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SNCF, à nous de vous faire préférer la voiture!

Le témoignage déchirant de Céline Pina, galérienne du train


SNCF, à nous de vous faire préférer la voiture!
Inde, image d'illustration © Unsplash

Notre collaboratrice raconte comment elle en est arrivée à perdre le prix du billet de train qu’elle avait acheté pour préférer sa puissante berline (une petite citadine de 15 ans d’âge), à cause de l’organisation erratique de nos transports ferroviaires. Coup de gueule.


Dimanche dernier, pour la première fois de ma vie, je suis descendue d’un train pour prendre ma voiture. J’ai perdu le prix du billet Aller/Retour (TER non remboursable). J’ai pris cette décision car je ne me voyais faire 4h de trajet dans des conditions indignes et dangereuses. La prochaine étape pour la SNCF, c’est le tiers-monde près de chez vous, avec les passagers sur le toit.

Les galériens de la gare de Paris Bercy Bourgogne – Pays d’Auvergne

En effet, c’est le cas tous les vendredis et dimanche : le train pour Lyon au départ de Paris-Bercy est pris d’assaut. Les TGV pratiquant des tarifs d’usuriers, les gens voyagent de plus en plus en TER. Donc cela fait au moins deux ans (pour ce que j’ai pu constater) que la SNCF sait que certains jours, certains trains roulent sans assurer le minimum de sécurité et de confort à ses clients. Là je n’étais pas à gare de Bercy, mais quelques arrêts après. Dans « les territoires », comme disent les communicants et politiques parisiens. Et la situation était pire encore. Le train était déjà bondé, c’était l’avant dernier TER de la journée, les gens tentaient de forcer le passage, les esprits s’échauffaient, mais de toute façon, dans le train, tout le monde était déjà debout, dans les couloirs, au niveau des entrées et certains venaient de faire déjà 1h30 de trajet le nez écrasé contre la porte. Il en restait 4 pour atteindre Lyon.

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Alors que fait la SNCF face à cette situation? Eh bien rien. Les gueux prennent d’assaut les TER du vendredi et du dimanche? Eh bien qu’ils en bavent : on ne va tout de même pas relever la qualité du service pour des gens qui ont le mauvais goût de ne pas vivre à Paris et ne peuvent se payer le TGV.

L’essayiste et journaliste Céline Pina © Photo Hannah ASSOULINE

Il se trouve que cette fois-ci j’ai croisé un agent SNCF. Je lui ai donc demandé s’il était normal de faire circuler un train dans ces conditions. Il a été très désagréable, mais je l’ai été aussi. Donc 1 à 1, la balle au centre. Mais ce qui est intéressant, au-delà de l’absence d’empathie, c’est que le type n’avait même pas idée que l’on puisse réfléchir à des améliorations. Sa réponse était en boucle: « et vous voulez quoi? Qu’on empêche les gens de monter? On a prévenu, mais les gens veulent quand-même prendre les transports tous en même temps ». Ben oui, sont cons les gens. Ils travaillent en général le lundi et ont besoin de rentrer le dernier jour du week-end. Et la SNCF n’a jamais réfléchi à ce fait ?

Des passagers traités comme du bétail

Et quand vous faites remarquer que le long du trajet, d’autres personnes ne pourront accéder au train et que le suivant connait en général les mêmes problèmes, il hausse les épaules en mode « chacun sa merde ». En revanche l’idée d’améliorer le service ou que quelqu’un puisse travailler à cela, ne semble ne même pas lui traverser l’esprit.

Et pourtant il y a de quoi s’interroger. Les vieux Corails étaient peut-être moches, quoique… Mais on pouvait faire monter énormément de monde dedans. Les nouveaux trains sont plus élégants et vastes, mais ils offrent peu de place et surtout sont limités. Une locomotive pouvait tirer un nombre important de wagons dans les Corails. En revanche dans les nouveaux trains, quand les gens désagréables sur les quais vous disent : « on peut rien faire de plus, on a déjà mis deux rames! », vous vous demandez s’il y a encore un seul type compétent dans la boite. Deux de ces nouvelles rames ne permettent pas de gérer ce type d’afflux.

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Pourquoi, alors que la situation est prévisible, se renouvelle depuis des années et que la SNCF est au courant des conditions de transport qu’elle inflige à ses clients, l’entreprise continue à les traiter comme du bétail ? Pourquoi les Régions ne se battent pas pour un meilleur service? Pourquoi, alors que ces trains sont d’utilité publique et que leur fréquentation se développe, faire des choix de matériel inadaptés et aberrants?

Céline Pina : « J’aime ma bagnole »

Mais, ce dimanche, alors que les portes ne réussissaient pas à se refermer car les corps des voyageurs et la masse des valises n’arrivaient pas à se compresser assez, j’ai sauté hors du train. J’ai pris ma voiture. Essence et péage compris, cela m’a coûté moins cher que le TGV. Bon c’était bien plus cher que le TER, mais se sentir indépendant, libre et pas méprisée par une entreprise qui semble se moquer de la qualité de son service, cela n’a pas de prix.

En plus je ne perds même pas de précieuses heures de travail car au vu des conditions de circulation de ce TER, je n’aurai pas pu sortir mon ordinateur pour écrire… Il se trouve que j’ai d’autres déplacements à faire sur cette ligne les dimanches soirs. Je me suis donc organisée pour ne plus prendre le train. J’étais quelqu’un qui privilégiait les transports en commun. Grâce à la SNCF, ce n’est plus le cas.

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Ancienne conseillère régionale PS d'Île de France et cofondatrice, avec Fatiha Boudjahlat, du mouvement citoyen Viv(r)e la République, Céline Pina est essayiste et chroniqueuse. Dernier essai: "Ces biens essentiels" (Bouquins, 2021)

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