Alors que les sénateurs votaient hier une loi pour encadrer la détestable « écriture inclusive », le président Macron a fait mine d’exalter notre langue en inaugurant la Cité internationale de la langue française…
Le château s’appelait Mon Plaisir. Il est situé dans l’Aisne. François Ier y venait souvent. C’était un rendez-vous de chasse. C’est là qu’il signa, en 1539, l’Ordonnance de Villers-Cotterêts, premier texte politique toujours en vigueur, qui fonde l’unité du royaume sur la langue française. De ce château tombé en ruines, Macron décida de faire le fleuron de son règne, en le restaurant. Ce « rêve fou » qui coûta 210 millions d’euros, cette « utopie devenue réalité par la force de la volonté », s’appelle donc désormais la Cité internationale de la langue française. Le président Macron l’inaugura hier.
Le président attendu sur l’écriture inclusive
Ne boudons pas notre plaisir à l’écoute d’un discours qui rappela que notre langue est le ciment de notre nation et caractérisa son génie. Attendu sur l’écriture inclusive, le président la « tacla » comme dirent aussitôt les médias, tout en rappelant la nécessité des fondamentaux, de la dictée et de l’apprentissage de l’orthographe, de la grammaire et de la syntaxe. Nul doute que le nouveau ministre de l’Education nationale, Gabriel Attal, très attentif, en fera son miel toutes fleurs. De cela on ne peut que féliciter l’orateur même si le problème de l’inclusive qui gangrène notre langue ne se contentera pas de la remarque du prince sur le caractère non discriminant du genre grammatical : ce serait oublier la circulaire Blanquer et la déclaration d’Edouard Philippe restées, en leur temps, sans effet. Alors que la solution pourtant en est simple : faire appliquer l’ordonnance !
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Le discours développa ensuite les lieux communs de la francophonie d’une langue ouverte sur la vocation « à se répandre » dans le temps et l’espace, capable de relever les défis linguistiques de la modernité, en particulier ceux posés par l’IA. C’est là que Macron dégaina une autre ordonnance, celle de Montpellier, faite toute exprès pour notre temps, en 1537, par François Ier ! (Le lecteur ira voir). Tout était donc pour le mieux dans le meilleur des mondes français et francophone possible, dans ce lieu d’exception qui accueillerait les professeurs, les écoliers, les artistes, les traducteurs et qui ne manquerait pas d’attirer le monde entier en devenant « un lieu où on penserait les mots » : un lieu d’attractions et de rencontres. Enfilant des perles, Macron tenait les auditeurs sous son charme tout en rappelant aux crispés que le français n’était pas une langue repliée sur elle-même mais une langue qui n’hésite pas à prendre son bien dans les autres langues, même à leur « voler » des mots. Non pas hégémonique mais destinée à vivre avec les autres avec, pour horizon, le métissage cher à Erik Orsenna. Et Emmanuel Macron d’élargir son rêve devenu réalité, grâce aux traductions d’un Balzac en arabe, pour le bonheur de lecteurs inconnus. Nous étions revenus au bon vieux temps de Senghor. Une époque où notre langue était aimée, libre, vivace, féconde, et la francophonie respectée et encouragée. Une époque où l’anglais ne colonisait pas notre espace public et nos institutions, en violation constante de la loi Toubon. Une époque où le président d’une puissance non anglophone ne s’exprimait pas, à l’étranger, régulièrement en anglais.
Une longue liste de forfaitures
Sur le site CERMF, dirigé par Ilyes Zouari, auteur d’un dictionnaire de la francophonie, on peut lire un article prouvant, en douze points, l’hostilité inédite des autorités françaises vis-à-vis de la francophonie, depuis 20071 : l’anglicisation planifiée de la langue, sa soumission à l’atlantisme et aux européistes. Que ce soit les titres uniquement en anglais, One Ocean Sumnit (Brest, février 2022) et le Forum de Paris sur la paix (novembre 2022) où fut interdit l’usage du français, ou encore le site gouvernemental Make our Planet great again (2017) avec interdiction du site en français, la création d’un Parquet et d’une Cour des compte européens en anglais, la correspondance, en anglais, entre le gouvernement français et l’UE, l’usage croissant de l’anglais en Afrique francophone sans traduction française… Citer toutes ces forfaitures serait trop long.
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Face à ces réalités accablantes, le discours du président Macron a été entendu par certains comme un « tombeau littéraire ». Ou bien un Requiem. Une pavane pour une infante défunte. Laissons plutôt le dernier mot à un Académicien devenu— quel bonheur !— bien frondeur, qui, dans le Figaro Vox du 30 octobre, a qualifié Macron de « Tartuffe de la langue française à Villers-Cotterêts-City »2. Pour mémoire, rappelons que c’est en ce château que Molière fit représenter son Tartuffe pour la première fois.
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- https://www.cermf.org/langue-francaise-lhostilite-de-la-france-a-legard-de-la-francophonie-en-12-points-ahurissants-sous-emmanuel-macron ↩︎
- https://www.lefigaro.fr/vox/culture/jean-marie-rouart-emmanuel-macron-tartuffe-de-la-langue-francaise-a-villers-cotterets-city-20231022 ↩︎
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