimidation, la répression judiciaire et la censure. Je note d’ailleurs avec un brin d’ironie que ce sont des prénoms coraniques que l’on dissimule, alors que toute la classe politique et médiatique m’avait affirmé que les prénoms d’une personne ne signifiaient rien de son identité. Mais je note surtout un fantastique motif d’espoir : tout le monde avait compris ce que le pouvoir voulait cacher. Le peuple français est lucide. Sans bénéficier de la moindre information, puisque tout était caché, les Français savaient. Ils savaient d’où venait le gang qui a tué Thomas. Ils savaient où se situaient les agresseurs, et où se situaient les victimes. Il a fallu une semaine pour que le pouvoir et les médias finissent par admettre, toujours à demi-mot, que les Français avaient raison.
La Macronie honore la mémoire de Nahel plutôt que celle de Thomas, appelle à la décence des gens qui marchent en silence plutôt que des émeutiers. Faut-il en conclure qu’entre les deux peuples qui coexistent en France, Emmanuel Macron a choisi le plus récent – et le plus jeune ?
Emmanuel Macron a peur. Peur de ce qu’il a découvert : il est le président de deux peuples. Peur d’émeutes, peur d’être le président de la guerre civile. Toute son attitude est dictée par cette peur panique.
La France, dites-vous, doit être un manieur de mots. Mais dans nos belles provinces, on en a assez des mots, des bougies, des discours. Aujourd’hui, la colère s’exprime dignement, elle appelle à la justice. Mais y a-t-il un risque de violences aveugles contre des Arabes comme à Dublin ? Que faire pour l’empêcher ?
Ce risque existe évidemment. On l’a vu d’ailleurs à Romans, le soir même où – la charge symbolique est cruelle – Gérard Collomb mourait, ce même Gérard Collomb qui, en quittant son ministère de la place Beauvau, avait prophétisé que les populations qui vivaient encore « côte à côte » seraient demain « face à face ». Que faire pour l’empêcher ? La réponse est simple. La légitimité historique de l’État repose sur la protection qu’il assure à tous ses citoyens. En échange de la paix publique, les individus renoncent à se protéger, à s’armer et à se faire justice eux-mêmes. À partir du moment où l’État ne protège plus les habitants d’un pays, ceux-ci sont tentés de reprendre leur liberté de se défendre eux-mêmes pour mieux protéger leur famille et leurs proches. Il faut donc que la justice cesse d’être faible et laxiste, qu’elle punisse sévèrement le moindre délit, que les étrangers coupables de délits et crimes soient expulsés du territoire, que l’invasion migratoire soit endiguée.
Si l’heure est aussi grave, n’est-il pas temps de vous concentrer sur ce qui vous rapproche du RN plutôt que sur ce qui vous en sépare ? Après tout, s’il s’agit de lutter contre l’islamisation et d’arrêter l’immigration, quelle importance qu’on appelle ou non cela guerre des civilisations ?
La politique, selon moi, ce n’est pas suivre les sondages ou monter des petits coups tactiques ; c’est mettre des mots sur des situations historiques pour les expliquer, les éclairer et tenter de les régler. Comme en médecine, le diagnostic précède le traitement ; si le diagnostic n’est pas le bon, c’est-à-dire si les mots ne sont pas les bons, le traitement ne sera pas efficace. C’est d’ailleurs pour cette raison que la gauche prend toujours soin d’imposer ses mots dans le débat public, pour mieux imposer son idéologie. Comme le conseillait Lénine à ses ouailles : « Faites leur manger le mot, vous leur ferez avaler la chose. » À LFI, il existe un « comité des mots » qui se réunit pour choisir le vocabulaire qui sera privilégié par ses membres dans le débat public.
Manifestement, Marine Le Pen a jugé que cette distinction entre nous était importante puisqu’elle a décidé de m’attaquer il y a quelques jours en affirmant péremptoirement que contrairement à moi, elle ne croit aucunement à la « guerre de civilisations ». Elle ajoute qu’à ses yeux, « l’islam est compatible avec la République ». Je crois exactement l’inverse. Cela ne signifie pas que des musulmans qui veulent devenir français, adopter nos mœurs, nos règles mais aussi nos ancêtres et notre passé, ne le pourraient pas. Encore faut-il qu’ils acceptent d’adapter leurs pratiques et d’observer une certaine discrétion accordée à l’esprit français. Je ne sais pas combien sont prêts à faire cet aggiornamento, mais à ceux-là, je tends une main fraternelle.
Vous conviendrez que cette différence d’appréciation sur la nature de l’islam n’est pas un désaccord de pacotille et encore moins une affaire personnelle : elle a le droit de m’attaquer sur le fond, je ne m’en offusque pas. S’il n’y a pas de guerre de civilisations, la délinquance des racailles issues de l’immigration est uniquement une affaire sécuritaire ; et aucune considération ethnique ou religieuse ou civilisationnelle n’anime cette violence. Je ne le crois pas. Si on ne comprend pas cela, on ne pourra pas l’endiguer avec efficacité. Quand on parle comme le système, on agit comme le système. Ce qui explique par exemple que Marine Le Pen affirmait en juillet dernier, après les émeutes urbaines, qu’elle « ne ferait rien » contre les émeutiers et « assumerait les erreurs de ses prédécesseurs », tandis que je réclamais leur déchéance de la nationalité française.
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Qu’est-ce qui prouve, selon vous, que l’islam est incompatible avec la République ?
Raisonnons a contrario. Si l’islam est compatible avec la République, pourquoi interdire le voile dans l’espace public ? Pourquoi s’offusquer de ces femmes qui ne veulent pas se faire soigner par des médecins de sexe masculin ? De ces musulmans qui refusent de serrer la main des femmes ? De ces tapis de prière dans les entreprises, dans les écoles ? Des homosexuels qui sont insultés, menacés tabassés, dans les enclaves étrangères ? De ces prêches d’imams qui appellent à tuer les juifs et chrétiens ? Tout cela se trouve dans le Coran ou les hadits, récits de la vie du prophète Mahomet « exemple parfait » à suivre, même lorsqu’il égorge des tribus juives rebelles ou des poètes irrévérencieux. Pourquoi, surtout, s’inquiéter de l’installation de millions de musulmans en France, si leur religion est compatible avec notre pays ? Les autres prétendent lutter contre l’immigration, mais ne donnent aucune justification culturelle à cette politique ; moi, je lutte contre l’islamisation de la France et de l’Europe. Il est essentiel que quelqu’un mène ce combat.
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