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« Le Consentement »: l’emprise en gros sabots

Un film de Vanessa Filho, d’après le récit de Vanessa Springora, en salles depuis le 11 octobre


« Le Consentement »: l’emprise en gros sabots
Jean-Paul Rouve et Kim Higelin, "Le Consentement" de Vanessa Filho © Moana Films / Windy Production

Le film tiré du récit de Vanessa Springora sur sa relation toxique, quand elle avait 14 ans, avec l’écrivain Gabriel Matzneff, film que la plus grande partie de la presse descend en flammes, est-il si mauvais que ça ?


Mon officier traitant chez Causeur, m’a lancé il y a trois jours : « Je vous mets au défi de nous écrire cette semaine un truc passionnant qui ne parle pas d’Israël et de Gaza ! Pourquoi pas le film sur Matzneff ? » (Entretemps, un islamiste a assassiné un enseignant à Arras — l’actualité va parfois très vite, et une horreur se substitue à une autre… Quand nous aurons compris qu’on ne négocie pas avec des fous de Dieu, nous aurons fait un grand pas.) Je résiste rarement à une provocation du genre « t’es pas cap’ ». Mais là, j’avais été échaudé au préalable. Une amie, qui connaît bien Matzneff, était allée voir Le Consentement, et en était ressortie horrifiée : « Le pire navet que j’ai jamais vu au cinéma ! C’est très mauvais, sans aucun intérêt, glauque, morbide, une caricature grossière. Rouve est très laid et sans aucune élégance : il ne suffit pas de se raser le crâne pour ressembler à Matzneff. Quelle pauvre tache ce type ! Et la réalisatrice qui se croit obligée de faire boire du lait (pour la croissance !) à la pauvre Vanessa pour bien montrer qu’elle est une petite fille ! C’est morbide, extra glauque. Aucun moment de plaisir, de beauté. Aucune culture. Rien. Pathétique. Je m’attendais à un navet, mais pas à ce point quand même… »

Surjeu

On conviendra que c’est assez peu incitatif. J’ai consulté la presse, et les critiques étaient du même tonneau. Ainsi Alexandre Janowiak dans Ecran large trouve que le film de Vanessa Filho « souffle le chaud et le froid en permanence » — bref, c’est un film à l’eau tiède. Maya Boukella, dans Madmoizelle, constate, avec lucidité et perspicacité : « Fille de Kên Higelin, petite-fille de Jacques Higelin et nièce d’Izïa Higelin, Kim Higelin signe ici son premier rôle dans un long-métrage. La question n’est pas tant de savoir si la comédienne de 23 ans joue bien ou non : le problème est que l’on voit immédiatement qu’elle a été dirigée pour faire une performance choc qui lui fasse gagner un César de l’espoir féminin. Au fil des scènes, on a presque l’impression d’entendre la réalisatrice lui souffler : « Touche ton visage comme dans un clip, fais vraiment morver ton nez, cligne d’abord de l’œil droit puis du gauche quand tu regardes Jean-Paul pour que l’on sente qu’il te trouble. » En bref, on tombe immédiatement dans un surjeu auquel on a du mal à croire. »


D’autant que ça se voit, qu’elle a 23 ans et pas 14. Comme elle passe une bonne part du film à moitié nue (amis voyeurs, c’est pour vous), on le constate de visu, des seins de jeune femme ne sont plus des boutons de rose de gamine. Il n’y avait donc aucune actrice post-nubile disponible ? Dans Lolita (1962), Kubrick avait avec Sue Lyons une gamine de 16 ans qui jouait avec une force incroyable — mais bon, c’était Kubrick. Kim Higelin, disons-le crument, est nulle. Elle a de surcroît un physique ingrat qui entre en conflit avec les déclarations enthousiastes du séducteur, qui la trouve belle, si belle…
Et c’est d’autant plus terrible que Jean-Paul Rouve, qui joue Matzneff sans avoir un doigt de la beauté vénéneuse de l’écrivain, joue magnifiquement — tirant le personnage vers un aspect diabolique. Et après tout, Satan est le Séducteur par excellence — parlez-en à Eve… Si bien que lorsque la jeune fille est à l’écran, on soupire en attendant que le vrai héros revienne. Et lorsqu’ils sont ensemble, on ne la voit plus, tant Rouve mange l’espace.

Si bien que l’on en arrive à ne plus la plaindre : quand on apprend qu’elle a un hymen renforcé (ça arrive) que le Séducteur ne parvient pas à ébrécher et dont seul le bistouri d’un gynécologue viendra à bout, et que Rouve / Matzneff lui explique donc qu’il est d’autres voies par lesquelles elle peut le rendre heureux, on ne compatit guère à son expérience de la sodomie, tout comme on ne la plaint guère de devenir — dit-il — une reine de la fellation. Et que voulez-vous donc faire à un homme que vous aimez, mesdames ?

Téléfilm longuet

Parce qu’elle l’aime, le vilain monsieur. Elle le crache au visage de sa mère, alcoolique et dépassée (Laetitia Casta, impeccable elle aussi), elle le prouve au fil de missives enflammées (heureuse époque où les gamines ne cloutaient pas leurs lettres d’amour de fautes d’orthographes inacceptables), elle l’explique à sa copine. Et on comprend qu’elle l’aime : Matzneff / Rouve est un maître du langage et un expert ès pénétrations anales, petits garçons inclus. En face, Vanessa / Kim, qui nous est présentée comme une très bonne élève, férue de lectures de qualité, ne démontre guère qu’elle a un QI au-dessus du niveau de la mer : elle est si nulle qu’on finit par ne plus la plaindre, ce qui est quand même un tour de force.

Co-production Canal + et France Télévision, Le Consentement agrémentera sans doute bientôt votre petit écran — il est filmé en conséquence, c’est un téléfilm longuet : 118 minutes, c’est au moins 20 de trop. La réalisatrice a cru bon de le saturer de signaux répétitifs : Matzneff décore son studio de photos d’Alice Liddell, l’égérie mineure de Lewis Carroll ; il emmène sa jeune maîtresse à l’opéra pour assister à une représentation de Don Giovanni, fatalement — et on réentendra plus tard l’ouverture de l’œuvre. Bref, c’est un film en surpoids, alors même que son propos est fort mince : un prédateur, serial niqueur de son propre aveu, et qui le raconte avec une ingénuité perverse chez Bernard Pivot, abuse d’une toute jeune fille qui est absolument d’accord pour s’abandonner à sa tentation. C’est très mal, l’homme de haute moralité que je suis s’en indigne vertueusement. Et le film de Vanessa Filho, exception faite de la performance de Jean-Paul Rouve, est très mauvais.

Le Consentement

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Normalien et agrégé de lettres, Jean-Paul Brighelli a parcouru l'essentiel du paysage éducatif français, du collège à l'université. Il anime le blog "Bonnet d'âne" hébergé par Causeur.

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