Le rectorat de Paris entend fermer certaines classes préparatoires parisiennes à la rentrée 2024. Cette décision concernant l’un des derniers bastions de la méritocratie suscite incompréhension et inquiétude…
Le verdict est tombé le 13 novembre dernier : quatre classes préparatoires parisiennes (CPGE) sont menacées d’être fermées à la prochaine rentrée sous prétexte qu’elles ne se seraient pas assez attractives et trop coûteuses. Parmi ces classes, deux prépas littéraires, l’hypokhâgne de Lamartine (IXe) et une khâgne de Chaptal (XVIIe), qui pourtant attirent de plus en plus d’élèves depuis des années. Comme le rapporte la pétition lancée par des élèves et professeurs du Lycée Lamartine et du Lycée Chaptal, signée par presque 10 000 personnes, les candidatures Parcoursup augmentent très fortement et le nombre d’inscrits en classes préparatoires littéraires est en hausse de +1,2%. Pourquoi le recteur de l’académie de Paris s’acharne-t-il alors à fermer ces classes réputées pour leur exigence et leur réussite ?
Un fleuron français
Loin d’être anecdotique, cette décision s’inscrit dans une entreprise plus globale qui vise à remettre en cause la légitimité des classes préparatoires, soupçonnées d’être coûteuses et élitistes. Contrairement aux idées reçues, les classes préparatoires sont gratuites, ouvertes aux bacheliers de toutes origines, et accueillent un nombre important d’élèves boursiers : le recrutement dans ces filières d’excellence ne se fait pas sur l’indice de position sociale (IPS) mais uniquement sur les résultats scolaires. Qu’il s’agisse des grands lycées parisiens ou des « petites » mais non moins prestigieuses prépas, cette « singularité française » reste l’un des derniers fleurons de l’École de l’excellence et de la méritocratie. Élitiste ? Oui, mais au sens de l’élitisme républicain qui permet aux meilleurs, d’où qu’ils viennent, d’accéder aux plus hautes fonctions. Coûteux ? Un étudiant de classe préparatoire coûte un peu plus qu’un étudiant à l’Université, mais cette formation exigeante et rigoureuse, qu’il intègre ou non une grande école, le mènera au bout de son cursus et lui assurera de trouver un travail. La classe préparatoire est donc un bon investissement pour l’État !
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Aujourd’hui, l’ascenseur social est en panne depuis des décennies : de fait, nombre d’élèves issus de milieux modestes ont moins de chances de s’inscrire en prépas et d’accéder aux grandes écoles. Si l’Ecole est devenue un système de reproduction sociale, de plus en plus inégalitaire, ce n’est pas pour les raisons invoquées par ces démagogues qui rêvent de voir disparaître les classes préparatoires et les concours en général. C’est parce que l’Ecole ne remplit plus sa mission de promotion par le mérite et l’excellence. C’est dès l’école primaire qu’il faut permettre à chacun de donner le meilleur de lui-même, partout sur le territoire national, grâce à un enseignement aussi exigeant dans un établissement rural, qu’en banlieue ou en centre-ville. C’est le renoncement à cette exigence qui a disparu, faisant pour premières victimes les enfants qui n’ont pour patrimoine que le savoir et la culture offerts par l’École. Beaucoup de beaux potentiels se voient abandonnés et assignés à résidence, faute d’avoir fréquenté le bon établissement et d’avoir été repérés par des professeurs compétents.
Mais que va faire le sémillant Monsieur Attal?
Au lieu d’encourager ce que notre système produit de meilleur, les élites ont trouvé dans les classes prépas un bouc émissaire idéal. Alors qu’elles sont elles-mêmes, pour une bonne part, issues des grandes écoles (ENS, ENA, Polytechnique, Science Po), ces élites accusent sans mal ces filières d’excellence de tous les maux. Depuis Vincent Peillon et Najat Vallaud-Belkacem, les ministres de l’Education nationale ont intégré l’idée que, pour rendre l’école égalitaire, il fallait abattre ce dernier bastion d’élitisme, devenu injustifiable à leurs yeux. Comble de cynisme et d’égoïsme d’avoir bénéficié d’une formation d’excellence et d’en priver les générations à venir !
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Reste à savoir ce que va faire M. Attal, notre sémillant ministre de l’Education nationale, lui qui s’est toujours présenté comme le défenseur d’une école de l’exigence. Il a annoncé une série de mesures destinées à remettre le savoir au centre de l’enseignement. Mais il n’a encore pas contredit l’annonce faite par le rectorat de fermer des classes prépas parisiennes, malgré les appels lancés par plusieurs associations d’élèves et de professeurs de classes préparatoires. Nous avons là une formidable occasion de juger l’homme à ses actes : Gabriel Attal sera-t-il le réformateur de l’école républicaine, qu’il prétend être, en sauvegardent ce qu’elle produit de meilleur ? Ou bien va-t-il laisser entériner l’effondrement de notre système éducatif ? Ce qui est certain, c’est que cette affaire est révélatrice de la façon dont le gouvernement, par le rectorat, entend cacher l’effondrement de notre École en s’attaquant à ce qu’elle a de meilleur. Derrière la menace de suppression de certaines classes, c’est tout le système des classes préparatoires qui se trouve visé, dernier vestige de la méritocratie qui a fait le prestige et le rayonnement de notre école.
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