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Serge Raffy, l’âge de déraison

Serge Raffy se remet à la musique, à quand un duo avec Christophe Hondelatte?


Serge Raffy, l’âge de déraison
Serge Raffy, image d'archive © BALTEL/SIPA

L’ancien rédacteur en chef de l’Obs reprend son destin où il l’avait laissé. Avec Bivouacs, Serge Raffy fait son entrée dans la chanson française, sur fond électro, avec un album remarquable.


Sympa. C’est le mot qui vous vient à l’esprit en présence de Serge Raffy. Super sympa, quand on le connaît un peu. La simplicité de ce jeune homme qui a pris de l’âge honore un des plus beaux CV de la presse française. Une quinzaine de livres brillants : romans, essais, biographies, dont celle, incontournable et mondialement connue, de Fidel Castro. Un style élégant, incisif, précis, teinté d’humour, un sens rare de la formule, des portraits tirés au cordeau ; des centaines d’articles couvrant un demi-siècle d’un regard ouvert porté sur le monde et l’évolution de nos sociétés, avec un tropisme certain pour le politique. Voilà pour le passé. Le rédacteur en chef de l’Obs vient de raccrocher après une longue carrière commencée à la Dépêche du Midi, poursuivie à Libé, puis à l’Obs, avec une parenthèse de quelques années au service du féminin, comme rédacteur en chef du magazine Elle.

Kidnappé par le destin

L’homme porte aujourd’hui un sourire amusé sur le pigiste kidnappé par le destin dans sa vingt-cinquième année : journaliste à RMC, il vient d’enregistrer un 45 tours au mythique Studio Condorcet à Toulouse. La pochette de Y a un mystère est dessinée par Enki Bilal.


Le mystère restera entier puisque le mécène du disque, un banquier, disparaît bientôt en Afrique. Serge ne songe nullement à quitter sa ville, son groupe et ses copains. Mais Jean Daniel, qui veut pour Le Nouvel Observateur des écrivains-journalistes, lui fait des appels du pied. Franz-Olivier Giesbert, l’ami fraternel, finit par le convaincre. Le Toulousain de cœur consent à quitter ses rêves pour les rejoindre. Raffy grand reporter va courir le monde, l’Amérique latine en particulier, et mettre la musique entre parenthèses.

Plutôt une mise en sourdine. Les voyages de l’homme de plume sont autant d’occasions de se constituer un trésor de guerre. À la manière d’un photographe, le reporter saisit des instants de vie, des impressions de voyage. Des notes qui ont vocation à devenir des histoires qu’il mettra plus tard en musique. Folk dans un premier temps. Avec une inflexion latino dans les années 2000 où ce fan des Beatles et d’Otis Redding se produit dans des petites salles, avec une formation acoustique, le MOW (Music Of World) : une choriste argentine, un guitariste arménien et un percussionniste cubain.

Plus électro que branché

L’idée de l’album se dessine. Et se précise quand il rencontre Hugo Stradella, un jeune batteur, multi-instrumentiste. Le fossé des générations les sépare, leurs goûts communs les rapprochent. La fusion opère. Quatre ans de travail avec le réalisateur à rechercher dans chaque son une harmonie avec le texte, l’adéquation parfaite du son et du sens. Un climat. 14 titres et autant de destinations. La voix, caressante, souvent murmurée, se pose sur des nappes musicales élégantes. L’habillage, sur mesure, est essentiellement électro. « J’ai voulu rendre aux mots ce qu’ils m’avaient donné » résume cet amoureux de la langue française, fan absolu du regretté Nougaro.

Une partie de lui-même qui ne s’était pas exprimée

Bivouac est un long voyage à l’envers. Le chanteur revient sur les pas du grand reporter. L’album ouvre sur Hôtel Métropole où sa voix fusionne avec celle d’Art Mengo sur les rives du fleuve Mékong. Lydia Hudon Ferland l’accompagne sur Je ne regarde pas en arrière – qui fait étrangement penser à Etienne Daho, comme sa nouvelle version de Laurie Bloom et « ces nuits suspendues à ton cou ». Sur Laissez passer, la voix est celle de Malena Marquez. Raffy effectue le reste du voyage en solitaire, faisant escale à Paris où l’envoutant Eiffel Lovers évoque « la dame de fer en sentinelle ». Puis Berlin avec Alexanderplatz où « il reste des traces » des « fantômes qui surveillaient leur vie ». L’éditorialiste politique file ensuite vers Les Sirènes d’Essaouira, puis Gibraltar où, allongé, il regarde « passer les pélicans sur la Canopée ». Sur les hauteurs de Beverly Hills Geronimo blues, inspiré par Michael Connelly, se souvient de Dolores Quesada ; Gabo song raconte l’enfance de Gabriel Garcia Marquez. La chanson d’un regret. Serge n’aura pas eu le temps d’honorer le rendez-vous pris avec le grand écrivain, parti entre-temps rejoindre les étoiles.

La passion de la scène

Voici bouclé un tour du monde, un tour d’horizons, histoire de mettre un passé en règle. Celui d’un homme conscient que sa deuxième vie commencerait le jour où il déciderait d’en avoir une autre. La photo de couverture de l’album – une gueule – est celle d’un type qui assume de n’être plus un jeune homme. Comme Yves Simon, nourri de ses lectures et de ses voyages, Serge Raffy fait chanson à part. Il impose d’emblée son style. Une poésie. Des rengaines qui vous restent en mémoire. Entêtantes. Désormais chroniqueur au Point, le nouveau Raffy se produit sur scène et prépare son prochain album, Aimes, qui sera consacré aux femmes. Autant dire qu’il est loin, très loin, d’avoir dit son dernier mot.

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est écrivain.

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