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Massenet immortalise Cendrillon

Sous la plume du librettiste Henri Cain, Cendrillon n’a plus rien d’un conte pour enfants...


Massenet immortalise Cendrillon
Cendrillon 2023-2024 © Elisa Haberer - Opéra national de Paris

Cendrillon, à l’Opéra Bastille, le 29 octobre, puis les 1, 4, 7, 10, 14 et 16 novembre. Une distribution pas intégralement féérique, mais reste l’enchantement de la musique de Massenet, intact.


Le compositeur du Roi de Lahore (1877), de Manon (1884), de Werther (1892), de Thaïs (1894) a moins de quinze ans à vivre lorsque, pour l’Opéra-Comique de Paris, il compose Cendrillon, au crépuscule du XIXème siècle, d’après le conte de Charles Perrault. Avec Cendrillon, nous ne sommes plus du tout dans le bel canto rossinien (cf. La Cerenentola, ce dramma giocoso millésimé 1817, dont le spectacle vient de triompher ce mois-ci au Théâtre des Champs-Elysées), mais dans les volutes ultra raffinées du « grand opéra » à la française, pastichant plus ou moins la musique du XVIIIème siècle – ainsi que le fera quelques années plus tard Richard Strauss, pour camper en travesti le jeune Octavian du Chevalier à la Rose. Jules Massenet, à 57 ans, est au sommet de son langage mélodique.

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L’Opéra Bastille reprend donc, pour sept représentations encore, une production millésimée 2022, dans une mise en scène de Marianne Clément (costumes et décors signés Julia Hansen) qui renvoie à l’âge industriel et à ses usines, à ses filatures aux rouages compliqués, aux architectures de fer et aux resplendissantes verrières arborées de palmiers, dans l’âge d’or des expositions universelles. Mais aussi à la naissance du cinéma et aux fantasmagories de Méliès. La transposition du conte dans l’époque de la fée-électricité, en raccord avec la date de création de l’opéra (1899), fonctionne très bien sur le plan plastique. Sous la plume du librettiste Henri Cain, Cendrillon n’a plus rien d’un conte pour enfants : Madame de La Haltière, génitrice de Lucette (le prénom de Cendrillon) y figure une marâtre bourgeoise, antipathique mère-maquerelle tenaillée par une unique obsession :  ravir en faveur de ses filles, Noémie et Dorothée, le parti le plus lucratif.  

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Il est toujours risqué de repasser les plats avec un nouveau personnel de cuisine. Si, au pupitre, la cheffe canado-ukrainienne Keri-Lynn Wilson, fondatrice et directrice musicale de l’Ukrainian Freedom Orchestra, s’empare avec brio de la partition pour son entrée sous le ciel lyrique parisien, c’est peu dire que Paula Murrihy ne remplace pas à son avantage, dans le rôle travesti du Prince charmant, la mezzo-soprano britannique Anna Stephany qui y faisait merveille en 2022 : vibrato poussif exagérément alenti, manque de netteté dans le phrasé, la mezzo-soprano irlandaise paraît décidément à la peine dans cette partition il est vrai particulièrement exigeante… On retrouve fort heureusement une Madame de La Haltière à son meilleur sous les traits de la mezzo-soprano Daniela Barcellona. Quant à la soprano caribéenne Jeanine de Bique en Cendrillon/Lucette (prenant la succession de l’inoubliable soprano Tara Erraught), elle impose, en dépit d’une émission quelque peu étouffée par la puissance orchestrale, une voix tout à la fois délicate et charnue dont l’intensité dramatique n’est pas moindre que lorsqu’elle campait Alcina, de Haendel, il y a trois ans, dans la mise en scène de Robert Carsen. Marine Chagnon, qu’on vient d’entendre avec bonheur en Zerlina dans Don Giovanni sur le même plateau de la Bastille, reprend le rôle de Dorothée aux côtés d’Emy Gazeilles, qui campe sa sœur Noémie, duo drolatique et sensationnel. La soprano norvégienne Caroline Wettergreen complète cette distribution pas intégralement féérique, comme on l’a vu. Reste l’enchantement de la musique de Massenet, intact.    

Cendrillon 2023-2024 © Elisa Haberer – Opéra national de Paris

Cendrillon. Conte de fées en quatre actes et en six tableaux de Jules Massenet (1899). Direction musicale Keri-Lynn Wilson. Mise en scène Marianne Clément. Orchestre et chœurs de l’Opéra de Paris. Avec Jeannine De Bique (Cendrillon), Daniela Barcellona (Madame de La Haltière), Paula Murrihy (Le Prince charmant), Caroline Wettergreen (La Fée), Emy Gazeilles (Noémie), Marine Chagnon (Dorothée), Laurent Naouri (Pandolfe), Philippe Rouillon (Le Roi)…

Opéra Bastille, le 29 octobre à 14h30 ; les 1, 4, 7, 10, 14, 16 novembre à 19h30
Durée : 3h.




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