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S.Pa pétillant

Le curieux départ de Conner Rousseau


S.Pa pétillant
Le socialiste belge Conner Rousseau photographié à Bruxelles le 25 septembre 2023 © Shutterstock/SIPA

En Belgique, le socialiste Conner Rousseau a présenté aujourd’hui sa démission en tant que député flamand, avec effet immédiat. L’étoile de la gauche flamande avait tenu des propos que l’on pourrait qualifier de « controversés » lors d’une soirée arrosée, mais il pouvait se prévaloir d’avoir fait du vieux Parti Socialiste flamand – renommé « Vooruit » – la troisième formation de la région, et d’avoir décroché deux ministères en 2020.


Connaissez-vous le S.Pa ? C’était l’acronyme approximatif de Socialistische Partij. Pour ceux de nos lecteurs particulièrement rétifs aux langues germaniques en général et au néerlandais en particulier, Socialistische Partij signifiait Parti Socialiste.

Habiles contorsions

Mais à l’instar de bien des contrées européennes, la Flandre n’échappait pas, jusqu’il y a peu, à un désintérêt très marqué pour le socialisme et le S.Pa ne pétillait plus guère. C’est alors qu’apparut l’homme providentiel, fruit d’un institut de sondage et d’un algorithme, jeune et télégénique, chouchou des médias et des belles-mères en puissance, Conner Rousseau ! Sa belle gueule et lui furent élus à la présidence du moribond S.Pa en 2019.

Il est probable que ce jeune loup aux dents de lait s’inspirait de la France où, de « Reconquête » à « La France insoumise » en passant par « Renaissance », les noms des partis politiques évoquent plutôt des titres de séries Netflix. En tout cas, il transforma l’antique « Socialistische Partij » en fringant « Vooruit », qui signifie « En avant ». Et ce n’était que le début de la mutation du vieux pachyderme car l’aérodynamique Conner Rousseau le rapprocha des autres formations, y compris wallonnes, et même de la droite flamingante. Ces très habiles contorsions, applaudies de toutes parts, redonnèrent à son parti une vraie place sur l’échiquier politique où « Vooruit » pouvait se prévaloir d’être dorénavant la troisième formation en Flandre. Mieux encore, il décrocha deux ministères pour son parti lors de la formation du gouvernement belge en 2020.

Hélas, tel un tir des Diables Rouges, ce magnifique ballon se fracassa contre le poteau, un soir de septembre dernier. Car sortant d’un bar de la charmante cité de Saint-Nicolas et visiblement aviné, Conner Rousseau a apostrophé une patrouille de police pour leur dire que « ces Roms ou autres gitans sont là chaque putain de jour avec leur friteuse et leurs matelas à proximité de la bulle à verre. Vraiment, ces Roms, il faut s’en débarrasser. On ne peut pas déconner avec ces gars-là… ». Il aurait en outre jugé pertinent d’expliquer aux pandores que l’ensemble de son immeuble était raciste et qu’il « comprenait cela »« Il faut être honnête. Ce sont toujours ces hommes basanés… D’après moi, vous devriez vous attaquer à eux plus durement. Vous devriez utiliser votre matraque beaucoup plus souvent. Je ne peux pas dégager toutes ces racailles basanées. » Les flics étant équipés de caméra, cette mercuriale n’était sans doute pas très subtile.

Une décision personnelle

Quelques semaines plus tard, le quotidien Het Niewsblad se fit l’écho de ces propos. Depuis, la presse belge rappelle que l’étoile montante de la gauche flamande n’en est pas à son premier dérapage et avait, lors d’un passage à Molenbeek que l’on ne présente plus, affirmé que « quand j’y roule en voiture, moi non plus je ne me sens pas en Belgique ! ». De quoi effaroucher nos journalistes bien-pensants et leur tendre auditoire !

N’écoutant que les intérêts de son parti, et peut-être aussi une furieuse envie d’envoyer valdinguer le brouet woke qui nous opprime tous, Conner Rousseau démissionna de la présidence de « Vooruit ». C’est ballot, il venait d’y être désigné tête de liste pour les élections législatives belges de 2024 !

Mais ce retrait politique est une décision personnelle, pas une sanction du parti. Au contraire. « Je respecte ce choix, mais d’un autre côté, si on avait voté au bureau de parti aujourd’hui, 90% des membres auraient souhaité qu’il reste », confiait le député flamand Bruno Tobback. Pourquoi ? Tout simplement parce que les socialistes flamands, comme tout le personnel politique partout en Europe, semblent enfin comprendre que les électeurs sont à bout de patience, qu’ils n’en peuvent plus d’être gouvernés par des élus hors sol et qu’ils veulent que la réalité à laquelle les confronte leur quotidien soit prise en compte. Ce qu’a dit Conner Rousseau sous l’emprise de la boisson, c’est ce que soupirent bien des Belges sans trop oser le proclamer. C’est que l’immigration compassionnelle qui leur a été imposée se révèle d’une rare cruauté à leur égard. Et qu’ils ne veulent plus financer des gens qui dégradent leur vie et pourrissent celle de leurs enfants.

Tout porte donc à penser que le jeune premier n’a pas encore joué le dernier acte. 




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Romancière et scénariste belge, critique BD et chroniqueuse presse écrite et radio. Dernier roman: Sophonisbe.

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