Thomas Morales a la France sentimentale. Non sans humour, notre chroniqueur aime se remémorer le « bon vieux temps ». Avec Monsieur Nostalgie (Héliopoles, 2023), son nouveau livre, on explore son panthéon personnel.
Qu’une grande actrice oubliée passe l’arme à gauche, qu’un ancien président de la République ou notre Johnny national cassent leur pipe, et l’auteur de ces lignes sait pouvoir compter sur Thomas Morales. Le chroniqueur berrichon est le roi de la nécrologie. Quand Causeur cherche en urgence un texte sur une figure publique disparue, l’écrivain répond dans l’heure avec un papier susceptible de rendre jaloux les autres journaux : c’est souvent le mieux troussé de toute la presse. Chaque dimanche après-midi, Thomas Morales offre également une chronique aux lecteurs de notre site. Le quasi-quinquagénaire publie ces temps-ci son nouveau recueil de textes. Inlassablement, il continue de labourer le sillon de la nostalgie. Par goût et par conviction, précise-t-il. Cela lui ferait grand plaisir, confie-t-il, que nous l’appelions « Monsieur Nostalgie », une fois son livre fermé. Il y explore tour à tour la langue française, les brocantes, la télévision ou le cinéma, et évoque aussi la province ou Paris. C’est une lecture réconfortante, alors que se profile à l’horizon un automne déprimant pour beaucoup de monde. C’est un précis de nostalgie que l’écrivain veut inclassable et, il l’espère, divertissant. Mission accomplie ! Thomas Morales retravaille inlassablement ses textes, telle la plus précieuse des verroteries. L’exercice commence par une évocation d’Audiard et se referme sur… Philippe Lavil. Morales fustige les mauvais coucheurs de notre époque et estime qu’il n’y a pas de mauvais goût. Au fil des pages, nous croisons Simenon, Sempé, Vialatte, Serge Lama, Lucien Bodard, Roland Topor, Bernard Blier, Romy Schneider, Lino Ventura, Jacques Chirac ou Félix Potin. Et bien d’autres.
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Les emmerdes volent en escadrille, disait Chichi. Les évocations de Morales s’enchaînent aussi, sans aucun ennui, notamment parce que ce n’est pas de la littérature « engagée ». Cela fait un bien fou. Tenons-nous à l’écart de la rentrée littéraire, et à bonne distance de toutes ces nouveautés woke et anti-woke qui ne manquent pas de s’accumuler sur les étals des libraires. Le lauréat du premier prix Denis Tillinac et membre du jury du prix des Hussards préfère s’épanouir avec les vieilleries, et nous ouvre sa malle à souvenirs. « Je suis né trop tard, à une époque où déjà les auteurs racontaient des histoires comme on élabore un plan com’ pour un sous-secrétaire d’État insignifiant », confesse l’écrivain qui, comme beaucoup de Français, se sent un peu perdu dans la mondialisation. Pas une littérature engagée, disions-nous ? C’est à voir. Des bords de sa Loire natale, où il dit souffrir du syndrome de la sous-préfecture abandonnée, notre ami assure qu’il n’est pas réactionnaire, mais nous met tout de même en garde : « La nostalgie n’est pas encore un crime. Elle le deviendra, soyez-en sûr, au train où la modernité avance et gangrène nos existences. » On ne sait plus alors si Monsieur Nostalgie veut encore nous amuser, ou s’il n’est pas tout à coup nettement plus sérieux.
Thomas Morales, Monsieur Nostalgie, Héliopoles, 2023.