Je l’avoue, je me sens un peu incommodée de manifester avec tous ces Tartuffes qui n’ont cessé de calomnier leurs contradicteurs. Mais j’irai, et sans pince à linge sur le nez.
Arrêtons de parler de sujets qui font voler les assiettes comme la guerre de Gaza, parce qu’aujourd’hui, c’est la journée de l’unité, c’est le président qui le dit. C’est la journée de l’antisémitisme et on est tous contre. C’est bien le problème. Il y a des salauds qui brisent ce grand moment de concorde en prétendant y participer. Les dirigeants du RN veulent défiler avec les autres. On en est là : le Rassemblement national veut combattre l’antisémitisme. Tout fout le camp !
On a donc assisté toute la semaine à un impayable revival des années 90, presque toute la classe politique tordant le nez à l’idée de défiler avec le parti de Marine Le Pen, dont on sait bien que c’est la même que son père. D’ailleurs si elle l’a viré, c’est pour mieux nous tromper, la fourbe.
C’est à celui qui sera le plus offusqué
Yaël Braun-Pivet et Gérard Larcher, partis mardi sur la ligne « pas d’exclusive », conforme à la volonté présidentielle de ne plus combattre « l’extrême droite avec des arguments moraux », tiennent moins de 24 heures. Le lendemain, Olivier Véran ouvre la danse, affirmant le RN n’a pas sa place dans cette marche – et signifiant implicitement que les « insoumis », en revanche, sont les bienvenus. Il vaut mieux avoir tort avec l’extrême gauche que raison avec l’extrême droite.
Dans la foulée, de la macronie aux « insoumis », élus et chefs à plumes font assaut de vocalises sur le thème « Je ne défile pas avec le RN ». Sans oublier le CRIF qui n’a toujours pas compris qu’il n’est pas le parti des juifs et qu’on se fiche de ses consignes de vote. Curieusement, ce chœur de vierges outragées oublie Zemmour, pourtant érigé en diable numéro un pendant la campagne – et qui a naturellement appelé ses troupes à défiler. Y aurait-il des limites au ridicule ?
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Dans ce brouhaha d’héroïsme de plateau, nul n’entend les sages propos de Serge Klasrsfeld, Pierre-Henri Tavoillot et même, il faut le saluer, de Pierre Moscovici. C’est à celui qui sera le plus offusqué. Le combat contre l’antisémitisme étant un excellent portage pour l’exhibition de vertu, ses actions montent en flèche à la bourse des bonnes causes. Même Mélenchon risque quelques trémolos.
La semaine s’achève en apothéose avec l’interview, dimanche, de Marine Tondelier par Ali Baddou qui, le week-end, fait du France Inter au carré sur France Inter1. Dans un numéro qui ressemble à un sketch de Raymond Devos, la patronne des Verts explique aux deux matinaliers énamourés qu’elle aurait aimé que la marche soit un grand moment d’unité mais que ce n’est pas possible… parce que le RN et Jordan Bardella ont annoncé leur venue. Ce qui brise l’unité c’est que Marine Le Pen se rallie à une cause nationale. Ce qui les enrage le plus, c’est que, sans même en faire des tonnes, l’intéressée refuse le rôle qui lui est assigné par le petit théâtre politique qui donne la même pièce depuis des lustres. N’en déplaise aux estomacs délicats, pour une manifestation comme celle d’aujourd’hui, il n’y a pas d’invitation. C’est comme à un enterrement : qui veut vient. Au lieu de s’agenouiller et de demander pardon, les élus du Rassemblement national défileront comme les autres. Ils ont bien raison.
En conséquence, les amusants résistants qui adorent papoter avec Médine marcheront, précise Tondelier, derrière une banderole dénonçant tous les racismes, métaphore à deux tonnes du cordon sanitaire. « On fait en sorte, avec le reste de la gauche, de garantir un cadre sain », ose-t-elle, sans susciter la moindre réaction des deux endormis. Le RN est une maladie qu’il convient de traiter. Ce que les partis convenables s’emploient à faire depuis quarante ans avec le succès que l’on sait.
Un aveuglement sidérant
Depuis plusieurs décennies, ils ont, par leurs bêlements immigrationnistes, favorisé l’islamisation de nombreux quartiers et la montée subséquente d’un antisémitisme et d’une homophobie décomplexés. Et pourtant, j’irai manifester avec eux.
Peut-être qu’au début beaucoup croyaient sincèrement que la bête immonde allait se réveiller en blonde. Après Merah, Charlie Hebdo et l’Hyper Casher, le 13-novembre et tant de morts du djhadisme sur le sol européen, leur aveuglement sidère. Reconnaître qu’ils se sont trompés serait sans doute douloureux. Nous payons tous le prix de ce déni qui nous a désarmés. Politiquement et intellectuellement.
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Nous ne sondons pas les reins et les cœurs. Si l’antisémitisme d’extrême droite perdure chez des individus, il ne s’affiche pas sur la place publique et ne casse pas la gueule aux gamins porteurs de kippa. Il ne se drape pas dans le drapeau palestinien. Obsédés par l’antisémitisme d’hier, les bonimenteurs du Bien ont refusé de voir celui d’aujourd’hui et insulté ceux qui le voyaient. Comme l’a écrit Eddy Royer dans Causeur, le sage montre l’islamisme et l’idiot regarde l’extrême droite. Pour un plat de lentilles électoral, ils se sont alliés avec le seul parti qui joue ouvertement avec la haine des juifs.
Et toute honte bue, ils continuent à faire leurs chochottes !
Je l’avoue, je me sens un peu incommodée de manifester avec tous ces Tartuffes qui n’ont cessé de calomnier leurs contradicteurs. Mais j’irai, et sans pince à linge sur le nez. Parce qu’il y aura des milliers de mes compatriotes de toutes origines qui refusent de laisser le pays à des petites frappes malfaisantes.
Reste une question à laquelle le pavé parisien n’apportera pas de réponse. Le président promet de « ramener l’antisémitisme à la seule place qui doit être la sienne : devant les tribunaux et derrière les barreaux ». On aimerait savoir comment il compte le désimplanter des cerveaux.
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