Accueil Édition Abonné Non, la France ne doit pas (complètement) se désengager de l’Afrique!

Non, la France ne doit pas (complètement) se désengager de l’Afrique!

Notre pays doit resserrer ses liens avec l'Afrique


Non, la France ne doit pas (complètement) se désengager de l’Afrique!
Opération Barkhane, Mali, janvier 2022 © ANTONIN BURAT / ZEPPELIN/SIPA

La France n’est pas chez elle en Afrique, c’est entendu. Mais elle n’a pas le choix : elle est dans l’obligation de conserver les liens étroits qu’elle entretient avec le continent noir. Telle est la condition pour rester un acteur majeur de la géopolitique mondiale. Sinon, le déclassement de notre pays nous guette. Analyses.


À la fin du siècle, le continent africain comptera 2 milliards et demi d’habitants, si sa courbe démographique suit sa progression actuelle. C’est la première raison pour laquelle la France doit resserrer ses liens avec l’Afrique. Les déboires que nous venons de subir au Niger et au Mali, les rebuffades du Burkina Faso, le refus par le Maroc de notre aide suite au tremblement de terre, ne sont pas des motifs suffisants pour jeter l’éponge. Les destins des deux continents, Europe et Afrique, sont liés, qu’on le veuille ou non. Et la France est bien placée pour être l’acteur majeur de cette relation.   

Une partie de l’avenir de la France se trouve en Afrique

A ce premier motif démographique s’en ajoutent quatre autres. Le premier, c’est que la France, ancienne puissance coloniale, continue d’entretenir des relations très étroites avec plusieurs pays qu’il ne s’agit pas de négliger : il n’est de richesse que d’hommes et notre pays a beaucoup à gagner à cultiver ses amitiés africaines.

Troisième raison de ne pas se désengager de l’Afrique : dans la concurrence féroce que se livrent les nations sur le théâtre de la mondialisation, les atouts que nous avons dans la manche sur le continent noir nous confèrent quelques longueurs d’avance. Pour combien de temps ? Déjà, la Chine nous surclasse en termes de parts de marché dans l’économie africaine. Partir signifierait dilapider le capital, culturel et politique, accumulé patiemment et accélérer de la sorte le processus de déclassement. Si notre pays désire rester souverain en termes politique et diplomatique, il doit impérativement s’appuyer sur une économie puissante en interne comme à l’international. Pour cela, les liens qu’elle a tissés avec de nombreux pays francophones constituent un levier d’influence au niveau mondial parce que les affaires africaines sont appelées à peser de plus en plus dans la marche du monde. Ce n’est pas pour rien que la Chine, la Russie, les Etats-Unis et l’Inde y investissent massivement, et pas seulement financièrement.

Un œil sur les questions djihadistes et migratoires

Autre motif important et évident de garder un contact fort avec l’Afrique : la menace djihadiste. Al Qaida, l’Etat islamiste et Boko Aram sont très présents dans la bande sahélienne et au Nigéria. Il n’est pas exclu que certains Etats fassent de nouveau appel à la France pour les contenir. Si les nouvelles autorités du Niger et du Mali ont déclaré que nous avions échoué dans cette guerre contre le djihadisme, c’était uniquement dans le but de justifier leurs putschs militaires. Ne soyons pas dupes de leur rhétorique. Accuser la France a servi à unifier la population derrière eux et légitimer leurs coups de force. Rien de tel que la désignation d’un bouc émissaire pour cimenter l’opinion publique et détourner l’attention au sujet de l’impéritie de pouvoirs en place.

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Enfin, la dernière raison, et non la moindre, de la nécessité de continuer à entretenir des relations étroites avec les pays africains, est la problématique migratoire. Le différentiel économique et démographique entre l’Europe et l’Afrique est tel que la première s’attend à ce qu’un nombre croissant de ressortissants de la seconde émigrent chez elle. Or, les opinions publiques européennes tiennent à ce que ces flux soient maîtrisés, contrôlés et régulés. Aussi le meilleur moyen de parvenir à contenir ces flux migratoires consistera à rester dans les meilleurs termes avec les pays de départ de l’émigration. Sur ce plan, il s’agira de négocier intelligemment : ce sera du donnant-donnant. Notre aide sera conditionnée à la coopération des Etats africains sur ce sujet.

Voilà les cinq raisons principales qui militent en faveur du maintien de liens étroits avec l’Afrique. Le second volet de cette politique consiste à se demander comment faire pour y parvenir.

Comment faire ?

D’abord, il est recommandé de faire preuve de souplesse. D’autant plus que nous sommes une ancienne puissance coloniale, statut ambivalent dont sauront jouer nos concurrents et nos adversaires. Ne jamais oublier que nous ne sommes pas (plus) chez nous en Afrique. Or, quand on est chez un autre, on s’abstient de s’ingérer dans ses affaires intérieures et de délivrer des leçons. Certes, la France continuera d’accueillir les persécutés. Cependant, l’heure est révolue de juger du bien et du mal dans le cours des événements politiques des pays du continent africain. Si tous les régimes ne se valent pas, ce n’est plus à nous toutefois de décider de la nature du pouvoir qu’il convient de choisir pour nos pays-partenaires. Et, si la démocratie a notre préférence, ce n’est pas un motif suffisant pour ne plus parler aux pays qui ont choisi une voie différente – les peuples n’ayant pas toujours leur mot à dire sur la question : c’est d’ailleurs ce qui différentie une démocratie d’une dictature.

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Ensuite, il faudra former des « capteurs » humains plus compétents pour avertir nos dirigeants de l’évolution des pays africains. Il n’est pas normal que nous ayons été pris de cours par l’évolution du Niger avec lequel nous entretenions de très bonnes relations jusque-là. La situation a basculé en quelques jours sans que nos diplomates et nos « experts » n’aient rien vu venir. Il est nécessaire que la France se dote de personnes capables de lire dans le devenir de ces jeunes Etats constitués au lendemain de la décolonisation. A cet égard, un œil attentif surveillera les velléités sécessionnistes et indépendantistes de certaines régions du Mali ou du Niger. Ces pays sont gros de conflits internes sur lesquels vient se greffer la menace djihadiste. De nouveaux accords de coopération avec certains Etats, dont les termes seront à discuter, ne sont pas à exclure pour prévenir cette menace.

L’Afrique est un continent d’avenir. Si la France tient à son statut de puissance pour compter sur la scène géopolitique mondiale, elle se trouve dans l’obligation de conserver ses relations avec lui. D’autant plus que la jeunesse du continent noir fera bouger les lignes de l’évolution politique et culturelle du monde dans les décennies à venir. Nous ne sommes qu’au début de nos surprises. Sur ce terrain, la France a un train d’avance sur ses concurrents avec son histoire récente. C’est un avantage à ne pas négliger. Mohamed Ould Ghazouani, président de la Mauritanie, affirmait récemment : « La France est le pays d’Occident qui connaît le mieux l’Afrique, avec elle il a un lien exceptionnel » (entretien au Figaro, le 30 septembre 2023). Or, la connaissance est l’étape préalable à l’action. A nous de faire fructifier cet avantage dans l’intérêt de tous.      




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est l'auteur de « 48 objections à la foi chrétienne et 48 réponses qui les réfutent » aux Editions Salvator.

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