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Les voisins du Jardin d’Éole ont-ils le «droit de vivre tranquille»?

Des paroles et des migrants…


Les voisins du Jardin d’Éole ont-ils le «droit de vivre tranquille»?
Gérald Darmanin rencontre son homologue Matteo Piantedosi à Rome, 18 septembre 2023 © AP/SIPA

« Non la France n’accueillera pas de migrants venus de Lampedusa » avait martelé d’un ton ferme notre ministre de l’Intérieur, lors de son interview au 20h de TF1, le 19 septembre. Ce n’est pas exactement ce qui s’est passé, constatent les habitants du nord de Paris.


Cette affirmation tonitruante vient de se briser sur le mur de la réalité : des migrants de Lampedusa ont bien débarqué à Paris et se sont installés au nord-est de la capitale, dans le jardin d’Éole, qui n’a de jardin que le nom. Depuis longtemps transformé en ghetto gangrené par le trafic et la consommation de crack ou d’héroïne, les résidents ne peuvent plus mettre le nez dehors sans assister à des scènes dignes de Walking Dead, avec des toxicos errants qui se cament, qui agressent, s’en prenant même à des enfants. Une insécurité arrivée à un point si culminant l’an dernier, que certains avaient été escortés par la police municipale pour se rendre à l’école. Misère, insécurité, trafic, l’arrivée des migrants au jardin risque d’amplifier tous ces problèmes.

Un laisser-faire irresponsable

C’est ce que redoute Pierre Liscia, conseiller régional d’Île-de-France qui connait bien le quartier pour avoir vu, depuis la crise migratoire de 2015, l’arrivée successive de migrants et de toxicos qui viennent et repartent selon les rythmes erratiques des évacuations. « Une fois encore on subit en silence ! » fustige-t-il. « Je sais par expérience que cette cohabitation entre ces deux publics peut être explosive. Une trop grande concentration sur un espace public aussi restreint, engendre des risques pour les riverains mais aussi pour les migrants eux-mêmes, les plus fragiles psychologiquement tombant dans la consommation de crack… » Pour éviter cela, l’élu défend « l’évacuation immédiate », quitte à braver les foudres moralisatrices des humanitaires de salon. Pour lui, c’est « le laisser-faire [qui] est irresponsable » et seule l’évacuation immédiate permettrait d’éviter que les problèmes s’enkystent… Un vœu pieux.

Réseau de dealeurs, au parc Eole, en 2021. © SIPA

Dans les jours qui viennent, des tentes insalubres continueront à être plantées sous le métro aérien de Stalingrad, des femmes terrorisées contourneront le lieu le soir pour pouvoir rentrer chez elles sans se faire insulter voire agresser, et l’association pro-migrants Utopia56 organisera pour la énième fois un campement sauvage devant le Conseil d’État ou la mairie de Paris pour dénoncer le manque d’hébergements d’urgence… Peu importe si l’État, donc les contribuables, claque déjà un pognon de dingue pour financer ce droit à « l’abri inconditionnel » que seule la France dans le monde s’honore à organiser, déboursant chaque année, d’après le directeur de l’Ofii, Didier Leschi, 3 milliards d’euros…

Un nouveau fiasco

Lors de son déplacement à Rome, M. Darmanin annonçait tambours battants le renforcement des contrôles à la frontière franco-italienne, avec un gonflement des effectifs de police et de gendarmerie qui devaient passer de 500 à 700, notamment pour empêcher les franchissements irréguliers par les clandestins. Force est de constater que ce déploiement n’a servi à rien. Après le fiasco de l’Ocean Viking, où les 235 migrants hébergés dans un centre de vacances du comité d’entreprise d’EDF-GDF de Hyères se sont carapatés dans la nature – dont les 123 qui avaient fait l’objet d’un refus d’entrée sur le territoire, voici le fiasco de Lampedusa. Et cette fois, on ne parle pas de quelques migrants mais de milliers avec l’arrivée de 12 000 clandestins sur l’île, le double de sa population. Une réelle submersion migratoire, n’en déplaise au droit-de-l’hommisme qui trouve que ce champ lexical sent très mauvais.

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Combien sont-ils à avoir déjà pu franchir la frontière franco-italienne et arriver jusqu’à Paris ? Aucun chiffre n’est encore sorti. Mais visiblement, sur le terrain dans le jardin d’Éole, les bonnes âmes qui viennent distribuer des petits déjeuners aux gens dans le besoin ont constaté une recrudescence et doivent livrer plus de jus, viennoiseries et autres victuailles. Pierre Liscia constate également, non sans un certain fatalisme, cette recrudescence de migrants depuis quelques jours. Pour l’élu, leur arrivée depuis Lampedusa était prévisible, puisque « depuis la crise de 2015, Paris fait partie de l’étape incontournable sur la route migratoire », rappelle-t-il non sans critiquer la compromission d’associations humanitaires avec les passeurs pour faire acheminer les migrants de l’Italie jusqu’à la France.

Paroles, paroles…

Les jours passent et le sempiternel scénario catastrophe ne cesse de se répéter : les discours politiques de fermeté continuent de s’enchainer et masquent l’impuissance étatique à contrôler les flux migratoires de plus en plus massifs et continus. Darmanin a roulé encore une fois des mécaniques, mais à force d’échecs ces dernières se rouillent peu à peu… Sauf par temps de Covid où devant le risque sanitaire les pays européens se sont souvenus de leurs limites géographiques, nos frontières restent des passoires. Pile au moment où Gérald Darmanin annonçait les renforts à la frontière italienne, la Cour de justice européenne, sollicitée par le Conseil d’État français, lui-même saisi par plusieurs associations pro migrants, rendait un arrêt empêchant l’État français de refouler un étranger entré clandestinement sur son territoire et l’obligeant à respecter une directive européenne dite « retour » qui impose notamment de respecter le droit de recours et la mise à disposition d’aides juridiques, d’interprètes ou de soins médicaux…

Dans sa dernière intervention télévisée, avant son allocution de ce jeudi concernant Israël, Emmanuel Macron promettait sur France 3 le « droit de vivre tranquille », et annonçait en grande pompe 238 brigades de gendarmerie supplémentaires. Mais les habitants des quartiers nord de Paris commencent à comprendre que ce « droit de vivre tranquille » n’est possible que si la France reprend en main son destin, décide souverainement qui elle accueille ou non sur son territoire, et par conséquent déconnecte sa politique migratoire du droit de l’Union européenne, à l’instar de la Suède et du Danemark ; des pays, rappelons-le, gouvernés par des partis sociaux-démocrates. Alors assez de blabla, passons aux actes.  




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