La guerre entre Israël et le Hamas fait craindre l’avènement d’un choc des civilisations plus général et plus sinistre encore.
Nous autres, enfants de l’Occident chrétien, nous avons été nourris de ce précepte d’humilité et de parfaite résilience suivant lequel lorsqu’on reçoit une gifle sur la joue droite rien ne serait plus louable que de tendre la joue gauche. Cette éducation à l’appétence pour le martyr, il faut bien le dire, a fait longtemps notre orgueil, notre gloire. Nous ne nous abaissions pas à riposter, à rendre coup pour coup. Cette autre assertion biblique du « œil pour œil, dent pour dent », ne pouvait être en aucune façon notre affaire. Nous nous placions au-dessus de cela. Nous nous voulions aspirant à la sainteté de celui qui subit sa « passion », ses souffrances et ses humiliations en ce bas monde comme autant de petits cailloux blancs semés sur le chemin qui le conduirait en majesté dans l’autre monde.
Changement de saison
La déferlante barbare de ces derniers jours sur Israël, cet ilot avancé d’Occident en terre d’Orient, n’est évidemment pas qu’une gifle. C’est un tsunami de haine qui accompagne le réveil de l’hystérie exterminatrice des heures les plus noires, les plus sauvages, les plus inhumaines de l’histoire de l’humanité. Une chose est bien certaine : si ces meutes avaient eu à disposition des chambres à gaz, des fours crématoires, ils les auraient bourrés jusqu’à la gueule de femmes, d’enfants, de vieillards. Leur but suprême – pire encore, leur bible – n’est autre que massacrer du Juif pour massacrer du Juif. Du Juif parce que juif. Toutes les autres considérations ne sont que baratin et faux fuyants. Accommodements d’apôtre de l’offrande de la joue gauche et lâcheté à la munichoise. C’est là et maintenant le Juif parce que Juif, puis ce sera dans la foulée, emporté par le même fleuve de haine et de sang, le Chrétien parce que Chrétien, ensuite viendra le tour de l’agnostique voltairien parce qu’il le vaut bien, et, fermant peut-être ce long et inexorable cortège funèbre, l’athée façon petit père Combe. Il n’y aura alors de salut pour personne. Le vivre ensemble sera passé de saison pour ne plus laisser la place qu’au mourir ensemble.
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Ces jours-ci, en Terre d’Israël, une Révélation nous a été donnée, livrée, offerte : l’annonce du calvaire que l’obscurantisme des temps les plus crépusculaires nous promet. Au fond – sinistre manifestation de desseins impénétrables ? – ce ne pouvait sans doute être que là…
L’histoire nous convoque
Une évidence s’impose. Ou, du moins, devrait s’imposer. Le temps n’est plus à la ratiocination des causes géopolitiques, au déploiement de la raison raisonnante, des explications expliquantes, de la compréhension comprenante, bref de la logorrhée habituelle par laquelle on se berce de l’illusion d’avoir encore barre sur la folie du monde et la monstruosité récurrente des assassins insatiables, ces hordes qui prennent Dieu lui-même en otage dans leur délire de mort. Non, décidément, l’heure est à choisir son camp. Sans plus de tergiversation. Sans plus d’état d’âme. L’heure est venue, oui, de répondre au défi auquel l’Histoire, ces jours-ci, nous convoque avec une extrême brutalité. Notre joue gauche, pour une fois, nous en saura gré. Nous ne la tendrons plus.
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