Perdidos en la noche, quatrième long métrage du cinéaste mexicain Pascal Escalante (La région sauvage, Narcos, Los Bastardos) : une révélation !
En guise de prologue, l’assassinat d’une activiste écologiste en lutte contre l’industrie minière qui saccage l’environnement dans une région reculée du Mexique. La police corrompue est partie prenante de cet enlèvement et de cette disparition. Traumatisé par ce crime impuni, le fils de la victime, Emiliano, journalier sur un chantier, n’a de cesse de retrouver la dépouille de sa mère, que ses ravisseurs ont enterrée quelque part – mais où ?
Clivages sociaux abyssaux
Trois ans ont passé. Au bord du lac, une vaste maison contemporaine aux allures de bunker ajouré abrite une famille apparemment nantie – le père, Rigoberto, est un plasticien déjanté, étrangement nippé et coiffé iroquois, qui jouit manifestement d’une certaine cote sur le marché ; Barbara, la mère, artiste cosmopolite, coquette dominatrice et fantasque, se fait semble-t-il volontiers lifter le visage à Madrid ; Monica, sa fille d’un autre lit, est une influenceuse rivée à son smartphone. Ce petit monde de riches vit en confortable autarcie, à bonne distance du peuple. Mais le jeune Emiliano, qui n’a pas fait son deuil de la tragédie maternelle et poursuit inlassablement son enquête, parvient à se faire embaucher comme homme à tout faire chez Rigoberto, qu’il soupçonne de cacher le cadavre dans sa propriété, pourquoi pas dans la citerne du jardin… Tandis que, dans ce Mexique aux clivages sociaux décidément abyssaux, une violence larvée circule entre gangs d’adolescents tatoués et surarmés, police véreuse, sectes évangélistes, telles les « Aluxes », fanatiques que Rigoberto accuse de rapts et d’abus sexuels sur des enfants…
L’alchimie de ce scénario à entrées multiples fonctionne à la perfection, déjouant toutes les attentes du spectateur, bifurquant continûment dans l’improbable, sur un fond d’ironie acide et de sarcasme réjouissants (en particulier sur le statut moral et socio-économique de ce qu’il est convenu d’appeler « l’art contemporain » – n’en disons pas plus). Jusqu’au climax vertigineux où se révèle la noirceur absolue du genre humain, revers de la pureté angélique propre au héros, Emiliano, et à son attendrissante petite amie. Ensorcelant, agencé avec une virtuosité remarquable, filmé avec un sens aiguisé du cadrage, du tempo, du chromatisme et du détail concret, Lost in the night doit également beaucoup au jeu infaillible de ses acteurs, à commencer par Juan Daniel García Treviño dans le rôle d’Emiliano.
Photogénique Juan Daniel García Treviño
À 23 ans, Treviño, touche-à-tout photogénique (cadreur, chanteur, percussionniste, mannequin…) lancé dès ses 16 ans par sa performance dans le film de Fernando Frias diffusé sur Netflix Je ne suis plus là, a l’étoffe d’une star : qu’on se le dise ! Quant à la Madrilène Ester Expósito, interprète ici de la fille de Carmen, elle est déjà une star… sur Instagram. Et l’héroïne, en outre, de la série Elite – toujours Netflix. Comme quoi, la réalité dépasse souvent la fiction. D’ailleurs, Escalante a tourné Perdidos en la noche à Guanajato, patelin situé dans l’une des zones les plus dangereuses du Mexique. Dios mio, que pais !
Lost in the Night / Perdidos en la noche. Film de Pascal Escalante. Avec Juan Daniel García Treviño (Emiliano), Ester Expósito (Mónica Aldama), Bárbara Mori (Carmen Aldama) Fernando Bonilla (Rigoberto), Mafer Osio (Jazmin). Mexique. En salles le 4 octobre 2023. Durée: 2h02.